Droit à l’avortement – Manon Garcia et Contribution du Rabbin Chinsky

Communication au congrès de l’ANCIC, le 13 octobre 2017 à Caen, je poste aujourd’hui ma contribution d’alors dans le cadre de la remise en cause du droit à l’avortement aux USA. Vous trouverez mes notes sur l’interview de Manon Garcia sur France Culture ce matin, suivi de ma contribution au congrès. Partagez votre avis…

Notes sur l’interview de Manon Garcia de ce matin :
Aujourd’hui sur CNews Eugénie Bastié considère que l’avortement est un homicide, les députés RN au parlement européen ont voté contre l’inscription du droit à l’avortement dans les textes européens. Retirer un droit est une volonté active, abortion en anglais n’est pas seulement l’IVG mais aussi le fait d’extraire un foetus mort de façon naturelle, soigner une grossesse extra-utérine, il va y avoir une augmentation de 20 à 30% des femmes qui meurent à cause d’une grossesse, certains considèrent qu’en cas de grossesse extra-utérine, « certes les trompes vont éclater mais peut-être que la grossesse va se déplacer au bon endroit » ce qui est totalement faux sur le plan médical. Ce n’est pas un retour en arrière mais pire, dire que de nombreuses femmes majoritairement pauvres et racisées vont mourir et tant pis pour elles. La justification juridique est qu’on aurait mal interprété le 14e amendement qui garantit le droit à la vie privée et qui était la base juridique, c’est une mauvaise lecture car au moment où cela a été pris les législateurs n’avaient pas l’avortement en tête or les père fondateurs n’avaient effectivement en tête que les hommes blancs, donc cette lecture originaliste revient à dire qu’on excluait les femmes et qu’il est normal de continuer, cela peut sembler être une question technique: on a mal lu ou politique: c’est aux états de décider cependant la veille ils ont considéré comme anticonstitutionnel l’état de New York n’a pas le droit de décider qu’on n’a pas le droit d’avoir des armes. C’est donc non pas technique mais un argument idéologique de la droite évangéliste réactionnaire. Un juge rédige l’avis majoritaire, les autres comme Clarence Thomas peuvent voter pour mais pour d’autres raisons, il a été nommé alors même qu’il était accusé de harcèlement sexuel au moment de sa nomination par Anita Hill, il dit: on a mal interprété le 14e amendement, or cette interprétation est la base de la contraception, du mariage pour tous, de la dépénalisation de l’homosexualité, donc tous ces éléments sont en danger. Samuel Alito sort de Princeton en 72 et rejoint immédiatement une association dont le but est d’empêcher les femmes d’étudier à Princeton, « cela va faire baisser le niveau », « le savoir c’est pour les hommes »…, les femmes doivent être des mères à la maison. Il parle des petites mains du foetus et ne dit pas un mot sur le corps des femmes, leurs droits, leur liberté, leur droit à ne pas mener à terme une grossesse dont elles ne veulent pas. Il y a 50 ans en 73 Roe v. wade passe à la cour suprême et les républicains, les anti avortement et the federal list s’allient pour lutter contre Roe v. wade. Les républicains qui ont besoin de financer leur campagne sont obligés d’être anti-avortement. les républicains ont redessiné les circonscriptions dans les états du sud et du centre pour assurer leur prépondérance, ils ne risquent pas grand chose. Être non favorable à l’avortement pour des raisons religieuses est une chose, vouloir priver les femmes de ce choix en est une autre. L’argument des républicains disant qu’on peut juste abandonner l’enfant à la naissance ne prend pas en compte la réalité de l’état d’une personne enceinte, de nombreux états empêchent l’avortement même en cas de viol ou d’inceste, donc des petites filles vont devoir mener leurs grossesses à terme. Même lorsque c’est une relation sexuelles heureuse à lorigine de la grossesse ne doit pas empêcher d’y mettre fin si nécessaire. Ce qu’on appelle le libéralisme politique, les droits de l’individu doivent être protégés et l’état ne doit pas l’empêcher nous vient des USA et telle est la mission de la cour suprême normalement. Noa Feldman professeur à Harward dit que c’est un suicide institutionnel de la cour suprême car elle fait le contraire de sa mission. Au nom de ces libertés individuelles le port d’arme est autorisé justement, c’est là qu’on voit que c’est idéologique et que l’originalisme ne fonctionne pas, car les pères fondateurs en 1787 il y avait des armes à feu mais pas d’avortement, mais il n’y avait pas d’armes semi-automatiques…quelle lecture de la constitution originelle concernant l’homosexualité, le 14e amendement 1868, le législateur ne pense pas qu’il l’autorise, Clarence Thomas est noir et à l’époque les pères fondateurs sont racistes en plus d’être sexistes, les noirs ne sont pas des êtres humains pour eux. Les juges sont nommés à vie et pas révocables, il est possible d’augmenter le nombre de juges à la cour suprême mais Roosevelt s’y est cassé les dents, il y a l’idée qu’il faut respecter une continuité, les juges Kavanaugh et Gorsuch, avaient promis à la sénatrice Collins de ne pas faire basculer Roe V. Wade et n’a pas tenu sa promesse.

La seule option de Biden serait de faire reconnaitre la pilule abortive par la FDA, l’autorité du médicament, de telle sorte qu’elle ne puisse pas être interdite dans les états. Le stérilet est en danger car la conception est possible. La fécondation in vitro est aussi en risque « mais c’est pas dans le corps d’une femme donc ça va ». Il faudrait que Biden s’investisse totalement la dedans mais il n’a pas la majorité au sénat. Théologiens progressistes? oui, ils sont nombreux, également chez les juifs et les musulmans, tous les chrétiens ne pensent pas comme Amy Coney Barrett, ils sont simplement démocrates, cette question est devenue la mesure au sujet duquel se fait le débat gauche-droite. Il y a une réalité qui est que cote ouest et nord usa est différent de ruralité, les campus sont globalisés mondialisés pas représentatif. Ami trumpiste pense que tout ce qu’on lit dans le NY times est faux, que Trump est un vrai bon père de famille, pas intéressé par le sexe mais uniquement par la famille même si 11 femmes ont porté plainte contre lui, ses commentaires à lui sont eux mêmes significatifs, quand on regarde fox news, on ne vit pas dans le même pays.

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CONTRIBUTION DU RABBIN FLORIANE CHINSKY

Après son brillant exposé, Marie-Rose Moro nous laisse sur ce mot fragile de « vulnérabilité », qui reflète mon sentiment devant vous aujourd’hui. En effet, dans le cadre de vos activités médicales, vous êtes sans cesse confrontés à des situations humaines délicates. Il me fait penser à ce poème de Louis Aragon que je chéri particulièrement : « Ce qu’on fait de vous, hommes, femmes, oh, pierres tendres tôt usées, et vos apparences brisées, vous regarder m’arrache l’âme. » Aragon poursuit avec cet espoir qui est également le nôtre lorsque nous accompagnons des personnes en situation sensible : « J’aurais tant voulu vous aider, vous qui semblez autres moi-même », dit le poète. Les questions relatives à l’avortement touchent les domaines les plus intimes, le corps, la sexualité, l’engendrement.

Pourquoi une intervention rabbinique à l’ANCIC ?

Votre invitation, qui me touche et dont je vous remercie, est à la fois un honneur et une lourde responsabilité. Que signifie la présence d’un Rabbin dans cette assemblée médicale, à l’Association Nationale des Centres d’IVG et de Contraception ?

A mon sens, votre sollicitation représente un désir de partage, et d’ouverture vers le vaste domaine des sagesses humaines. Je salue cette initiative qui contribue à un décloisonnement, à une remise en cause des préjugés, à un renforcement de la capacité de collaboration d’acteurs sociaux très divers, tous au service de la démocratie et des droits des femmes. En tant que « femme Rabbin », je symbolise d’une certaine façon cette ouverture, et je suis effectivement au cœur de cette défense de la dignité des femmes, au titre de la dignité égale de tous les êtres humains.

