Paracha Toledot : fratritude ou fraternité ?

Le terme « fraternité » nous est familier, le terme « fratritude » nous l’est beaucoup moins. La « fratritude » est un concept élaboré depuis peu par le Docteur Philippe Caillé, spécialiste en thérapie systémique.

La « fratritude » est simplement le fait d’appartenir biologiquement à une fratrie, de façon naturelle, non voulue et indépendante du comportement. Le terme « fratritude » est du même type que le terme « négritude » d’Aimé Césaire.

Le terme « fraternité » a un sens très différent. C’est le fait de développer volontairement, dans un groupe humain, un comportement de bienveillance, de solidarité, de cohésion dans le respect de l’individualité, en attachant peu d’importance aux liens de parenté.

À nous, maintenant, de faire la jonction avec la paracha Toledot dont le cœur du sujet repose sur les relations fraternelles complexes entre Ésaü et Jacob, fils jumeaux d’Isaac et de Rébecca.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Toledot du sefer Béréchit (Genèse) 25:19 à 28:9 et les tourments de Rébecca

« Toledot » (תּוֹלְדֹת) qui signifie « l’histoire » a la même racine que « naissance » et « enfant » (ילד).

Comment naissons-nous en tant qu’individu, en tant que groupe humain et en tant que peuple ? La paracha Toledot aborde le principe de naissance. C’est la naissance de la troisième génération : Jacob et Ésaü, les deux enfants d’Isaac et Rébecca qui ont succédé à Abraham et Sarah. Toledot est la tentative de naissance d’un peuple à travers cette troisième génération.

Jacob et Ésaü vont-ils être les bâtisseurs d’un peuple uni, ou bien la division l’emportera-t-elle, comme cela s’est passé au cours des générations précédentes? Entre Jacob et Ésaü, la fratritude cédera-t-elle la place à la fraternité ?

Béréchit 25:21 à 25:23. Isaac implora l’Éternel au sujet de sa femme parce qu’elle était stérile. L’Éternel accueillit sa prière et Rébecca, sa femme, devint enceinte…Comme les enfants commençaient à lutter entre eux dans son ventre, elle dit « s’il en est ainsi, à quoi suis-je destinée! » La-dessus elle alla interroger l’Éternel…L’Éternel lui dit: « deux nations sont dans ton ventre et deux peuples sortiront de tes entrailles; un peuple sera plus puissant que l’autre et l’aîné servira le cadet. » 

Interprétons les versets précédents. Rébecca est enceinte de deux jumeaux, mais elle ne le sait pas encore. La vie s’agite fortement dans son ventre et elle cherche à en connaître la raison. En prenant le contresens de l’allégorie, nous pouvons dire que différentes identités, différentes personnalités se heurtent en son sein. Rébecca se sent perdue et demande à l’Éternel de l’éclairer. En se référant à la naissance de deux peuples, Dieu lui annonce la naissance de jumeaux.

En effet, deux enfants naissent.

Béréchit 25:24 à 25:26. L’époque de sa délivrance arrivée, il se trouva qu’elle portait des jumeaux…Le premier qui sortit était entièrement roux et tout son corps était pareil à une pelisse; on lui donna donc le nom d’Ésaü…Ensuite naquit son frère tenant de la main le talon d’Ésaü et on le nomma donc Jacob. Et Isaac avait soixante ans lors de leur naissance.

Les jumeaux sont et resteront très différents, à l’image de deux polarités de signe opposé. À la naissance, Ésaü est roux et très velu, alors que Jacob est glabre. Le temps passe. Ésaü devient un homme des champs aventureux, aimant la chasse. Jacob, lui, devient un homme simple, raisonnable, prenant plaisir à rester sous la tente. Ainsi, les personnalités d’Ésaü et de Jacob évoluent pour un temps dans la divergence. Il se fait qu’Isaac préfère Ésaü, alors que Rébecca préfère Jacob, pour des raisons à développer dans un autre commentaire de paracha.

Les mystères de la personnalité humaine

Dans la paracha Toledot, le thème de deux personnalités distinctes qui se heurtent tout en étant susceptibles de se compléter, est omniprésent. Ne serait-ce pas une représentation des divers aspects de la personnalité d’un seul individu ? Les deux jumeaux se confrontent dans le ventre de Rébecca et se retrouvent plus tard, comme les composantes d’une seule personnalité qui s’opposent dans un premier temps, puis se rejoignent.

L’ouvrage « Psychanalyse des contes de fées » (1976), du psychologue américain Bruno Bettelheim, apporte son concours à la compréhension de notre paracha. Il évoque dans le « thème des deux frères », une fratrie composée de deux frères que tout oppose mais qui sont obligés de s’adapter l’un à l’autre. L’un d’eux représente la tendance à rester fidèle à la famille, à être casanier, comme l’était Jacob, alors que l’autre représente la tendance à revendiquer rapidement l’indépendance pour partir à l’aventure, tout comme Ésaü. Bettelheim invite à considérer ces deux frères, qui doivent vivre ensemble, comme les deux aspects différents d’une même personnalité. Ces deux aspects opposés, besoin de rester attaché à un passé rassurant et désir d’aller vers un avenir incertain, résident en chacun d’entre nous en proportion variable. Il nous est impossible de trouver notre équilibre mental si l’un d’eux vient à manquer totalement.

Revenons à la paracha. Les choses ont évolué. Jacob cherche à acquérir les éléments nécessaires à l’entièreté de sa personnalité, mais aussi à sauver sa vie. Après que son frère ait envisagé de le tuer, il quitte les tentes, à la demande de Rébecca, et part pour longtemps en direction de la ville de Haran. Ésaü, quant à lui, se sent mal aimé et s’unit à une épouse supplémentaire, davantage en rapport avec les vœux de ses parents. Jacob et Esaü vont ainsi, sans en être vraiment conscients, à la rencontre de leur équilibre psychologique. Jacob, en quittant la tente, Esaü en se mariant, en fondant un nouveau foyer plus proche de la pensée de la famille dont il est issu.

De ce qui précède nous déduisons que pour nous sentir intérieurement bien, nous devons demeurer entier, au sens de l’acceptation des différentes parts de notre personnalité.

Cela jouera sur nos relations avec autrui. Celles-ci seront plus transparentes, plus justes, plus fraternelles. De la sorte, nous accéderons à une meilleure compréhension des problèmes qui ne sont pas les nôtres. Alors, oublions la fratritude et prenons le chemin de la fraternité. Nous n’en tirerons que satisfaction et profit sur le plan moral.

Un commentaire sur “Paracha Toledot : fratritude ou fraternité ?

  1. Comme je ne reçois plus les mails (Catherine essaye de résoudre ce prb )xavier vient de me transférer tout tes articles. Toujours une grande leçon merci Roger. Emma

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