4 manières juives d’encourager la verbalisation

Boris Cyrulnik mentionne la capacité de verbaliser comme l’autre point essentiel de la résilience.
Du point de vue du judaïsme, la verbalisation se fait à travers l’étude de la Torah, la prière fixe, la prière-élan du coeur, et les bénédictions circonstanciées.

Les bénédictions circonstanciées relatives aux événements douloureux sont moins connues. Nous chantons « chehéHéyanou » en communauté lors des événements joyeux, mais la bénédiction « barouH dayan haémet » est moins connue dans le cercle familial. Cette bénédiction permet d’exprimer notre impuissance et notre peine, et aussi de ne pas renoncer à notre croyance globales dans les valeurs humanistes.
Nous disons: « Tu es une source de bénédiction Éternel notre dieu, roi du monde, qui est le juge de vérité. »
Nous rendons à Dieu la responsabilité des choses inacceptables, dans l’esprit d’acceptation de nos limites mentionnée dans le premier paragraphe de cet article. D’un autre côté, nous utilisons les mots justice et vérité, nous ne renonçons pas à ces valeurs même lorsqu’un événement terrible nous dépossède pour un temps de notre capacité d’intervention. Cette bénédiction est normalement prononcée lorsque qu’on assiste au décès de quelqu’un, lorsqu’on entend une mauvaise nouvelle, pour les proches lors d’un enterrement.

La prière « élan du coeur » est toujours ouverte. On peut s’adresser à Dieu, qu’on y croit ou non (c’est le paradoxe juif!), avec douleur, avec colère, en demandant, en suppliant. L’épanchement du coeur est reconnue par la Torah comme l’un des points de départ du changement. Cela peut s’illustrer au niveau d’un groupe humain ou d’un peuple entier à travers la façon dont les Enfants d’Israël crient contre leur situation d’esclavage en Égypte. Au niveau individuel, Hanna en est un exemple remarquable. Remarquons qu’en principe, la prière « instituée » comprend un élément de spontanéité, « écoute notre voix Éternel notre dieu… » qui fait comme un écho à la demande réciproque de dieu vis-à-vis de nous telle qu’elle est évoquée dans la prière du chéma israël « écoute Israël, l’Eternel notre dieu l’Eternel est Un ».

La prière instituée, et son élément de base, la amida, est une remise en place de nos valeurs. Le chemin qu’elle nous propose nous remet sur la voie de la vie.
Nous rappelons la mémoire de nos ancêtres dont la force morale est une inspiration.
Nous remémorons la puissance de la vie et le soutien que nous sommes capables d’y puiser.
Nous soulignons le caractère sacré et inaliénable de la vie.
Puis nous ouvrons notre conscience à l’importance de la sagesse, à notre capacité de nous former nous-mêmes, à être pardonnés, à être délivré de nos tourments, à nous soigner physiquement et psychiquement, à voir les fruits de notre travail, à gouter la douceur d’être rassemblés, de voir la justice triompher, de voir les actions destructrices échouer, de voir les justes heureux (et nous avec eux si possible), de voir Jérusalem reconstruite, de voir grandir la lumière de l’intelligence humaine grandir, que notre prière soit entendue, de voir la « présence divine » revenir.
Nous sommes alors prêts à remercier pour la chance que nous avons d’être en vie aujourd’hui, ce qui est considéré comme miraculeux, en ces jours difficiles mais aussi au quotidien.
Nous concluons par l’affirmation de notre désir de paix pour nous et pour tous, de paix universelle.
Tel est le parcours mental que nous propose la amida de semaine, chemin que nous sommes invités à parcourir au moment du réveil pour entrer dans la journée, dans l’après-midi où nos activités nous ont peut-être décentrés, et le soir avant d’aborder le temps du repos.

L’étude de la Torah permet un dialogue ouvert sur les textes, et aussi sur les thèmes qu’ils abordent. La Torah peut nous inspirer à travers le récit du premier meurtre, l’histoire de Caïn et Abel, les questions d’oppression et de défense, comme peut-être l’histoire de David et Goliath, les histoires de résistance et de libération comme la sortie d’Égypte, ou les questions du sens même de la vie humaine à travers la quasi-destruction par dieu de l’ensemble de l’humanité au moment du déluge, et aussi à travers la décision finale de ne pas détruire toute l’humanité mais au contraire d’établir une alliance pour aider les êtres humains à canaliser les pulsions de destruction. Au delà de la Torah écrite, la Torah orale regorge de textes qui permettent d’ouvrir le dialogue, d’aborder d’une façon verbale et pas trop directe les questions les plus sensibles. Si nos enfants ou nos proches veulent ensuite saisir cette occasion pour évoquer l’actualité et leur expérience intérieure, cela peut également être très bénéfique.

Nous le voyons, la tradition juive invite à la verbalisation de différentes façons. Ces propositions sont importantes et ne sont évidemment pas limitatives. Il faut également prendre le temps de regarder et d’accueillir les dessins de nos plus petits, d’accueillir les jeux avec les poupées et les figurines, nos grands peuvent vouloir écrire poésies ou histoires…

Deux questions restent ici un peu en suspens: « Comment exactement utiliser l’étude dans la verbalisation? » et « Comment écouter si les vannes de l’émotion s’ouvrent ». La première est abordée à l’occasion des cours « Torah et pédagogie » du dimanche matin à Ganénou. La seconde est un long sujet, il serait important de trouver un cadre pour s’y consacrer.

 

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