Paracha Pékoudé : à qui appartient le sacré ?

Quel est le sens du sacré ?

En théorie, le sacré s’oppose au profane défini comme étant la réalité ordinaire. L’adjectif « sacré » a été largement vulgarisé mais, dans son sens premier, il qualifie ce qui appartient intimement au domaine religieux, donc ce qui est à l’écart de la réalité ordinaire.

Que représente le sacré dans le Judaïsme ? Citons quelques exemples : des textes religieux tels que la Torah, des lieux de culte tels que le Tabernacle, les Temples de Jérusalem, les Synagogues, un territoire tel que la Terre d’Israël, des objets symboliques tels que la Ménorah, les téfilines…

D’autres questions se posent à propos du sacré dans le Judaïsme. Qui est à l’origine du sacré ? À qui appartient le sacré ? La paracha Pékoudé donne des éléments de réponse à soumettre à notre réflexion.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Pékoudé du sefer Chémot (Éxode) 38:21 à 40:38 et le sens du sacré dans le Judaïsme

Le sacré est-il l’affaire de personnages éminents, dotés d’un savoir particulier, détenant la vérité suprême et devant lesquels il faudrait s’incliner ? Ou bien, la création du sacré, l’expression du sacré sont-elles à la portée de chacun d’entre nous ?

L’Éternel a donné des instructions très précises à Moïse au sujet de la fabrication du premier temple juif, le Tabernacle, et de ses accessoires. Un personnage prend en charge la responsabilité de la construction de ce premier temple. Ce n’est ni Moïse, ni Aaron. C’est un expert en la matière. Il appartient à la Tribu de Juda et se nomme Betsalel.

Nous constatons ici que la création du sacré n’est pas réservée aux interlocuteurs de l’Éternel. Elle est déléguée à un spécialiste de la construction; un homme qualifié mais un homme comme les autres.

Un verset de la paracha est à lire avec attention :

Chémot 38:22. Et Betsalel, fils d’Uri, fils de Hur, de la Tribu de Juda, fit tout ce que l’Éternel avait ordonné à Moïse.

Betsalel ne fait pas ce que Moïse lui dit de faire. Il fait ce que Dieu a demandé de faire à Moïse. Rachi nous invite à bien comprendre cette nuance. Selon le Midrach, Moïse a fait une erreur. Il a demandé à Betsalel de fabriquer les accessoires et ustensiles du Temple (le Tabernacle) et ensuite, de construire le Temple. Betsalel lui a indiqué qu’il serait mieux de faire l’inverse pour des raisons techniques. Moïse aurait pu s’indigner de cette objection. Au contraire, il a approuvé la remarque pleine de bon sens de Betsalel et lui a répondu : « Tu as raison. »

Le Talmud BraHot commente l’incident  en se référant au nom du bâtisseur : « Tu as été appelé Betsalel parce que tu es dans (bé) l’ombre ( tsel) de Dieu (el) et que tu sais par toi-même ce que tu dois faire. »

Dans le Judaïsme, de façon générale, il n’est pas question d’obéir à une exigence avant de s’interroger sur sa justification. Rappelons-nous qu’un des grands principes de la Halakha est la logique.

Betsalel se charge donc de la construction du Temple, secondé par Oholiab de la Tribu de Dan, dont la spécialité est le travail du tissu. Ensuite, le chapitre 39 de la paracha nous décrit la réalisation des habits des maîtres du culte : Aaron, le Grand Prêtre, et ses fils qui devront l’assister.

Deux particularités de l’habit du Grand Prêtre ont beaucoup d’importance :

– La représentativité de l’ensemble du peuple d’Israël est symbolisée au niveau des épaulières et du pectoral. Deux pierres de choham (Agate ou Onyx), sur lesquelles sont gravées les noms des douze Tribus d’Israël, sont implantées sur les épaulières. Sur le pectoral, sont enchâssées douze pierres précieuses représentant chacune l’une de ces Tribus.

– Sur la coiffe du Grand Prêtre est fixé un fronteau d’or portant la mention « Consacré à l’Éternel » (Kadoch la Adonaï / קֹדֶשׁ לַיהוָה).

Chémot 39:30 à 39:31. Finalement on fit la plaque sacrée en or pur, et l’on y traça cette inscription gravée comme sur un sceau: « Consacré à l’Éternel »…On y fixa un cordonnet bleu pour la mettre tout en haut de la coiffe, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.

Les téfilines que l’on met le matin, et qui renferment des textes sacrés, ont pour origine ce fronteau d’or. Elles sont citées par le Chéma Israël dont une des sources est le Deutéronome (Devarim).