Je tiens à expliciter le fait que mes propos n’ont évidemment pas d’objectif prosélyte ou apologétique, et que l’objectif de mon intervention est de partager avec vous l’une des approches parmi les nombreux systèmes de pensée qui existent dans les civilisations humaines. Passer quelques minutes ensemble permet de nourrir sa pensée à de nouvelles sources. Cela nous permet également de mettre en avant un mode de collaboration dans lequel les « pensées religieuses » ne cherchent pas plus à « convertir » les institutions laïques que le contraire mais où toutes collaborent à affiner leurs pensées mutuelles et à affirmer leur attachement à la neutralité de L’État. Ce glissement nous invite à passer du « vivre et laisser vivre » au « collaborer activement », et est sans doute appelé à se développer.

Mes origines identitaires sont multiples et complémentaires puisque j’exerce en tant que Rabbin, mais j’ai également une formation de juriste et que je reste en contact avec l’évolution de la recherche scientifique. Je suis d’ailleurs particulièrement émue de parler aujourd’hui à quelques mètres de la rue Moïse Ohayon, mon oncle, qui était chercheur au Ganil.

Ainsi je suis attachée à une vision dans laquelle la science n’est pas inféodée à un dogme. C’est également le cas de mon mouvement, le Mouvement Juif Libéral de France, et également du judaïsme dans sa globalité, même si rien dans le judaïsme n’est totalement univoque et que d’autres tendances au sein du monde juif peuvent défendre des visions différentes.

J’appartiens à une communauté libérale et il est important de le souligner pour comprendre ce que je représente et également ce que je ne représente pas. Au milieu du 19e siècle les mouvements libéraux et orthodoxes ont émergé de la réalité sociale de l’émancipation des juifs et des lumières. Ce phénomène n’est pas dérogatoire au regard de l’histoire globale du judaïsme, et effectivement des mouvements de pensée et de pratique divers ont existé de façon concomitante au cours de l’histoire.

La synagogue dans laquelle j’exerce s’inscrit dans l’idée que la raison est essentielle à l’appréhension de la question du rôle de l’être humain dans le monde. Elle est en cela fidèle à Abraham et Moïse, qui interpellent Dieu et osent questionner son sens de la justice, à Philon (Ie s., Alexandrie), Saadia Gaon (Xe s., Bagdad), Maïmonide (XIIe s., Espagne et Égypte), Mendelssohn (XVIIIe s., Allemagne) et KroHmal (XIXe s., Galicie), et à bien d’autres, sans oublier les penseurs modernes. En ce sens, l’importance accordée à la Raison n’est pas un phénomène nouveau ou « libéral » dans le monde juif.

D’un point de vue sociologique, le judaïsme non dogmatique est très dominant, dans un spectre qui inclut les juifs et juives assimilé.es et éloigné.es de leur identité (qui sont nombreux), les juifs libéraux dans leur variété (majoritaires dans le monde) et ceux que l’on appelle « modern orthodoxe ». Pour toute cette catégorie de juifs, je suis respectée en tant que femme et en tant que Rabbin. Ce n’est pas le cas dans le monde orthodoxe et ultra-orthodoxe qui reste un phénomène minoritaire bien que très visible médiatiquement et très présent dans les instances « politico-administratives » du judaïsme.

L’avortement et ses problématiques connexes

Pour évaluer une idée, il faut comprendre son contexte. La thématique de l’avortement est à la croisée de plusieurs questions : Que représente le corps ? Quelle liberté chacun et chacune ont-elles sur leur corps ? La logique sociale, les prescriptions divines, peuvent-elles prendre le pas sur cette liberté ? Qu’est-ce que la vie en général et comment devons-nous la protéger ? Qu’est-ce que la vie humaine, qu’est-ce qui définit l’humain, et quelle est sa valeur ?

On voit que ces questions sont très puissantes et très poignantes. Elles sont le cadre général duquel émergent les postions concernant l’avortement.

Le titre de mon intervention est « quand le mot ment », et effectivement, comme le dirait Marshall Rosenberg, « les mots sont des murs ou bien des fenêtres ». Les mots et les moments ont une influence sur notre perception de la question.

Présenter le judaïsme à travers la question de l’avortement est un réel défi car cette question est difficile pour l’ensemble des religions d’une façon générale, ce n’est certainement pas l’angle d’approche le plus simple pour commencer à s’intéresser au judaïsme. Par ailleurs, la question est encore compliquée par le fait que chacun a sa propre idée sur la nature des religions, et le risque est grand de projeter sur le judaïsme des conceptions religieuses qui lui sont étrangères. L’approche autant que le contenu de mon intervention est donc susceptible de vous surprendre, il vous appartiendra de décider de ce que vous ferez de ces éclairages.

Le droit à l’avortement est évidemment très dépendant de la façon dont on considère les femmes. Sont-elles considérées comme des citoyennes de seconde zone ou sont-elles respectées dans leur intelligence et leur capacité de décision ? Les sources de la Torah écrites sont partagées sur la question, puisque Dieu s’adresse autant à Eve qu’à Adam, qu’il enjoint à Abraham d’obéir à la voix de Sarah, et que le récit biblique fait une grande place aux femmes courageuses qui ont su résister à Pharaon permettant la sortie d’Egypte, de Myriam la prophétesse à Batya la fille de Pharaon et particulièrement aux sages-femmes qui ont su protéger les mamans hébreues. Malheureusement, le texte de la Torah inclut également des passages problématiques, comme par exemple la pratique de l’exposition du drap tâché censé prouver la virginité de l’épouse en cas de contestation. Le texte oscille donc entre reconnaissance de l’importance des femmes et patriarcat. Il en est de même pour l’enseignement oral. A la période de la rédaction de la michna, au IIe siècle, les femmes faisaient partie du même cadre juridique que les hommes. Cette situation a subi un glissement le long de l’histoire, sur lequel certains décisionnaires se sont laissés entrainer. Avec l’époque talmudique, certains ont « dispensé » les femmes de nombreux commandements, d’autres ont poursuivi en accusant « d’être prétentieuses » au cas où elles voudraient néanmoins appliquer ces commandements devenus facultatifs, avant d’aller (pour certains d’entre eux) jusqu’à l’interdiction de les pratiquer. Pour la majorité des décisionnaires orthodoxes, cependant, les femmes ont des dispenses mais pas de réelles interdictions, elles sont souvent contraintes à n’en pas faire usage, et si elles le font, leur acte est souvent considéré comme possédant une valeur moindre que celui d’un homme. Les rabbin.e.s libéraux ou progressistes considèrent pour leur part que l’égalité doit s’appliquer en tout point.

En ce qui concerne les questions de sexualité, l’opinion des sages est pourtant que les femmes sont investies d’une responsabilité qui échappe aux hommes, celle du « timing sexuel ». Ce sont elles qui communiquent à leurs époux si la période qui suit les règles est écoulée, permettant ainsi la reprise des relations d’intimité physique. Ainsi que nous l’avons vu dans notre exposé relatif à la relation au corps et au plaisir, il est hors de question d’imposer à une femme un mariage ou des relations sexuelles non désirées.

Par ailleurs, contrairement à une erreur trop répandue, le corps d’une femme ayant ses règles n’est pas plus « impur » que celui d’un homme qui aurait eu un écoulement séminal, ou de toute personne ayant été en contact avec un cadavre. Toutes ces personnes devaient également attendre le moment d’aller s’immerger dans un bassin spécifique, le mikvé, avant de pouvoir participer au culte du Temple, du temps où il existait.

D’une façon générale la question du statut du corps, de la sexualité et du plaisir est essentielle. Le Talmud (compilation de la Torah Orale terminé au VIe s. à Babylone) enseigne la chose suivante : « Il est interdit de passer à côté d’un plaisir sans en profiter » et le texte poursuit : « Celui qui profite de ce monde sans en tirer gratitude et énergie pour le bien est considéré comme ayant dépossédé le transcendant et le collectif ». Les plaisirs du goût, de la vision, de l’ouïe, ou des grands événements de la vie, sont tous concernés par cette injonction. Ainsi la sexualité est non seulement légitime, mais elle est même souhaitable, elle est considérée comme l’une des obligations du mari envers sa femme. La procréation n’est ici aucunement liée à un pêché de chair, et il n’y a pas de péché originel à racheter. Le corps est donc valorisé, et en tant que tel il doit être respecté. Les interventions nécessaires à la bonne santé du corps sont des obligations, toutes les autres sont au contraire interdites puisqu’elles présentent un risque pour la santé. Ceci porte à conséquence dans notre cas puisque nous verrons que le fœtus est considéré à certains stades comme faisant partie du corps de la mère.

