Paracha Vézot habéraHa : répétition ou renouveau ?

Que serait une vie uniforme et sans changement ? Que représente le changement dans notre existence ?

Nos caractéristiques physiques et intellectuelles d’êtres vivants changent, bien-sûr, avec l’âge. Le travail, l’habitat, la famille, les relations affectives et beaucoup d’autres facteurs induisent également des inflexions de notre parcours de vie.

Certains changements sont subis et d’autres voulus, certains apportent un renouveau conséquent et d’autres non. La constance et la répétition ont aussi leur part dans notre cheminement.

Penchons-nous sur le cas des enfants d’Israël à la fin de la Torah. Ils sont sur le point d’affronter un double changement qui va bouleverser leur existence : la disparition de Moïse et l’entrée en terre de Canaan. La paracha Vézot habéraHa met en lumière des points clés de cet événement.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vézot habéraHa du sefer Devarim (Deutéronome) 33:1 à 34:12

La paracha Vézot habéraHa est la dernière paracha de la Torah. (Elle est lue spécifiquement le jour de SimHat Torah.) « Vézot habéraHa » signifie « Et c’est la bénédiction ». Ainsi, la paracha débute par la bénédiction du peuple d’Israël par Moïse avant sa fin toute proche.

Devarim 33:1. « Or, voici la bénédiction dont Moïse, l’homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël avant de mourir. »

Cette paracha marque un changement immense : Moïse va partir pour toujours. Ce changement, c’est la disparition d’un père spirituel aimé, la disparition d’un guide irremplaçable depuis la sortie d’Égypte jusqu’à l’arrivée aux frontières de la terre promise et depuis le don de la Torah. A ce moment, ceux qui vont entrer en terre de Canaan sont tous nés au cours des 40 ans de parcours dans le désert et n’ont connu qu’un seul guide, Moïse.

La séparation définitive entre le peuple d’Israël et Moïse est un véritable défi de renouveau. Dans le désert les enfants d’Israël étaient pris en charge par Moïse, ils recevaient la manne comme nourriture, leurs autres besoins matériels étaient toujours satisfaits, et comme la tradition le dit, « leurs vêtements et leurs chaussures ne s’usaient jamais ». Ils vont se retrouver seuls face à leur sort et en devenir responsables. Ils vont ressentir l’angoisse accompagnant tout changement de ce type.

La peur du changement est si forte, qu’à propos d’un verset de la paracha VayéleH, la tradition dit ceci : Moïse a dû, lui-même, partir à la recherche des membres de son peuple pour leur faire une importante déclaration. Les enfants d’Israël se tenaient alors volontairement éloignés de lui. Ils savaient que Moïse devait leur donner les 613 commandements de la Torah et ils n’en avaient reçu que 611. Afin de faire obstacle à sa mort, ils restaient loin de lui pour l’empêcher de leur remettre les 2 commandements manquants, comme il était obligé de le faire. Et pour remplir son devoir, Moïse a dû aller à leur rencontre.

Dans notre paracha, les enfants d’Israël sont contraints de faire leurs adieux à Moïse. C’est la fin d’une époque. Cependant, la continuité est assurée, car l’entrée en terre de Canaan est la réponse à une promesse faite par Dieu à Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa au cours d’une autre époque.

Un élément de renouveau survient cependant :

Devarim 34:10. « Mais il n’a plus paru, en Israël, un prophète tel que Moïse, avec qui l’Éternel communiquait face à face ».

Mais ne sautons pas le verset précédent qui reste dans la continuité :

Devarim 34:9. « Or, Josué, fils de Noun, était plein de l’esprit de sagesse, parce que Moïse lui avait imposé les mains; et les enfants d’Israël lui obéirent et agirent comme l’Éternel l’avait prescrit à Moïse. »

Le renouveau dans la continuité

Le renouveau et la répétition dans la continuité peuvent-être quasiment simultanés. Ainsi, lors de la fête de SimHat Torah, Béréchit s’enchaîne immédiatement après Vézot habéraHa. Ici le renouveau se fait dans la continuité. Tous les ans, nous accomplissons un saut dans l’histoire en revenant à la création du monde, au début de la Torah. Entre-temps nous avons acquis de nouvelles connaissances, de nouveaux éléments de sagesse et vécu de nouvelles expériences. Et là, le renouveau se trouve dans l’interprétation toujours actualisée des textes de la Torah.

Avant de conclure lisons le dernier verset de la paracha, donc de la Torah :

Devarim 34:12. « …ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles, que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël ».

« Tout Israël » est encore une fois évoqué. A noter le lien entre le « lamed » final d’Israël (יִשְׂרָאֵל) et le « beit » du début de Béréchit (בְּרֵאשִׁית). Ces 2 lettres associées forment le mot « Lev » (לב) qui signifie « cœur ».

Donc, du fond de notre cœur, identifions et choisissons nous-mêmes ce qui est rupture et ce qui est continuité au seuil de la nouvelle année. Mettons en œuvre notre liberté de voir le monde à notre gré. Nous ne sommes pas toujours pleinement conscients de l’étendue de nos possibilités, ne restons pas prisonniers de nos limitations. Répétition ou renouveau dans notre vie ? La liberté est un capital que nous voulons investir en connaissance de cause.

 

 

Paracha Ekev : à quoi ça nous sert d’être honnête ?

Selon Jean Piaget (1896-1980), théoricien de la psychologie du développement, l’enfant se développe en explorant le monde. L’enfant se livre spontanément à des tentatives qui réussissent ou échouent. Il en déduit de lui-même ce qu’il faut faire et ne pas faire.

