Quelques heures avant Kipour, je partage ma dracha de Roch Hachana et vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 5777, gmar hatima tova.
Un an encore a passé. 365 jours. 8760 heures. 525 600 minutes. Plus de 30 millions de secondes.
Un trésor précieux entre tous, de temps, de la vie, la vie.
Qu’avons-nous fait de ces instants ? Qu’avons-nous créé ? Qu’avons-nous pensé ? Que sommes-nous devenus ? Ces instants ne reviendront jamais.
Ce jour de roch hachana est le jour des comptes, le grand jour de la comptabilité de nos actions.
Reprenons chacune de nos secondes et voyons dans quelle colonne nous l’inscrivons.
Nos colères, où s’inscriront-elles ? Nos joies ? Nos satisfactions ? Nos frustrations ? Nos repos ? Tous ces sentiments légitimes, dont nous sommes les bergers et bergères ?
Dans quelle colonne s’inscriront-ils ?
Cette colère-là, était-elle un investissement ? un gâchis ? un apprentissage ? une nourriture émotionnelle ? un tremplin pour évoluer ? une nécessité périmée ?
Cette joie-ci était-elle une construction ? Juste un bon moment ? Une occasion de générosité ?
Chacun de nos actes défile devant nous, comme les moutons d’un troupeau et nous décidons : quel sentiment vivra et quel sentiment disparaitra, lequel dissout dans l’eau et lequel brûlé par le feu, quelles habitudes s’enrichiront et lesquelles s’appauvriront.
Et notre examen de conscience, notre téchouva nous guide dans ce grand ménage d’automne. Et nos cris du cœur, notre téfila nous soutient dans ce grand chambardement. Et notre amour pour les autres, notre désir de partage, notre tsédaka nous nourrit par le sentiment de solidarité communautaire.
Ainsi, comme le disaient Mozart et Emanuel Schikaneder, ces trois guides nous rappellent d’une main douce à notre devoir.
Ces images sont une transposition de la prière Ountané tokef. Ce sont des images merveilleuses, que nous lirons et que nous entendrons demain, et vous pourrez également entendre un petit commentaire un peu provocateur sur la question sur la chaine youtube du MJLF ( Pensez à vous abonner !).
Je tenais à mettre cette prière en avant pour plusieurs raisons.
L’une d’entre-elles est que nous accueillons pour ces fêtes Hélène Blajan, qui est cette année pour la première fois notre Hazan. Anne Lebris, qui nous a accompagnés pendant de nombreuses années, a décidé de se consacrer prioritairement à son rôle de grand-mère, elle me charge de vous saluer tous et de vous souhaiter chana tova.
Hélène, pour sa part, a eu le douteux privilège de découvrir nos partitions approximatives qui sont d’ailleurs en voie de régénération. Et aussi le privilège réel, si nous savons l’accueillir, de faire votre rencontre.
Au cours de nos répétitions, l’une de ses paroles m’a fait réfléchir : elle affirmait que le bon interprète est celui qui se place derrière l’œuvre. Quand il/elle a chanté, chacun pense : quel beau chant. Personne ne pense : quel bon interprète.
Elle a raison. Ountané Tokef est une prière qu’il suffit de porter pour qu’elle nous porte à son tour.
Parfois, comme ountané tokef, les traditions prennent leur envol et conquièrent le cœur du monde juif dans son entier.
Ountané tokef a deux histoires, une histoire historique et une histoire légendaire.
Son histoire historique, la voici: Ountané tokef est née en eretz israel, au 6e siècle selon les spécialistes de l’hébreu ancien, avant le 10e siècle en tout cas comme en atteste sa découverte dans la guéniza du Caire.
Son histoire légendaire est la suivante : Amnon de Mayence, sommé de quitter le judaïsme, a refusé et a été torturé pour cela, peu avant Roch hachana. Il a pu se faire amener à la synagogue pour Roch hachana, et à cette occasion, il a improvisé ounetané tokef qui a été ses dernières paroles.
Les religions ont tendance à légitimer leurs traditions en les rattachant au passé le plus lointain. Ountané tokef, paradoxalement, est rattaché au passé le plus récent. Né au 6e siècle, ce poème liturgique se revendique seulement du 11e.
Que signifie ce rattachement au récent plutôt qu’au lointain ?
Il peut signifier plusieurs choses :
Sans doute, nous avons suffisamment confiance en nous pour ne pas récupérer à notre cause l’autorité des « anciens ».
Mais surtout, nous n’avons pas besoin de « forcer » l’autorité d’un chant, nous pouvons simplement le laisser prendre sa place. La légitimité du judaïsme puise sa force dans le passé bien sûr, mais aussi dans le présent, dans le doux espace que nous lui réservons en nous-mêmes.
Ountané tokef nous dit autre chose, une chose vraiment fondamentale : ounétané tokef : donnez de l’importance. Ce ne sont pas les chants qui s’imposent à nous, le judaïsme n’est pas une religion qui impressionne au premier abord. C’est le contraire. Les chants ne s’imposent pas à nous, c’est nous qui nous ouvrons à leur voix.
Ountané tokef : donnez de la puissance.
Le chant, la tradition, l’étude, auront le sens que NOUS voudrons bien leur donner, la résonnance que NOUS leur accorderons de façon intérieure.