La valeur relative des désirs de l’individu et des exigences de la collectivité joue également un rôle dans les prises de positions concernant l’avortement. L’Etat peut souhaiter la production de nombreux garçons, futurs soldats, et de nombreuses filles, futures mamans de soldats. Les religions peuvent également favorable à la natalité. La tradition juive la valorise effectivement, dans une prescription exposée directement à Adam-Eve : « Fructifiez et multipliez et remplissez la terre ».

Le fait que la « personne » de Dieu soit à l’origine de ce commandement ne lui donne pas de puissance particulière. En effet, l’idée que l’individu devrait se soumettre à Dieu n’est pas dominante dans la tradition juive, et une certaine capacité d’opposition à Dieu peut même être valorisée. Abraham représente cette vision lorsqu’il défend les justes de Sodome et Gomorrhe en interpelant dieu sur son sens de la justice. Moïse, le talmud, la tradition rabbinique soutiennent cette vision qui voit dans l’être humain un partenaire de Dieu plus qu’un servant. Effectivement, en fin de compte, pour le collectif juif, c’est la loi d’Israël telle qu’elle est fixée par les rabbins qui a force de loi.

Or justement, la tradition rabbinique considère que l’obligation de procréer repose sur les hommes et non les femmes, et qu’elle consiste à donner naissance à un garçon et une fille. Ainsi, les femmes ne sont concernées que de façon indirecte ce qui leur laisse une marge décisionnelle, et les hommes eux-mêmes ont un devoir limité.

Ajoutons que bien évidemment, les femmes sont considérées au même titre que les hommes dans toutes les communautés libérales, et qu’en aucun cas elles ne sont considérées comme pècheresses ou sorcières par nature.

Les textes-source concernant les décisions en matière d’avortement

La position « juridique » juive est déterminée par différentes sources. D’une façon générale, Torah écrite, le pentateuque, adopte une approche tantôt légaliste et tantôt casuistique. La Torah orale, pour sa part, regroupe toutes les sources des sages depuis la période du second temple. Parmi ces sources, le Talmud de Babylone fait plus particulièrement autorité. Il s’exprime en citant des opinions des sages et en les commentant. Les autres sources se présentent comme des commentaires de la Torah écrite – elles sont alors organisées selon l’ordre du pentateuque, en fonction des sections lues chaque semaine, ou comme des commentaires de la michna ou du Talmud – elles sont alors organisées en fonction de six grandes thématiques regroupant trente-sept livres. Deux autres types de littératures juridiques viennent compléter ce tableau : les codifications juridiques, qui se présentent davantage comme le code civil par exemple, et les cheelot outéchouvot, questions et réponses des rabbins aux questions qui leur sont adressées. Ces deux derniers types littéraires sont organisés en quatre grandes catégories selon une classification pratique mise en place au XIVe siècle par Rabbi Yaakov ben Acher.

Avant de citer les sources spécifiques qui se rapportent à l’avortement, prenons la peine de souligner encore une fois que la seule lecture juive autorisée de la torah écrite est celle qui adopte le filtre de la torah orale et de la tradition de génération en génération. Cette lecture n’est pas la seule possible, mais elle est la seule à constituer une lecture juive au sens de cette expression depuis la naissance du Talmud.

Evidemment, ni la Torah écrite, ni la Torah orale n’évoquent l’interruption volontaire de grossesse de façon directe (sauf peut-être la mention d’une potion bloquant la fertilité qui aurait également pu provoquer les avortements). A travers les différentes sources nous pouvons cependant nous faire une idée du statut du fœtus.

Sources anciennes : La vie du fœtus est-elle une vie humaine ?

Nous allons commencer par examiner les sources anciennes, toraïques et talmudiques, qui sont le terreau dont se nourriront les opinions ultérieures. Nous détaillerons également les chaînes de pensée qui s’appuieront sur ces différentes positions.

Commençons par la source la plus défavorable, mais gardons à l’esprit qu’elle est minoritaire.

La Torah écrite stipule au tout début du livre de la Genèse (9 :6) « Celui qui verse le sang de l’homme par/dans l’homme son sang sera versé ». En hébreu, le mot « par » et le mot « dans » se disent de la même façon.

Rachi (Troyes, XIe s.), le plus grand des commentateurs, lit cette phrase ainsi : « Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. » Rachi rattache ce principe aux lois concernant l’application de la peine de mort pour un meurtre (peine de mort dont les conditions procédurales sont en réalité si exigeantes qu’elles sont impossibles à remplir).

Cependant, l’un des Rabbins du Talmud de Babylone (Sanhédrin 57b), Rabbi Ichmaël (Israël, Ie s.), comprend ce verset de la façon suivante : « Celui qui verse le sang de l’homme dans l’homme, son sang sera versé. ». Selon lui, « l’homme dans l’homme » se rapporte au fœtus dans le ventre de la femme, impliquant que le fœticide serait puni de mort, selon les lois données par Dieu à Noé, le père de toute l’humanité.

Le Talmud rassemble des opinions très diverses dont beaucoup n’ont pas force de loi, et l’opinion de Rabbi Ichmaël n’est qu’une opinion parmi d’autres. La chercheuse Tirzah Meachem souligne que cette opinion s’inscrit dans la lignée de la vision platonicienne et aristotélicienne (par opposition à l’approche stoïcienne), approche qui a influencé la pensée juive, reprise dans la Septante, dans le Contre Apion de Philon d’Alexandrie (par opposition à l’analyse développée dans Les Antiquités), puis dans le christianisme autour de la question de la faute originelle et de la nécessité de la naissance et du baptême seuls susceptibles de racheter l’âme du fœtus. Les Tossafot sur Sanhédrin 59a, (bien qu’ils expriment une opinion différente dans Nida 44b) reprennent cette vision en application d’un principe qu’ils énoncent pour l’occasion : « Ce qui est interdit à des non juifs l’est à fortiori pour des juifs », étendant aux juifs une opinion restrictive face à l’avortement. Ce principe prend une coloration particulière puisque « les non-juifs » pour les tossafot sont représentés par un monde catholique dont la position sur la question est très tranchée et qui règne sur la réalité politique et sociale de leur époque.

Cette ligne de pensée, cette famille de sources, de la Torah aux décisionnaires, est donc clairement défavorable à l’avortement. Elle repose sur une lecture contestée d’un verset de la Génèse, une opinion talmudique minoritaire, des prises de position contradictoires, influencées par certains courants de la pensée grecque puis de la vision chrétienne.

Les deux sources suivantes se ressemblent du fait qu’elles trouvent toutes deux leur origine dans la michna, qu’elles sont toutes deux extrêmement crues, et qu’elles dénient toutes deux le statut d’être indépendant au fœtus.

La première de ces sources est la Michna Ohalot (6 :7) et en voici les termes :

« Si une femme a un travail très difficile, on coupe l’être dans son utérus et on le sort membre par membre, car sa vie (à elle) passe avant la vie de son fœtus. Mais si la partie principale (la tête du bébé) est sortie, on ne peut pas mettre de côté une personne pour en sauver une autre. »

Il est absolument interdit de sacrifier une personne pour en sauver une autre. Dans ce cas, quelle est la raison qui justifierait de privilégier la vie de la mère ? Deux hypothèses sont possibles :

  • Soit le fœtus a un statut inférieur, et on peut donc en déduire qu’il n’a pas de statut de personne à part entière.
  • Soit le fœtus a un statut égal à celui de la mère mais dans le cas qui nous occupe, c’est lui qui la met en danger, or la loi juive autorise à privilégier la vie d’une victime à celle de son agresseur.

Une autre source michnique, araHin 1 :7, bien que très cruelle, appuie cette première hypothèse. Elle prévoit le cas d’une femme condamnée à mort, cas purement théorique puisque, ainsi que nous l’avons souligné plus haut, les conditions procédurales de l’application de la peine de mort sont impossibles à rassembler. Bien que cela ne doive pas avoir d’implication pratique, le Talmud se préoccupe pourtant de chercher les cas limites d’application des différentes lois, de façon à pousser les concepts et à les affiner, il nous apporte ainsi indirectement des informations sur le statut du fœtus. Voici le texte :

« Si une femme est sur le point d’être exécutée, on n’attend pas qu’elle accouche. Mais si elle est déjà sur la chaise de naissance, on attend qu’elle ait accouché. »

Il est évident que si le fœtus avait le statut d’être humain il serait hors de question de le punir pour un crime commis par sa mère. Mais puisqu’il est considéré comme une partie du corps de sa mère, il reçoit le même statut que n’importe lequel de ses organes. C’est seulement lorsque le moment de l’expulsion a commencé qu’il prend une certaine autonomie, repoussant la mise à mort de sa mère condamnée.

Ces deux sources conjuguées prouvent que le fœtus n’a pas de statut humain, et que sa destruction ne constitue pas un homicide.

La dernière source ancienne que nous allons citer évoque une interruption involontaire de grossesse.

Le livre de l’Exode (21 :22-25) parle d’accident survenant pendant la grossesse en ces termes :

« 22 « Si, des hommes ayant une rixe, l’un d’eux heurte une femme enceinte et que son fruit sort sans autre malheur, il sera condamné à l’amende que lui fera infliger l’époux de cette femme et il la paiera à dire d’experts. 23 Mais si un malheur s’ensuit, tu feras payer vie pour vie ; 24 œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied … »

Le sens de ce texte n’est pas évident en première lecture. Les termes « Son fruit sort », se rapportent clairement au fœtus, mais sort-il vivant, blessé ou mort ? Par ailleurs, que se passe-t-il pour la femme, est-elle elle-même blessée voire décédée ? Le cas « sans autre malheur », veut-il dire que ni la mère ni le fœtus ne subissent de dommage ? Mais dans ce cas, à quoi pourrait correspondre une compensation ? Pour « si un malheur s’ensuite », qui exige de donner « vie pour vie », est-il question de la mort de la mère ou de celle du fœtus ?

En deuxième lecture cependant, la situation s’éclaircit.

Pour rappel, la Torah écrite exclut totalement la vengeance et l’atteinte au corps, si bien que l’expression « vie pour vie, œil pour œil… » renvoie exclusivement à une compensation financière pour une blessure causée à un être humain (Talmud Babylonien Baba Kama 84a), compensation qui comprend cinq volets : l’invalidité, la douleur, les soins, l’arrêt de travail, le préjudice moral (michna Baba Kama 8 :1).

Pour reprendre de façon schématique :

Accident + fœtus sort + pas de catastrophe —> « compensation » financière du verset 22.

Accident + fœtus sort + catastrophe —> « vie pour vie, œil pour œil » du verset 23 = compensation financière prévue dans la Michna et le Talmud pour un dommage causé à un être humain.

La mère est un être humain, donc le verset 23 s’applique à un dommage qui lui serait causé, ce qui serait défini comme une « catastrophe », et donc, par opposition, le verset 22 s’applique à un dommage causé au fœtus ou à sa mort, qui est considéré comme une perte d’un autre ordre, potentiellement au même titre qu’une atteinte au bien d’autrui. En principe, donc, cette source également soutient l’idée que la vie du fœtus n’est pas du même ordre que celle d’une vie humaine. Cependant, la septante, suivant les positions de Platon et d’Aristote, rapportera l’idée de catastrophe à la mort du fœtus, lecture sur laquelle pourront s’appuyer ceux qui voudront dramatiser l’interruption volontaire de grossesse.

Nous voyons donc que d’une façon globale, les sources juives ne considèrent pas le fœtus comme un être humain et sa destruction n’est pas considérée comme un homicide. Mais alors, quel est son statut ?

Quel est le statut du fœtus ?

La conception platonicienne reprise par la suite par la pensée hellénistique ainsi que par le monde chrétien a considéré le fœtus comme un être humain dès qu’il était formé puis dès même sa conception. La tradition rabbinique n’a pas suivi ce cheminement mais a néanmoins pris en considération les différents stades de développement de l’embryon.

Nous apprenons de Rav Hisda dans le traité Yébamot (69b) qu’avant 40 jours (5,6 semaines à partir de la conception) l’embryon est considéré « comme de l’eau ». Rabbi Méir dans le traité Nida (8b) enseigne qu’on commence à voir des signes de grossesse au troisième mois. Dans le traité Houlin (58a) Rabbi Eliezer pose le principe selon lequel « le fœtus est une partie de la mère ». Nous avons vu dans la michna AraHin et la michna Michna Ohalot que le début du travail donne au fœtus un statut suffisant pour reporter l’exécution de la mère coupable mais insuffisant pour l’autoriser à mettre en danger la vie de la mère. La sortie de la tête fait de lui un bébé humain à part entière.

Les premiers décisionnaires

Parmi les premiers décisionnaires Rachi et Maïmonide sont les plus centraux.

Rachi explique l’autorisation de sauver la mère au prix de celle du fœtus en posant le principe que « Tant qu’il n’est pas sorti à l’air du monde il n’est pas vivant ». Cette position est la base juridique de toutes les décisions favorables à l’avortement.

La position de Maïmonide (Andalousie, Egypte, XIIe s.), prête à confusion. Il explique cette même autorisation par le fait que le fœtus est comme une personne qui en menace une autre et ajoute qu’une fois la tête sortie on ne peut plus porter atteinte au fœtus car on n’écarte pas une vie au profit d’une autre. Les décisionnaires réfractaires à l’avortement comprendront de la première partie de la position de Maïmonide que le fœtus in utero est une personne puisqu’il est un poursuivant, ce sera le cas de nombreux sages postérieurs au XVe s. Au contraire, les décisionnaires souples sur la question de l’avortement se référeront à la seconde partie pour énoncer que c’est seulement au moment où la tête du fœtus est sortie que sa vie ne peut être écartée, mais qu’auparavant, il n’est pas considéré comme pleinement vivant.

Parmi les opposants à l’avortement, retenons l’argument des Tossafot selon lesquels ce qui est interdit aux non-juifs (c’est-à-dire dans leur contexte historique, l’interdiction chrétienne de l’avortement) l’est également pour les juifs, ou l’argument selon lequel le fœtus étant une partie du corps de la mère, avorter revient à amputer la mère, ce qui doit être justifié par des raisons très sérieuses.

Les arguments utilisés par les décisionnaires

Parmi les arguments qui s’opposent à l’avortement, nous avons mentionné l’interprétation de Rabbi Ichmaël sur Genèse 9 :6, associée à l’idée que le peuple juif ne doit pas s’autoriser ce que d’autres religions s’interdisent. A cet argument s’ajoute l’interprétation restrictive de l’opinion de Maïmonide.

Le fœtus étant considéré comme un organe de la mère, l’interdiction de porter atteinte à son propre corps est également invoquée en défaveur de l’avortement, de même que l’interdiction de « perdre de la semence », liée à l’obligation « fructifiez et multipliez » qui enjoint à l’homme de ne pas gaspiller son sperme. Ces arguments soutiennent la circonspection dans l’exercice de l’avortement sans s’y opposer formellement, compte tenu du fait que cette obligation repose avant tout sur l’homme et qu’un avortement peut permettre à une femme de se reconstruire et d’élever ensuite plusieurs enfants après avoir mis en place les éléments matériels d’une bonne situation. Le Rabbin Eliott Dorf souligne l’importance de faire exister le peuple juif également sur le plan démographique après la destruction massive qu’il a subi dans la Shoa. Tous ces éléments jouent en défaveur de l’avortement sans y mettre d’obstacle juridique majeur.

Parmi les arguments qui autorisent l’avortement, nous pouvons recenser l’opinion de Rachi pour laquelle le fœtus n’est pas « une vie », la façon initiale de comprendre l’opinion de Maïmonide, la michna AraHin pour laquelle le fœtus ne justifie pas de retarder l’exécution de la mère, la michna Ohalot qui autorise à démanteler le fœtus, même au moment du travail, pour sauver la mère, la parole talmudique selon laquelle l’embryon est considéré « comme de l’eau » avant le quarantième jour. Certains arguments sont assez forts même s’ils n’ont pas tous de valeur clairement juridique et que les indications qu’ils donnent manquent de précision.

Au cours de l’histoire juridique concernant l’avortement, ces éléments ont permis à des rabbins de tous les temps de justifier des avortements en cas de danger direct et immédiat pour la mère. Ces cas ont été étendus lorsque le danger pour la mère n’est plus directement causé par le fœtus mais lié à la condition de femme enceinte, lorsque le danger pour la santé pour la mère n’est pas encore réel mais se traduira au moment de la naissance, lorsque le risque ne porte pas directement sur la vie de la mère mais sur ses capacités futures ou lorsque le danger est lié à la situation de conception du fœtus. Cela a pu être le cas pour des fœtus issus d’adultère, en mettant en avant la menace sur la vie de la mère ou sur l’équilibre de la famille, et autour d’autres cas qui, sans être réellement des dangers physiques sont des situations de « grand besoin ». Certains incluent dans ce grand besoin, au-delà de la vie de la mère, la protection de l’enfant ainé dont l’allaitement serait menacé par la grossesse de la mère. On a pu décider également que même une fois la tête du bébé sorti, dans le cas où l’inaction aboutirait de façon certaine à la mort à la fois du bébé et de la mère, il fallait privilégier cette dernière. L’avortement en cas de viol a pu être autorisé par la pilule du lendemain, et également dans la suite de la grossesse. L’ouverture des rabbins concernant l’avortement sera en fin de compte intimement liée à la façon dont ils définiront le « danger » pour la mère, à leur volonté d’étendre cette notion au-delà de sa survie, à la conservation de ses capacités physiques, et même à son équilibre psychique ou à son équilibre familial.

Responsabiliser

Après toutes ces mises en perspectives et ces réflexions, j’aimerais partager avec vous quelques idées personnelles.

Nous sommes tous et toutes « pro-life », en ce sens que nous sommes en faveur de la vie. Et pour revenir au titre de cette présentation, c’est précisément sur ce point que le « Mot Ment ».

L’approche talmudique nous invite à questionner et à contextualiser, ce qui est fort utile dans le débat qui nous occupe, car de quelle vie parlons-nous, celle du fœtus ? Celle de la mère ? De quel type de conception de la vie humaine parlons-nous, d’une vision où l’on contraint ? D’une vision où on ouvre des portes ?

Si la vie du fœtus est prioritaire, dans une vision de contrainte, l’interdiction de l’avortement est envisageable. Les femmes pourraient alors être forcées et infantilisées. L’idée que certains peuvent décider pour d’autre serait en promotion et s’étendrait rapidement à d’autres catégories de personnes. Vous comprenez bien que je ne partage pas cette vision. Ceci est clairement contraire au message du judaïsme qui invite sans cesse à la responsabilité.

Si au contraire la vie de la mère est prioritaire, dans une vision de liberté, il est nécessaire d’autoriser l’avortement.

Dans cette vision, l’avortement doit être une option, un choix possible et respecté par l’ensemble du corps social, car engendrer n’est pas un acte technique mais un acte d’amour, de responsabilité, d’engagement éducatif, qui ne peut être réalisé que dans la liberté et le respect de soi, essentiels au respect de l’autre à naître. Donner naissance n’est pas un acte « par défaut », ce n’est pas un acte du corps, mais un acte de la conscience.

Il va de soi que dans ce contexte, l’avortement ne doit pas être la seule possibilité. En amont, la contraception doit être une évidence accessible à toutes et à tous. En aval, donner naissance doit également être une option enviable.

S’il faut lutter contre l’avortement, c’est alors uniquement par une action radicale en faveur de la liberté des femmes. Comme le Talmud le fait parfois pour les règles de la Torah écrite, on peut déraciner les mauvaises raisons de l’avortement, sans porter atteinte à ce droit fondamental des femmes de disposer de leur corps.

Élever ses enfants ne doit pas entrer en concurrence avec le désir légitime de poursuivre ses études, de mener une carrière, d’exister pour soi-même. Beaucoup de femmes paient leur maternité d’un prix qui n’est pas acceptable. J’adorerais vivre dans une société qui encouragerait la parentalité, qui proposerait des places de crèche, des aides familiales, qui soutiendrait les mamans seules, qui favoriserait les papas engagés dans des congés de paternité. Le choix d’engendrer exige du parent toute son énergie éducative, il se met au service de l’émergence d’une nouvelle personnalité dans notre belle espèce humaine. Dans une telle société les mauvaises raisons de l’avortement auraient disparu.

Si l’on veut développer une politique nataliste, elle doit être une politique de soutien aux femmes – qui portent le poids physiologique et bien souvent le poids financier de l’engendrement, et une politique de soutien à l’implication éducatif des hommes – que les habitudes, les stéréotypes sociaux et les employeurs incitent à se désengager.

Donner le choix aux femmes, c’est également responsabiliser les pouvoirs publics sur leur politique de soutien à l’égalité femmes-hommes et leur soutien aux parents qui prennent leurs responsabilités. Contraindre les femmes, c’est ouvrir la porte à toutes les dérives.

A travers nos choix concernant l’avortement, c’est notre vision de la société et notre vision de la vie qui est en jeu. Aliéner la liberté des femmes, c’est aliéner notre liberté à tous. Protéger la vie humaine, c’est protéger la dignité de toutes et tous. C’est en cela, pour revenir à Aragon, que « la femme est l’avenir de l’homme ».

Aime ta prochaine comme toi-même

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, je partage cet article publié dans le tout nouvel exemplaire des Cahiers Bernard Lazare. Bravo à l’équipe des cahiers pour ce très beau numéro.

Bonne fête à toutes celles et ceux qui tiennent à leur liberté!

L’humanisme postule la liberté de chacun de se déterminer, de se définir et de se redéfinir, en mettant en œuvre sa liberté personnelle, sa capacité d’évoluer et sa capacité d’être en relation avec les autres. L’humanisme postule forcément la liberté de chacune, au même titre que celle de chacun.

Dans une conception juive, l’humanisme peut être formulé par la merveilleuse pensée de Hillel (Babylone, Terre d’Israël, -Ie s.) « Ce que tu détestes, ne le fais pas à ton prochain, ceci est absolument toute la Torah, le reste, ce sont des commentaires alors maintenant, va les étudier sérieusement. » Cette phrase n’est pas seulement édifiante. Elle est la base de tout le judaïsme rabbinique, qui repose sur deux piliers : l’action et l’étude. Ces deux piliers se déclinent en trois modes : moi, toi, nous. Cette affirmation est humaniste parce que l’étude nous encourage à être libres dans notre pensée et que la pratique nous incite à être cohérents dans nos actions.

Contexte

Les femmes, elles aussi, s’inscrivent évidemment dans le faire, l’action, le souci de se cultiver soi-même, l’enrichissement l’autre, la participation au collectif, c’est-à-dire au tikoun olam[1], c’est-à-dire au politique.

Mais est-ce bien le cas en pratique ? Les juives sont-elles pleinement intégrées dans le judaïsme culturel, yiddish, ladino, littéraire, hébraïque ? Je l’espère, les avancées comme les limitations de notre contexte social actuel s’y répercutent sans doute.

Les femmes juives sont-elles intégrées dans le judaïsme religieux ? Le côté religieux du judaïsme se développe par assimilation du judaïsme à la religion chrétienne depuis les Lumières puis par la création du Consistoire par Napoléon en 1808. Cet aspect des choses n’est pas ma spécialité, ni mon angle d’approche. La place des femmes y reste très secondaire.

Qu’en est-il du judaïsme rabbinique, qui inclut les aspects talmudique et halaHique jusqu’à nos jours ? Le Talmud s’inscrit dans le questionnement permanent, l’approche critique des sources et leur comparaison. La halaHa propose parfois un style plus occidental, une « recette de cuisine de la vie », à la codification bien classée, mais revient toujours rapidement à la contradiction et la confrontation d’opinion. Cette approche m’intéresse et m’a poussée à approfondir mes études juives, à aller étudier en Israël, à devenir Rabbin. C’est elle que je présente aux hommes, et de façon totalement égale, aux femmes. Hillel, que nous venons de citer, s’inscrit dans ce mouvement.

Ce judaïsme se passionne pour la question initiale « que nous apprend le judaïsme sur la vie ? », sur la façon de penser à ce que nous voulons faire et sur notre façon de vivre et d’agir, autant dire, sur la pensée et la pratique juive, sur l’étude et les commandements.

Ecarter les femmes

Les argumentaires de dénigrement sont les mêmes, dans la société juive comme dans la société globale : « Les femmes ne comptent pas vraiment, elles ne savent pas vraiment ce qu’elles veulent, elles ne savent pas réfléchir, elles sont prétentieuses, elles sont sales, il n’est pas digne pour nous de les inclure. »

Ils ont été largement invoqués au cours de l’histoire juive par les autorités qui voulaient faire reculer la place des femmes dans la tradition juive. Mentionnons un argument plus moderne, plus présentable, et non moins dangereux : « Les femmes sont supérieures spirituellement, telle est la raison pour laquelle elles ne doivent pas étudier et être responsable vis-à-vis de certains commandements, car elles restent proches de Dieu même lorsqu’elles font la vaisselle, qui est elle aussi une tâche spirituelle et sacrée ». Rappelons la recommandation de Rabbi YoHanan Méhamayan[2] dans ses fables : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute… ». Soulignons encore que tous ces arguments peu précis et détachés des sources ont été invoqués pour une raison simple : l’absence de justifications plus crédibles.

La place des femmes dépend de deux grands axes :

1 – Sont-elles responsables de leurs actes (face aux commandements) ?

2 – Ont-elles accès au savoir (étude de la Torah) ?

La réponse d’une façon générale est la suivante : Initialement les femmes ont une place, mais les influences patriarchales de la société globale ont pénétré le judaïsme au cours du temps. Pour toutes ces questions, mon avis est que la situation actuelle est totalement différente, l’aspect patriarchal de nos sociétés est heureusement largement remis en question, cela nous encourage à rassembler les sources historiques favorables à l’égalité et à les repositionner sur le devant de la scène. Cette nouvelle possibilité résonne d’ailleurs comme un devoir de contribution à l’évolution générale vers l’égalité.

Ce scénario s’applique schématiquement à toutes les dimensions essentielles de la vie juive (dans la lignée du judaïsme rabbinique): le droit/devoir d’étudier la Torah, l’implication des femmes dans les commandements positifs liés au temps, leur place dans les offices à la synagogue, la lecture de la Torah, la récitation du Kadich lors des cérémonies d’inhumation etc.

Pour approfondir ces questions, je vous invite à vous référer à l’ouvrage sous la direction du Rabbin Krygier, La loi juive à l’aube du XXIe siècle, à celui du Rabbin Golinkin (en hébreu) La place de la femme dans la halaHa, questions et réponses, ou au site responsafortoday (en anglais et en hébreu), par exemple ici : https://responsafortoday.com/en/vaad-halakhah/all-volumes/. Sur le passage précis du Talmud concernant l’interdiction de l’étude aux femmes, je donne quelques explications sur la vidéo suivante : Paracha Nasso : La femme abstinente et le dévot imbécile https://youtu.be/7Lk9T8DyK-o.

Au cœur du judaïsme

Le judaïsme talmudo-halaHique nous dit à travers la voix de Chimon hatsadik (avot 1 :2, -IIIe s) que le monde repose sur la Torah, le service, et les actes d’entraide. Donc sur l’étude, la discipline de nos actions dans la vie, la réalisation d’œuvres généreuses.

La question de la place des femmes dans ce cadre est donc celle de leur légitimité dans l’étude de la Torah, la discipline des commandements et l’action sociale. Nous demandons dans les textes de la Amida du chabbat « donne nous une part à ta Torah ». Les femmes juives peuvent-elles avoir une part à cette Torah, une part à l’étude et à la pratique ? Défaisons-nous de tout suspense : à mon sens, les femmes font au même titre que les hommes partie de ces deux aspect essentiels et tellement humanistes du judaïsme.

Quels arguments militent à mon sens dans cette direction ? On peut compter : l’interprétation des sources, la poursuite fidèle du mouvement naturel d’évolution de la tradition, l’application de l’approche humaniste contenue dans nos sources, l’application de l’approche humaniste qui s’impose sur le plan éthique.

Deux autres raisons s’ajoutent :

La première est que si la réponse est non, en tant que femme, je n’ai pas de légitimité à écrire cet article. C’est ce qui est paradoxal avec ce type de questionnement. Faut-il s’interroger ? Oui, car la place des femmes n’étant ni acquise, ni sécurisée, une réflexion doit être entreprise pour faire évoluer les habitudes. Mais non, car cela ne devrait même pas avoir besoin d’être discuté. Poser cette question nous remet en contact avec le risque d’exclusion qui pèserait sur chacun et chacune, nous incitant à l’auto-censure. Avoir conscience de ce paradoxe, c’est déjà le désamorcer un peu.

La deuxième raison est pragmatique. Mettre les femmes au second plan dans ce qui touche au judaïsme, c’est participer à leur exclusion en général, qui, dans sa manifestation extrême, est cause de meurtres et d’agressions. Du côté des femmes, elle implique la mort et le stress post-traumatique avec toutes les séquelles que cela suppose. Toutes les femmes expérimentent des attitudes de relégation.

Notons au passage que tous les hommes sont également victimes par ricochet de la ségrégation des femmes. Consciemment ou inconsciemment, nous sentons qu’une violence exercée contre une partie d’une population menace indirectement toutes les catégories de cette population. S’il n’est pas bon d’être femme, il n’est pas bon d’être « une femmelette », le conformisme viril des hommes est activé aux dépens de leur liberté. Des hommes justes de Yvan Jablonka peut être consulté sur la question. La violence n’est jamais compartimentée.

Le cercle vicieux de l’exclusion

Au contraire, reconnaitre l’égale légitimité des femmes dans un domaine, quel qu’il soit, renforce l’idée qu’elles ont voix au chapitre, que leur « non » est un « non », que leur « oui » est respectable.

L’idée de Culture du viol – que nous ne pouvons plus ignorer aujourd’hui – reprend cette idée : tout ce qui est de l’ordre de la dévalorisation contribue à davantage encore de dévalorisation, tout ce qui est de l’ordre du respect renforce le respect. Dans ce contexte, les détails sont importants.

L’antique parole de Ben Azaï (Avot 4 :2) est très expressive :

« Cours pour un commandement facile comme pour un commandement pesant et fuis la transgression ; car un commandement amène un commandement et une transgression amène une transgression ; la récompense d’un commandement est l’occasion d’un autre commandement et la punition d’une transgression est une transgression. »

Cette parole vise tous les commandements. L’application à la question des femmes est la suivante :

« Cours pour rétablir la justice et le respect de tes égales lorsque c’est simple comme lorsque c’est complexe et fuis la transgression de ce principe ; car un acte de respect entraîne un acte de respect et un acte de dévalorisation entraîne un acte de dévalorisation ; la récompense pour un acte féministe est l’occasion d’en faire d’autres et la punition pour un acte antiféministe est d’en accomplir d’autres. »

Adressée aux femmes, la recommandation peut être formulée ainsi : « Cours pour rétablir la justice et le respect qui t’est dû ; car un acte vers la demande de respect ouvre la porte à d’autres actes de demandes de respect… » Cette version explique très clairement ce qu’essaie de transmettre l’idée de « culture du viol ». Il est possible d’approfondir ces problématiques en lisant Présentes, de Lauren Bastide.

Une fois qu’on accepte l’idée qu’un acte banalise tout ce qui est du même ordre que lui, on comprend que le choix se présente ainsi : soit les femmes sont absolument secondaires, et tout acte qui les dévalorise est justifié, soit elles sont fondamentalement égales, et tout acte qui nuit à cette égalité, légèrement ou gravement, consciemment ou inconsciemment, dans quelque domaine que ce soit, est solidaire des pires actes commis à leur encontre.

Je réalise ici que mes propos sont pesants, mais ils le sont moins que la réalité violente du monde dans lequel nous vivons. La bonne nouvelle, c’est qu’il est bon de faire face à nos responsabilités ensemble, nos militantismes nous unissent dans notre humanité, l’action de tikoun olam nous inspire et nous rend vivants, vibrants, fiers d’être en vie. L’humanisme nous enseigne que personne n’est parfait mais que nous avons en nous la possibilité du meilleur qui est toujours en construction. Le psychologue Auber Allal résume cette idée ainsi : on a le droit d’être con, on n’a pas le droit de le rester.

Priorité à la vie

Vous savez certainement combien le principe de PikouaH néfech, « préserver activement la vie » est essentiel dans notre tradition. Le simple soupçon d’un risque de mort contraint à transgresser toutes les autres règles. Il faut « transgresser, et non pas mourir ». Quand bien-même la place des femmes dans notre tradition serait au second plan (ce qui n’est pas exact), nous savons aujourd’hui que la culture du viol coute des vies, cela devrait justifier la transgression des commandements si c’était nécessaire.

Seules trois exceptions exigent de « mourir et ne pas transgresser » : le meurtre, le viol, renier l’essentiel. Forcée à tuer quelqu’une sous peine d’être moi-même assassinée, je dois refuser. Forcée à violer, je dois refuser. Forcée à renier l’essentiel, je dois préférer ma propre mort. La protection de ma vie est secondaire face à la défense de mes valeurs.

J’aime la phrase d’Eric Fromm dans L’art d’aimer (XXe s. Allemagne/USA) selon laquelle : « L’homme religieux authentique a foi dans les principes que « Dieu » représente : il pense la vérité, vit l’amour et la justice, et il ne donne de prix à son existence que dans la mesure où il y trouve l’occasion d’épanouir au maximum ses virtualités humaines – seule chose qui importe, seul objet de « préoccupation ultime » ; en fin de compte, il ne parle pas de Dieu ni ne mentionne même son nom. »

L’  « homme religieux » qu’évoque Erich Fromm, inclut certainement la femme religieuse. Mais est-ce certain ? Dans « De génération en génération, être juif » le grand Rabbin Jacques Ouaknin parle de la nécessité du Minian, le quorum juif de dix « personnes » dit-il. Pourtant, il n’inclut certainement pas les femmes dans le quorum. L’ambigüité sert toujours la perpétuation des situations antérieures. Si elle était compréhensible à l’époque d’Eric Fromm, les temps ont changé.

S’il vous plait et merci

A ce stade, j’aimerais adresser des remerciements et une demande.

A celles et ceux qui sont très conscientes de la problématique de la culture du viol, je voudrais vous remercier de m’avoir lue jusque-là. Ayant pris conscience des enjeux éthiques, sociaux et vitaux de l’inclusion des femmes, il vous a sans doute été difficile de lire mon texte rédigé jusqu’à présent sur l’idée que « le masculin représente les femmes ».

A celles et ceux que mon écriture n’a pas choquée jusqu’à ce stade, j’aimerais demander que nous dépassions nos habitudes. Je vais essayer d’utiliser à partir de maintenant dans cet article un « féminin neutre » pour remplacer le « masculin-neutre ». Cela nous permettra de voir si nous sommes plus engagées (au féminin) dans le texte quand il est genré comme nous, ou si nous sommes moins engagés (au masculin) dans le texte lorsqu’il est genré différemment de nous.

En tant que juives (juifs inclus), nous sommes habituées (hommes inclus) plus que d’autres à entendre les idées derrières les mots, nous devrions pouvoir faire face à cette adaptation. Nos efforts ne sont pas vains, ils sont au service de l’humanisme, du respect, du respect du besoin de sécurité de chacune. Nous adorons apprendre, et cela aussi est la Torah.

Sans aucun doute la notion de pikouaH nefech devrait l’emporter sur la grammaire française de ces quelques derniers siècles. Le français est une langue toute jeune, et elle est aussi souple que son locuteur, c’est-à-dire nous. Le principe même de halaHa, de loi juive, nous enseigne que rien n’est un détail. Au nom de quoi d’ailleurs interpellerions-nous « les religions » ou « le judaïsme », si nous ne sommes pas prêtes nous même à un inconfort minimal pour réduire une injustice meurtrière ?

Ces trois exceptions s’appliquent incontestablement aux femmes : je ne peux tuer une femme ou violer une femme pour sauver ma vie. Et pas non plus renier notre essentielle égalité en contribuant à l’argumentaire qui permet aux meurtriers et aux violeurs de s’auto-justifier.

Si nous appliquons aujourd’hui le même effort de justice, de respect et de courage que celui dont nos sages ont fait preuve à leurs époques, nous sommes absolument en mesure de soutenir les changements qui s’imposent. Aujourd’hui l’argument de « réputation de la communauté juive » qui a pu être invoqué à l’encontre des droits des femmes dans une société globale patriarchale doit être renversé. La préservation de l’image du judaïsme exige le rétablissement des femmes dans leur droit initial et imprescriptible. Mais bien au-delà des questions d’image, la question de la place des femmes est une question de conscience.

Il est temps, donc, dans un esprit humaniste, de « ne pas faire à notre prochaine ce que nous détestons, c’est toute la Torah, et il est temps de nous consacrer à l’étude de ce principe et de toutes ses implications ».


[1] Réparation du monde

[2] Château-Thierry 1621- Paris 1695

Sacrée sexualité, vivre corps et âme, colloque interconvictionnel à Saint Jacut

Vous êtes libres le dernier week-end de janvier?

Bonne nouvelle: l’Abbaye de Saint Jacut nous propose de passer ensemble une fin de semaine passionnante et chaleureuse autour de la question de la sexualité et des religions. Ce week-end est interconvictionnel, et nous pourrons y célébrer des offices ce chabbat concentrés pour ceux qui le désirent. Inscrivez-vous, parlez-en à vos amis ou famille de toutes religions ou convictions, puis mettez-moi un petit commentaire à la fin de cet article pour que je sache combien de livres de prière apporter.

Chabbat chalom!

Télécharger le bulletin d’inscription ici: inscription saint jacut

 

 

 

 

 

Akadem: Greta Thunberg

L’émission d’Akadem sur Greta Thunberg est en ligne… C’était un moment intéressant autour d’une jeune fille engagée, très critiquée, et d’une question qui nous engage tous et toutes: le climat.

Vous pouvez la voir sur Akadem sur ce lien, ici, il suffit de cliquer 😉

C’est complémentaire du commentaire que j’avais fait sur la paracha Nitsavim, à voir ici, sur ce lien.

Je serai très heureuse de lire vos commentaires. Moadim LéssimHa!

P.S. SimHat Torah sera dimanche soir en Israël et dans les communautés libérales du monde entier, rejoignez ce moment de joie et de danse si le coeur vous en dit…

Réflexions sur la liberté

Ce matin, j’ai eu le privilège de passer deux heures en compagnie d’un groupe de jeunes protestants qui effectuaient une retraite d’une semaine sur le thème de la liberté.

Nos réflexions se sont portées sur l’importance des questions, la fête de PessaH   פסח (le passage) et פה סח (la bouche qui parle), les différentes façons de susciter des questions, le seder, seder de libération des femmes.

Après avoir explicité la différence entre Torah écrite et Torah orale, de Michna et de Talmud, nous avons évoqué la liberté qu’offre l’approche interprétative des textes.

Nous avons parlé de l’idée de liberté dans les dix commandements et de celle qui émerge du fait qu’ils existent en deux versions, un travail en Hévrouta (binômes d’étude amicaux) nous a permis d’approfondir le sens des différentes versions.

le « Je suis l’ETERNEL ton dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte », en tant que première des dix paroles selon la tradition juive, nous a donné l’occasion d’évoquer l’infini liberté de compréhension du tétragramme, le mot hébreu de quatre lettres que les chrétiens prononcent Yahvé ou Jéhova et qui ne se prononce pas dans la tradition juive. Ces quatre lettres י   ה   ו   ה , permettent de composer justement le passé היה, le présent הווה, et le futur יהיה, ce qui renvoie à notre liberté dans le temps. C’est l’Histoire qui interpelait Pharaon pour qu’il abolisse l’esclavage.

Ces questionnements nous ont conduit à parler du dernier paragraphe du chéma israel שמע ישראל, avec sa dernière phrase qui reprend presque mot pour mot la première des dix paroles, et les « fils de la vie » qui y sont évoqués, et qui nous font prendre conscience de la liberté que nous appliquons à chaque instant de nos vies.

Après avoir raconté l’histoire du four de AHnaï qui oppose la liberté des sages à une soi-disant autorité « du ciel », nous avons conclu avec quelques pensées partagées et ce très beau midrach tiré des pirké avot qui invite à lire le mot חרות , signifiant « gravé », comme חירות, qui signifie la liberté.

Merci à tous les participants pour cet échange riche!

télécharger ici la feuille de source

Bonus:

  • Site: cocreer.net
  • L’année où j’ai vécu selon la bible (A.J. JACOBS)
  • Les mots sont des fenêtres (ou bien ils sont des murs), (Marshall Rosenberg)
  • Des hommes justes, du patriarchat aux nouvelles masculinités (Ivan Jablonka)
  • L’ABC des émotions (Claude Steiner)

THE TEN COMMANDMENTS OF EMOTIONAL LITERACY

  1. I. Place love at the center of your emotional life. Heart-centered emotional intelligence empowers everyone it touches.
  2. Love yourself, others and truth in equal parts. Never sacrifice one to the other.

III. Stand up for how you feel and what you want. If you don’t, it is not likely that anyone else will.

  1. Respect the ideas, feelings and wishes of others as much as you do your own.Respecting ideas does not mean that you have to submit to them.
  2. Emotional Literacy requires that you not lie by omission or commission. Except where your safety or the safety of others is concerned, do not lie.
  3. Emotional Literacy requires that you do not power play others. Gently but firmly ask instead for what you want until you are satisfied.

VII. Do not allow yourself to be power played. Gently but firmly refuse to do anything you are not willing to do of your own free will.

IIX. Apologize and make amends for your mistakes. Nothing will make you grow faster.

  1. Do not accept false apologies. They are worth less than no apologies at all.
  2. Follow these commandments according to your best judgment. After all, they are not written in stone.

Les religions sont-elles LGBT-phobes?

In extremis avant Chabbat, parce que c’est important, je vous informe de ma participation à une conférence interreligieuse, qui sera une prise de position en faveur de la défense des libertés fondamentales de chacune et chacun, indépendamment de ses préférences ou identifications sexuelles.  Le texte suivant est celui des organisateurs.

Nous vous invitons le Mardi 25 juin à la Mairie du IIIème arrondissement à la table ronde « Les religions sont-elles LGBT-phobes ? ».
La condamnation religieuse de ce que nous appelons de nos jours « homosexualité » (masculine et féminine) est fondée sur des textes sacrés qui doivent être compris avec discernement au regard de leur contexte culturel d’écriture et de leur message actuel : une condamnation des rapports entre hommes dans le Lévitique (Ancien Testament), la mention des femmes et des hommes se livrant à « des rapports contre nature » parmi les comportements dénoncés par l’apôtre Paul dans deux épîtres (lettres) du Nouveau Testament, des interdictions proches du Lévitique dans certaines sourates du Coran.
Le but de cette rencontre est d’engager ou de poursuivre un dialogue entre les instances religieuses et les associations qui luttent pour les droits humains.
La frontière entre condamnation des LGBT et les LGBTphobies est tenue. Quelles actions concrètes mènent les religions pour éviter le glissement vers la haine de leurs fidèles ? Quels outils pédagogiques utilisent elles pour donner un éclairage nouveau de leurs textes ? Quel accueil réservent-elles aux jeunes mariés de même sexe, à leurs enfants et aux trans ? Comment concilient-elles droits civiques et droits religieux ? Quelles positions adoptent-elles sur la transidentité ?
Cette conférence est organisée par les associations LGBT confessionnelles, David et Jonathan (LGBT Chrétien, le Beit-Haverim (Groupe juif LGBT), Shams France (Association LGBT pour les personnes du Maghreb et du Moyen-Orient) et également La Montagne Sans Sommet (Communauté bouddhiste)
Pour assister, il faut réserver obligatoirement sur l’un des mails suivants :
• contact@shams-France.org
→ RDV à 19h, Mairie du IIIème arrondissement de Paris.

Questions fondamentales pour le judaïsme de demain…

Savons-nous expliquer notre conception du judaïsme d’aujourd’hui? Tous les juifs sont-ils d’accord avec notre vision? Comment défendre nos idées dans le « débat public juif »? Comment expliquer nos conceptions à nos enfants? Comment discuter dans le respect?

Le judaïsme d’aujourd’hui soulève des questions, parfois difficiles, qui nous concernent tous.

Nous en parlerons ensemble ce dimanche, à Ganénou.

Evènement facebook ici: https://www.facebook.com/events/2154962864616859/

 

La place des femmes – l’engagement de tous

Le 23 mars, j’ai eu la chance de rencontrer deux femmes exceptionnelles, Emmanuelle Seyboldt, présidente du conseil national de l’Église protestante unie de France et Kahina Bahloul, Islamologue.  Christina Moreira, femme ordonnée en tant que curé, était avec nous par liaison téléphonique. Nous étions reçues par Philippe Robichon, et Nadia El Bouga (plus d’infos ici) dans l’émission spi-cu-ni sur beur FM.

Emmanuelle Seyboldt et Kahina Bahloul seront toutes les deux avec nous, par amitié, ce vendredi soir, pour une entrée du chabbat en douceur. Notre chabbat sera également un « erev shel yeladim », les enfants y seront les bienvenus, accueillis en chanson – voir les vidéos des chants et des activités ici.

Vous pouvez réécouter l’émission, enregistrée le 26/03/2019 et diffusée le 30/03/2019

Sexualité et spiritualité sur France Culture

La sexualité est l’une des questions les plus essentielles. Alors que l’âge moyen d’exposition aux images pornographiques est actuellement de seulement 13 ans, quel est notre discours sur cette important sujet? L’amorce d’une discussion à ce sujet sera diffusée demain sur sur France Culture, les intervenants seront moi-même ainsi que Daniel Sibony, dans l’émission de René Frydman, « Matière à penser », de 22h15 à 23h00.

https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser

Vous pourrez la ré-écouter en illimité via le site internet ou la podcaster pendant un an.

Bonne écoute, vous êtes invités à partager vos commentaires sous cet article.

Les femmes, la liberté, Hanouka! Cours adulte ce dimanche à Surmelin

Les femmes « étaient partie prenante de ce miracle ». (article approfondi en hébreu ici)

De quelle façon les femmes étaient-elles partie prenante de Hanouka? De quoi encore les femmes sont-elles partie prenante dans la vie juive? Certains principes pourraient-ils les exclure? Lesquels, et pourquoi?

Notre communauté défend l’égalité, la possibilité d’action de chacun et chacune.

Reprenons ensemble ces textes passionnants, avant l’allumage communautaire des bougies, de 16h à 18h ce dimanche.

Si vous souhaitez vous préparer au cours, prenez connaissance des questions suivantes, qui posent les grands problèmes relatifs à la place des femmes:

40 questions sur le statut des femmes dans la tradition juive

Les femmes sont-elles des hommes comme les autres, en 20 questions

Pour alimenter votre réflexion:

Le Kadich et les femmes

Vidéo référence prb https://www.youtube.com/watch?v=v7haoVIlFF8