Devarim 11:18. « Et vous devrez mettre mes paroles sur votre cœur et dans vos pensées. Attachez-les sur votre bras comme un symbole et portez-les en fronteau entre vos yeux. »

Le mot « tsits » (צִיץ), du verset 39:30 de la paracha, nous fait penser à « tsitsit » (צִיצִת), les franges, terme cité dans le livre des Nombres (Bamidbar) et repris également par le Chéma Israël.

Bamidbar 15:38 à 15:39. « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur qu’ils devront se faire des franges [tsitsit] aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur…Cela formera pour vous des franges dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Éternel… »

Les dignitaires de la Perse antique portaient des vêtements ornés de franges, et le nombre de franges croissait selon leur niveau de respectabilité et de notoriété. Les hébreux ont peut-être été influencés par cette coutume qui en tout cas apporte un éclairage intéressant. En portant tous des vêtements à 4 franges, nous proclamons notre égalité.

Aujourd’hui comme hier, le port du talit à quatre coins, orné de franges symbolisant les commandements, traduit notre sens du respect, de la dignité et de l’engagement.

Les livres de la Torah nous décrivent sans mystère, et avec précision, comment le sacré a été créé et ce qu’il signifie. Est-ce pour nous indiquer que la création du sacré n’est pas achevée et que chacun a toujours sa place, en fonction de son savoir-faire, dans la progression du Judaïsme ?

La lecture de la Torah nous apprend que le sacré peut être créé directement ou indirectement par chacun d’entre nous, dans la solidarité. Elle nous fait comprendre aussi, que nous sommes tous responsables de sa sauvegarde et de son expression.

Par ailleurs, les rabbins nous montrent que le savoir appartient à tous, que l’approche du sacré est permise à toute personne sincère; en particulier quand ils nous désignent avec précision, lors de certains offices, les versets de la Torah en cours de lecture.

Comment conclure ? Peut-être en écrivant que le sacré appartient à toutes les personnes qui le comprennent, le le respectent, et participent à son renouvellement permanent.

Paracha Tétsavé : l’habit fait-il le moine ?

Le Tabernacle des hébreux est édifié dans le désert du Sinaï. Le culte religieux juif, dicté par l’Éternel à Moïse, prend naissance.

Aaron אַהֲרֹן)), frère de Moïse de la Tribu de Lévi, devient le premier Grand Prêtre, le premier « Cohen Gadol », du Judaïsme.

Chémot 28:1. « Quant à toi, fais venir à toi Aaron ton frère, avec ses fils, du milieu des enfants d’Israël, pour exercer la fonction de prêtre en mon honneur: Aaron, avec Nadab, Abihou, Éléazar et Ithamar, ses fils. »

Aaron, le Grand Prêtre, officiera assisté par ses fils. Comment devront-ils pratiquer et quels habits sacerdotaux revêtiront-ils ?

Réfléchissons à l’importance de leur tenue vestimentaire dans le cadre de leur mission.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Tétsavé du sefer Chémot (Éxode) 27:20 à 30:10 et l’importance de l’apparence

En matière de communication, la forme a beaucoup plus d’incidence que le fond (95% contre 5%), selon certains spécialistes. La façon de s’exprimer fait partie de la forme, de même que la façon de se montrer, et en particulier de se vêtir. On pourrait s’inquiéter de cette grande part liée à la « forme », mais il est sans doute préférable de simplement en prendre acte pour mieux comprendre le sens du monde qui nous entoure.

La paracha Tétsavé nous décrit en détail l’habit que les Grands Prêtres et prêtres d’Israël, les Cohanim issus de la Tribu de Lévi, devaient porter.

Chémot 28:2. « Et tu feras confectionner pour Aaron, ton frère, des vêtements sacrés, insignes de gloire et de majesté. »

Suffit-il de porter une tenue exprimant la dignité, la gloire et la majesté pour être un bon Cohen ? L’habit fait-il le moine ?

Cette expression peut prêter à sourire, car dans la tradition juive, le moine (le nazir), qui fait vœu de privation pour atteindre la pureté, n’est pas un personnage particulièrement vanté. En fait, nous parlons ici des prêtres (les Cohanim) et non des moines. Les prêtres ont à servir Dieu avec dignité et majesté. Leurs tâches sont du domaine de la célébration, de la pratique de l’offrande, de l’éducation du peuple. Ils sont au service du Temple quel qu’en soit la forme. Les Cohanim sont l’incarnation du lien entre le peuple et Dieu.

Les lettres du nom « Cohen » peuvent former les termes « ken », signifiant « oui » et « he », évoquant la permanence de Dieu dans le temps.

Parlons maintenant de l’habit du Grand Prêtre en nous référant au texte de la paracha.

