L’appel: Nos filles sont des Rois

Parmi mes dernières publications dans l’appel, cet article, qui développe le thème de ma vidéo « Sur un pied », sur la paracha Choftim.

Voici le texte de l’article publié dans l’Appel:

Nos filles sont des rois !

Cette expression utilisée en titre est-elle provocatrice ? Si oui, pourquoi ? Est-ce une provocation « grammaticale » ou une provocation de « valeurs » ? Est-ce une provocation parce que « nos filles devraient être féminines » alors que les personnes au pouvoir devraient ne pas l’être ? Quelle est la part des préjugés ? Et que signifie « être féminine » ?

Si Eve est notre inspiratrice, cela signifie observer, juger, prendre des décisions et exercer son pouvoir de conviction. Mais si Eve devient un contre-exemple, la féminité consiste à s’obliger à ne pas observer, ne pas juger, ne pas prendre de décision, ne pas convaincre ! Les violences de couple se nourrissent de ce type d’idéologies. L’interprétation que nous faisons de l’histoire d’Eve, de toutes les héroïnes bibliques, de tous les textes sacrés, engage notre responsabilité. L’interprétation tue ou fait vivre. « La mort et la vie dépendent du langage. »  (Prov. 18 :21)

A l’heure du « Grenelle des violences conjugales » en France, il est essentiel de mettre en lumière les influences cachées de notre système de pensée, « sous-entendus » de nos paroles et de nos actes. Le La paracha « Des juges », dans le Deutéronome que nous lisons en ce moment, fait écho à ces questions en évoquant le pouvoir, l’exercice de la justice, la guerre. Plus la hiérarchisation intervient dans la société globale, plus elle se répand dans les foyers. L’homme dominant ou envieux de son chef transpose ce modèle vis-à-vis de sa compagne. Au contraire, l’homme libre veut une partenaire libre. La Torah est très moderne dans son appel à la méfiance contre l’autoritarisme.

Oui, la pression sociale peut convaincre le peuple d’adopter un roi (deut.17 :14s). Mais non, ce roi ne sera pas omnipotent, il devra « faire partie de ses frères », il ne creusera pas les écarts sociaux et « il n’accaparera pas trop d’argent et d’or », il ne devra pas essayer d’imposer sa force guerrière et « multiplier les chevaux », il ne devra pas agir de façon arbitraire mais il devra « écrire une copie de cet enseignement, qui sera avec lui et dans laquelle il lira tout au long de sa vie ». Un leader, oui, un oppresseur, non. La monarchie constitutionnelle de la Torah est favorable à une société relativement égalitaire entre les hommes. Entre les hommes, oui, mais avec les femmes ? pas encore.

Le langage même de cette loi d’égalité trahit la violence sexiste de l’époque. En effet, le roi ne doit pas non plus « avoir de trop nombreuses femmes ». L’intention est bonne, la formulation est offensante. A l’époque « posséder » des femmes est un moyen d’exhiber son pouvoir et d’entériner des alliances politiques. Le roi ne pense pas à « s’allier à une femme » et à « apprendre d’une relation ». Le roi doit dés cette époque être exemplaire dans sa relation à la loi, mais pas encore dans sa relation à une partenaire.

La lecture de la Torah à la synagogue se fait en présence d’un Minian, d’un quorum de dix personnes, qui prend la responsabilité de la réinterprétation de ces textes. Nous lisons, par désir de comprendre les forces progressistes de ce lointain passé ; nous réinterprétons, pour encourager les forces progressistes d’aujourd’hui. Telle est du moins ma tradition familiale, et l’approche d’étude juive dominante dans le monde.

Ce travail de compréhension et de réinterprétation est notre responsabilité à toutes et à tous. « L’inégalité des sexes unifie les religions par-delà leurs différences : les principes généreux n’ont pas fait le poids par rapport aux structures sociales déjà existantes », nous dit l’historien Ivan Jablonka.

Il est temps de dégager nos traditions de pensée de l’influence de ces « structures sociales déjà existantes » et de les rendre à leurs « principes généreux ». Le « roi hébreu » devait respecter « ses frères », les figures d’aujourd’hui doivent respecter « leurs sœurs » en égales. Les reines n’étaient que les épouses des rois. Pour que nos filles règnent directement sur leurs propres vies, c’est donc en français le mot « roi » qui est approprié. Dans la Torah, Saraï, « la petite princesse d’Abraham » a besoin du soutien de Dieu pour être rétablie dans son nom réel, « Sarah », la Ministre. A nous tous de soutenir de tout notre cœur et de tout notre pouvoir notre souveraineté personnelle, et celle de nos sœurs. Hauts les cœurs !

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