Comme le corps du chanteur, nos vies sont des caisses de résonnances. Elles amplifient le message que notre être même apporte au monde. En travaillant sur notre intériorité, en faisant le tri sur les sentiments, les actes et les pensées qui font notre être, nous modifions la sonorité et l’écho que nous produisons dans le monde.
Pour cette raison, quels que soient les événements de l’année passés et quels que soient ceux de l’année à venir, nous devons être vigilants à la façon dont nous « faisons résonnance », et de la façon dont nous « faisons raisonnance ». Notre raison doit passer en revue le troupeau des sentiments qui s’agitent, pour que nous nourrissions avant tout ceux que nous voulons voir grandir.
Ountané Tokef est une co-création de l’histoire et de la légende, du passé et du présent, ses thèmes sont repris autant par Léonard Cohen (1934-) « who by fire » que par les hilonim, les laïcs israéliens émus au plus profond par l’air de Yayir Rosenblum (1944-1996) du Kibouts bet hachita.
And who by fire, who by water,
Who in the sunshine, who in the night time,
Who by high ordeal, who by common trial,
Who in your merry merry month of may,
Who by very slow decay,
And who shall I say is calling?
_
And who in her lonely slip, who by barbiturate,
Who in these realms of love, who by something blunt,
And who by avalanche, who by powder,
Who for his greed, who for his hunger,
And who shall I say is calling?
_
And who by brave assent, who by accident,
Who in solitude, who in this mirror,
Who by his lady’s command, who by his own hand,
Who in mortal chains, who in power,
And who shall I say is calling?
Et c’est ainsi, comme le disent les hilHot téchouva de Maimonide (1138-1204), une seule action peut faire la différence.
Si je fais le compte de mes sentiments et de mes actes au niveau personnel, alors je saurai qu’une seule action peut faire pencher la balance en ma faveur, que si nous faisons le compte et pensons nos actes d’une façon collective, alors une seule action d’un seul d’entre nous peut faire pencher la balance pour notre communauté et pour tous les groupes humains dont nous faisons partie, et si nos organisations savent faire le compte de leurs actions réciproques et coordonner leurs actions, alors les forces du bien et de la solidarité pourront faire pencher la balance du monde du bon côté.
Maimonide HilHot téchouva 3 :4
לפיכך צריך כל אדם שיראה עצמו כל השנה כולה כאילו חציו זכאי וחציו חייב. וכן כל העולם חציו זכאי וחציו חייב.
חטא חטא אחד, הרי הכריע את עצמו ואת כל העולם כולו לכף חובה וגרם לו השחתה.
עשה מצוה אחת, הרי הכריע את עצמו ואת כל העולם כולו לכף זכות וגרם לו ולהם תשועה והצלה, שנאמר: « וצדיק יסוד עולם » (משלי י, כה). זה שצדק הכריע את כל העולם לזכות והצילו.
Car ensemble nous sommes les co-créateurs de la musique du monde, et chacun d’entre nous compte au plus haut point.
Ainsi que le dit la chanson co-créée par Rabbi NaHman de Bratslav (1772-1810) et par Naomi Shemer (1930-2004).
Prends bien conscience, que chaque berger et bergère a son chant particulier, prends conscience que chaque brin d’herbe possède une musique particulière et la musique des herbes compose le chant des bergers
Comme il est beau, comme il est beau et agréable quand on entend leur chant, qu’il est bon de prier au milieu d’eux et de servir Dieu dans la joie, et avec la musique des herbes le cœur se remplit et désire.
Et quand le cœur se remplit de ce chant et de désir pour la terre d’Israël, une grande lumière se crée et se répand et c’est avec la sainteté de la terre d’Israël et le chant des herbes que se crée la musique du cœur.
דע לך
שכל רועה ורועה
יש לו ניגון מיוחד
משלו
דע לך
שכל עשב ועשב
יש לו שירה מיוחדת
משלו
ומשירת העשבים
נעשה ניגון
של רועה
כמה יפה
כמה יפה ונאה
כששומעים השירה
שלהם
טוב מאוד
להתפלל ביניהם
ובשמחה לעבוד
את השם
ומשירת העשבים
מתמלא הלב
ומשתוקק
וכשהלב
מן השירה מתמלא
ומשתוקק
אל ארץ ישראל
אור גדול
אזי נמשך והולך
מקדושתה של הארץ
עליו
ומשירת העשבים
נעשה ניגון
של הלב
Le chant de nos vies se recompose aujourd’hui. L’an prochain, à cette époque, 365 jours. 8760 heures. 525 600 minutes. Plus de 30 millions de secondes. Auront passé et nous proposeront un autre « chant nouveau » (Edmond Fleg).
C’est à nous aujourd’hui de réfléchir et de créer le chant que tous ces instants chanteront à l’heure du jugement, dans un an.
Que cette année nous soit harmonieuse, dans le respect de toutes les « herbes » qui nous composent, et de tous les bergers et bergères qui forment nos familles, nos communautés et notre grande fraternité humaine.
Merci à vous de commencer cette nouvelle année avec nous.
Chana Tova oumétouka, que vous ayez une année bonne et douce
Léchana tova tikatévou, que vous soyez inscrits pour une bonne année
A reblogué ceci sur Liberté juiveet a ajouté:
Chana tova à toutes et à tous! gmar hatima tova.
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