Chémot 28:4 à 28:39. « Voici les vêtements qu’ils feront: un pectoral, un éphod, une robe, une tunique à mailles, une tiare et une écharpe…Ils feront l’éphod d’or, de fil bleu, de laine teinte en pourpre et écarlate et de lin…Et deux épaulières d’attache…Tu prendras deux pierres de choham sur lesquelles tu graveras les noms des fils d’Israël…six noms sur une pierre et six autres noms sur l’autre pierre, selon leur ordre de naissance…Tu adapteras ces deux pierres aux épaulières de l’éphod…Tu feras le pectoral du jugement…que tu composeras à la façon de l’éphod…Tu le garniras de pierres précieuses..Ces pierres porteront les noms des douze fils d’Israël…Et Aaron portera ainsi sur son cœur, lorsqu’il entrera dans le sanctuaire, les noms des tribus d’Israël…Tu ajouteras les ourim et les toummim…Aaron portera ainsi le destin des enfants d’Israël sur sa poitrine, devant l’Éternel…Tu feras la robe de l’éphod, uniquement de fil bleu…Tu adapteras au bord de la robe des grenades d’azur, de pourpre et d’écarlate et des clochettes d’or entremêlées…Aaron la portera lorsqu’il officiera, pour que le son s’entende quand il entrera dans le Sanctuaire, devant l’Éternel, et quand il en sortira…Tu feras une plaque d’or pur, sur laquelle tu graveras, comme sur un sceau: « Consacré a l’Éternel »…Tu la fixeras sur le devant de la tiare…Elle sera sur le front d’Aaron qui se chargera ainsi des péchés…des enfants d’Israël…Tu feras la tunique à mailles en lin, ainsi que la tiare, et l’écharpe tu l’exécuteras en broderie. »

Apportons quelques précisions. L’éphod est un tablier richement brodé. Les ourim et les toummim sont des objets cultuels ayant trait à la révélation prophétique de la vérité.

Les épaulières et le pectoral sur lesquels les noms des 12 tribus sont gravés,  nous montrent que le Grand Prêtre porte le poids de l’unité du peuple d’Israël directement sur sa personne. Cela nous fait penser à la tunique bariolée que portait Joseph, le  fils de Jacob, qui symbolisait, elle aussi, l’unité des douze fils d’Israël.

Le fronteau, fait d’une plaque d’or sur laquelle est gravé « Consacré à l’Éternel », est destiné à rappeler au Grand Prêtre, en permanence, la dimension de sa charge et de sa responsabilité.

Qu’en est-il de l’habit des simples prêtres ? À nouveau référons-nous à la paracha Tétsavé.

Chémot 28:40 à 28:42. « Et pour les fils d’Aaron également tu feras des tuniques et aussi des écharpes, puis tu leur feras des coiffures, signes d’honneur et de dignité…Fais-leur aussi des caleçons de lin pour couvrir la nudité de la chair, depuis les reins jusqu’aux cuisses. »

Leur tenue vestimentaire est quand même plus simple que celle du Grand Prêtre.

Interprétons et actualisons ce que nous venons d’apprendre :

Suffit-il de bien habiller les Cohanim pour qu’ils soient à la hauteur de leur mission et de leurs responsabilités ? Ce n’est bien-sûr pas suffisant. Les Cohanim doivent être parfaitement conscients de la difficulté de leur mission et de leur responsabilité envers ceux qui leur font totalement confiance et qui les considèrent comme le lien avec l’Éternel.

Cependant, de façon générale, l’apparence d’un personnage chargé d’importantes responsabilités est absolument à prendre en considération; l’apparence étant l’habit, l’attitude et le comportement dans l’exercice de la fonction.

L’apparence influe sur le personnage lui-même, au niveau de sa personnalité, de son sens des valeurs, de sa conscience et, en conséquence, au niveau de ses actes. Sans parler du pouvoir de l’apparence sur ceux auxquels le personnage s’adresse. Depuis longtemps les militaires, le clergé catholique, les légistes, les commerciaux soutiennent cette thèse.

L’habit des Cohanim ne suffit donc pas à faire d’excellents Cohanim, mais il est l’un de leurs facteurs de réussite.

Revenons au thème précis de la paracha. Le fronteau en or est à mettre en relation avec les téfilines que nous portons aujourd’hui. Question à se poser : le talit a-t-il une correspondance précise avec un des vêtements du Grand Prêtre ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que les franges (tsitsit)  du talit symbolisent l’ensemble des commandements de la Torah.

Au tout début de la paracha, il est demandé d’entretenir en permanence la flamme d’un luminaire dans le Sanctuaire. Il est fait de même, actuellement, dans les Synagogues.

Chémot 27:20 à 27:21. « Quant à toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël qu’ils te procurent une huile pure d’olives concassées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence…C’est dans la Tente de réunion, en dehors du rideau qui abrite le Témoignage [les Tables de la Loi], qu’Aaron et ses fils le disposeront, pour brûler du soir au matin… »

L’habit des prêtres Juifs d’autrefois était destiné à symboliser à la fois leur identité et la dignité, le sacré, la solennité, la bienveillance. Les Rabbins d’aujourd’hui s’appliquent, avec beaucoup moins de faste, à en faire tout autant en prenant en considération leur apparence, donc leur façon de se vêtir. L’habit ne fait pas le moine mais fait quand même, un tout petit peu, le Rabbin.

Paracha Vaéra : Dieu est-il Dieu ?

L’être humain est doté d’un cerveau particulièrement développé. Nous appartenons sûrement à l’espèce animale la plus intelligente de la planète Terre. Notre pouvoir sur les éléments matériels progresse de plus en plus. Mais se pose une question cruciale : où se situent les limites de nos capacités intellectuelles ?

Nous comprenons aisément diverses choses, alors que la compréhension d’autres sujets nous demande un parcours de formation préalable, souvent difficile. Cependant, l’entendement de certaines questions nous dépasse totalement. Quel que soit notre degré d’intelligence et de connaissance, des notions telles que l’infini, l’éternité, la connaissance de ce que sera l’avenir, sont au-delà de notre portée.

Des questions qui semblaient invraisemblables, inexplicables ou surnaturelles il y a quelques siècles, paraissent banales aujourd’hui. En est-il de même pour tout ? Sûrement pas ! L’inconcevable existera toujours. Comment pourrait-on affirmer le contraire ?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vaéra du sefer Chémot (Éxode) 6:2 à 9:35 et Moïse devenu ‘Dieu’

Dans la paracha Vaéra, Dieu se révèle à Moïse et lui demande d’intervenir, en son nom, pour délivrer les enfants d’Israël d’Égypte.

Dieu représente l’inconcevable qui nous échappera toujours. Il est l’entité transcendante de l’humanité.

Le terme « Dieu » dérive de « Zeus ». La croyance en Dieu est primordiale pour les chrétiens, les musulmans et pour d’autres. Dans la religion juive, elle n’est pas aussi centrale. Pour nous, Dieu est difficile à définir, à cerner et impossible à décrire. Heureusement, notre croyance est conciliante.

La première lettre de la Torah est « beit » בְּ), la lettre de la dualité, du dialogue, de la recherche. Ce n’est pas « aleph » (א) qui est la première lettre de l’alphabet hébraïque et qui signifie unité, totalité. Le terme « totalité » est à relier au principe d’une vérité unique, à laquelle les autres vérités doivent se soumettre. Ce qui n’est pas du tout le cas de la foi juive. Nous sommes conscients des limites de notre possibilité d’appréhender la vérité. Nous ne détenons pas tout le savoir, et encore moins l’entièreté de la parole divine.

Le nom commun de Dieu est « el » (אֱלֹ) en hébreu. Ce mot désigne la direction à prendre et laisse les portes ouvertes. Un des noms propres de Dieu en est dérivé : « Élohim » (אֱלֹהִים). Élohim, c’est « el » accompagné d’un pluriel. Ceci paraît paradoxal au regard du monothéisme juif. Le pluriel de Élohim pourrait-être un lointain souvenir du paganisme ou du polythéisme de nos ancêtres antérieurs à Abraham, ou bien une marque de respect envers Dieu. Le Midrach nous dit qu’il s’agirait plutôt de l’expression de la pluralité de nos perceptions du divin.

Un autre terme est utilisé couramment pour nommer Dieu, le terme « Adonaï ». Adonaï se rapporte à l’idée de « raHamim » (רחמים), la bienveillance, alors que Élohim se rapporte plutôt à la notion de justice. Adonaï s’écrit au moyen du Tétragramme (יְהוָה) qui, comme son nom l’indique, est composé de quatre lettres. Le Tétragramme se nomme aussi « Chèm haméfourach » (שם המפורש), le « Nom Explicite »; un nom très peu explicite, en fait, puisqu’il n’est prononcé par personne aujourd’hui. Les chrétiens nomment souvent le Tétragramme, « Jéhovah ». Les juifs croyants n’utilisent jamais ce nom. Ils se contentent simplement de regarder le Tétragramme sans le nommer, ou bien, ils disent « Adonaï » pour le désigner.

Le Tétragramme est composé de quatre lettres que l’on retrouve dans le verbe « être » à tous les temps : hayah était (היה) , hoveh est (הוֹוֶה) , yihyeh sera (יִהְיