La violence traverse le temps, les sociétés, les cultures et sous diverses formes elle s’impose à nous.
En ce jour de jeûne du 17 Tamouz, nous sommes particulièrement sensibles à ces problématiques.
Elle peut être physique, verbale ou psychologique. Son caractère est protéiforme. Quand on cherche à la stopper quelque part, elle surgit ailleurs sous un autre aspect. Aucun dispositif permettant d’éradiquer totalement la violence (au moins physique) n’a encore été trouvé.
Comment doit-on se comporter face à la violence ? Peut-on la justifier ? Est-elle une caractéristique du genre humain à laquelle nous n’échapperons jamais ? Le meurtre politique en est un type particulier. Peut-il être considéré comme un acte légitime et approprié, pour contrecarrer des troubles graves dans une société ?
Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !
La lecture de la Torah nous invite à réfléchir à ce sujet; en particulier la lecture de la fin de la paracha Balak et celle de la paracha PinHas (Sefer Bamidbar 25:10 à 30:1)
Bamidbar 25:1 à 25:3. « Israël s’établit à Chittîm. Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab. Elles convièrent le peuple à leurs festins idolâtres; et le peuple mangea, et il se prosterna devant leurs dieux. Israël se prostitua à Baal-Péor et le courroux de l’Éternel s’alluma contre Israël. »
Selon le Talmud Sanhédrin, le prophète Balhaam, dépité par ses échecs précédents, a donné comme conseil aux ennemis des enfants d’Israël de viser leur point le plus faible, la sexualité. Ainsi, les filles de Moab et de Midian sont allées les séduire et les contraindre, pour qu’ils puissent continuer à profiter de leurs faveurs, à adorer le Dieu Péor.
L’Éternel très en colère de ces agissements s’adresse à Moïse :
Bamidbar 25:4. « Et l’Éternel dit à Moïse: prends tous les chefs du peuple et fais les pendre au nom de l’Éternel, à la face du soleil, pour que la colère divine se détourne d’Israël. »
Moïse obéit et les coupables sont tués, mais un événement inimaginable se produit :
Bamidbar 25:6. « Cependant, quelqu’un des Israélites s’avança, amenant parmi ses frères la Midianite, à la vue de Moïse, à la vue de toute la communauté des enfants d’Israël. »
Pour provoquer les autorités, un enfant d’Israël nommé Zimri et sa compagne Midianite nommée Cozbi, décident de pratiquer l’acte sexuel en public. Moïse stupéfait ne sait que faire. PinHas, un prince d’Israël, réagit à sa place.
Bamidbar 25:7 à 25:8. « A cette vue, PinHas…se leva du milieu de la communauté, arma sa main d’une lance, entra sur les pas de l’Israélite dans la tente, et les transperça tous deux…aux parties génitales; et le fléau cessa de sévir parmi les enfants d’Israël. Et ceux qui moururent du fléau furent vingt quatre mille. »
PinHas, en commettant un meurtre, stoppe la dérive du peuple d’Israël. Il sauvegarde son unité et, par-dessus tout, sauvegarde l’alliance avec l’Éternel dans le cadre de son institution. Par un acte d’une extrême violence, PinHas devient un personnage central de l’histoire d’Israël. Pour lui signifier sa reconnaissance, Dieu interpelle Moïse :
Bamidbar 25:10 à 25:13. « PinHas…a détourné ma colère de dessus les enfants d’Israël, en se montrant jaloux de ma cause au milieu d’eux…C’est pourquoi, tu annonceras que je lui accorde mon alliance de paix. Lui et sa postérité après lui posséderont, comme gage d’alliance, le sacerdoce à perpétuité. »
Dieu noue une alliance de paix avec PinHas. Pour concrétiser cette alliance, il décide d’ordonner prêtres d’Israël PinHas et sa descendance. Ainsi, Dieu manifeste sa volonté de voir la paix et la reconstruction de la communauté se substituer à la violence. Dieu a, apparemment, approuvé l’acte de violence de PinHas en de telles circonstances exceptionnelles. Cette approbation est très difficile car elle soulève une question délicate: quand la violence est-elle acceptable? Est-elle même acceptable? Où commence et où s’arrête la « légitime défense »? Nous y reviendrons dans la conclusion de notre commentaire.
Dieu ordonne alors à Moïse et à Eléazar de dénombrer les forces vives d’Israël :
Bamidbar 26:1 à 26:2. « Et, à la suite de la mortalité due au fléau, l’Éternel dit à Moïse et à Eléazar…: faites le relevé de la communauté entière des enfants d’Israël, depuis l’âge de vingt ans et au-delà, par familles paternelles, de tous ceux qui sont aptes au service armé… »
Puis l’Éternel demande à Moïse de gravir la montagne pour contempler la terre promise qu’il n’atteindra jamais, et lui annonce sa fin proche.
Bamidbar 27:12 à 27:13. « …monte sur cette hauteur des Abarim, pour contempler le pays que j’ai donné aux enfants d’Israël. Quand tu l’auras contemplé, tu iras rejoindre tes pères… »
Josué est désigné successeur de Moïse :
Bamidbar 27:15 à 27:18. « Alors Moïse parla à l’Éternel en ces termes: que l’Éternel…institue un chef sur cette communauté…Et l’Éternel dit à Moïse: fais approcher de toi Josué, fils de Noun, homme animé de mon esprit, et appose ta main sur lui. »
Dieu veut savoir sur qui il peut compter, parmi les enfants d’Israël, pour un nouveau départ.
Ensuite, le rite des offrandes au Temple, lieu fédérateur du peuple, est redéfini. L’instauration et la programmation des grandes fêtes, moments de rassemblement et de recueillement, sont réalisées.
Bamidbar 28:16 à 30:1. « Au premier mois, le quatorzième jour de ce mois, la Pâque sera offerte à l’Éternel. Et le quinzième jour du même mois, c’est fête. Durant sept jours vous mangerez des azymes…Au septième mois, le premier jour du mois, il y aura pour vous un saint rassemblement. Vous ne ferez aucune œuvre servile. Ce sera pour vous le jour du son du Chofar…Et au dixième jour de ce septième mois, il y aura pour vous un saint rassemblement et vous mortifierez vos âmes… »
Un nouveau cadre est institué afin que soient traités avec calme, sérénité et sans violence physique les événements futurs.
Le message délivré par la paracha PinHas et dont nous devons nous inspirer :
Encore aujourd’hui, le recours à la violence est le seul moyen de résolution de certaines situations dangereuses. Cela doit s’arrêter. Ayons la volonté de mettre en place un cadre, un dispositif, non belliqueux et juste, de règlement des conflits et des drames.
La Torah écrite comme la Torah orale insistent en permanence sur l’importance de la justice; l’établissement d’un système juridique est même l’une des 7 lois universelles données à Noé selon les rabbins. PinHas trouve sa place dans le cadre sacerdotal, en tant que prêtre, qui doit établir une « alliance de paix » et un rituel qui unit et offre un cadre de résolution des conflits. Les conflits trouvent une solution juridique au tribunal, et une solution « psycho-sociale » dans les rituels du temple.
Nous sommes encore à la recherche de ce cadre idéal de non recours à la violence. Nous ne l’avons pas encore trouvé et pourtant, rationnellement, il existe. Nous devons persévérer. La concrétisation de ce cadre ne dépend que de nous. C’est peut-être ce cadre idéal que l’on appelle « civilisation ».