Il en est de même pour nous. Parfois, notre réussite relève de circonstances hasardeuses. Nous nous posons alors une question déterminante pour l’avenir : à quels actes, à quels facteurs devons-nous attribuer cette réussite ?

D’autres questions s’enchaînent : en pratique, comment faut-il s’y prendre pour être sûr de réussir ? Bien agir ou bien se comporter permet-il de toujours réussir ? Faut-il être parfaitement honnête pour réussir ? Ne peut-on pas tricher un peu ? Comment faire pour pérenniser notre réussite ? Comment faire pour que la réussite se transforme en bonheur ?

Notre paracha semble nous promettre la réussite si nous obéissons aux injonctions divines. Qu’est-ce que cela peut bien signifier?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Ekev du sefer Devarim (7:12 à 11:25) nous parles des principes du bien agir et de la recherche du bonheur 

Ekev (עקב), second mot de la paracha, signifie « en raison de » et indique une causalité.

Devarim 7:12 à 7:15. « En raison de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir, l’Éternel, votre Dieu, sera fidèle au pacte de bienveillance qu’il a juré à vos pères… Il t’aimera, te bénira, te multipliera, il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol…dans le pays qu’il a juré à tes pères de te donner. Tu seras béni entre tous les peuples…L’Éternel écartera de toi tout fléau… »

Moïse poursuit ses déclarations aux enfants d’Israël : ceux-ci doivent être totalement et à jamais fidèles à l’alliance contractée avec Dieu. En conséquence de cela, tout se passera bien pour eux et leur avenir sera assuré.

Le fait que tout acte ait des conséquences est une notion capitale. Cette notion est en relation avec l’idée de justice immanente : si nous agissons bien ou mal, nous sommes récompensés ou punis à coup sûr. Elle est également en relation avec le concept du karma, le karma étant constitué à travers l’ensemble de nos actes prêtant à conséquences, actes passés, actuels et futurs.

Sur ce plan, tout n’est pas aussi simple. Parfois, nous nous comportons bien moralement, nous accomplissons de notre mieux certains actes, et les conséquences positives de nos actes ne sont pas au rendez-vous. Pourquoi en est-il ainsi ?

Nous sommes en droit de nous poser cette question. Moïse l’a posée à l’Éternel (Elle est citée dans un midrach du Traité BraHot du talmud) :  » Comment se fait-il que des personnes justes échouent alors que des personnes se comportant mal réussissent ?  » Cette anomalie apparente se retrouve dans le Livre de Job : Job est une personne juste et il lui arrive néanmoins les pires ennuis.

Afin de clarifier ce problème, analysons le principe de récompense du « bien agir ». Raisonnons de façon statistique : les conséquences de nos bonnes actions ne sont pas positives en permanence, dans certains cas elles sont négatives (la justice n’est pas totalement immanente). C’est la tendance moyenne qui est à prendre en considération. Si de façon constante nous agissons bien, la moyenne des conséquences à long terme est nettement positive et le bonheur commence à transparaître. Des fruits commencent à naître de ce que nous avons planté et, en un temps ultérieur, le bonheur durable s’établit.

Le thème de la continuité (fidélité) dans la conduite à tenir, est traité dans la paracha :

Devarim 8:6. « Et tu devras toujours garder les commandements de l’Éternel, ton Dieu, en marchant dans ses voies et en le révérant. »

En pratique, comment assurer cette continuité ?

Devarim 8:18. « C’est de l’Éternel, ton Dieu, que tu dois te souvenir, car c’est lui qui t’aura donné la force d’arriver [dans la continuité] à cette prospérité. »

Pour réussir véritablement, il nous faut respecter en permanence la ligne de conduite dans laquelle nous nous sommes engagés. Malgré tout, des échecs occasionnels surviendront, les aléas de la vie nous feront douter.

Nous ne devons pas tomber dans le piège des succès occasionnels qui nous feront magnifier des qualités superficielles ou factices, ne croire qu’en nous, et nous pousseront à abandonner nos engagements.

(Un exemple très prosaïque : nous commettons un petit vol dans un supermarché sans nous faire arrêter. Nous avons ainsi réussi à gagner quelque chose en nous étant mal conduits. Dans ce cas, allons-nous attribuer cette réussite à notre maigre talent de voleur à la sauvette, ou bien allons nous faire amende honorable et vite revenir sur la ligne du véritable succès ?)

La paracha nous met en garde en évoquant l’idolâtrie :

Devarim 8:19. « Et, si jamais vous oubliez l’Éternel, votre Dieu, si vous vous attachez à des dieux étrangers, que vous les servez et que vous leur rendez hommage, je vous le déclare en ce jour, vous périrez! »

Question cruciale : en pratique, comment rester fidèles à nos engagements à long terme ? Comment surmonter les accidents de parcours ?

Il est nécessaire d’appartenir à un groupe humain soudé pour permettre au long terme d’exister. C’est notre cas : nous ne sommes pas des individus isolés, nous sommes membres d’un peuple dont nous partageons les valeurs fondamentales. De génération en génération, nous restons intégrés à ce peuple.

Si la réalité des événements n’est pas à même de nous montrer que nous sommes sur la bonne voie, la tradition de solidarité et d’entraide  de notre peuple se charge, sur le moment, de nous le montrer à sa place. De la sorte, cela nous aura servi d’être honnête aux yeux de notre peuple.

Que notre recherche éthique nous soit au maximum source de bonheur!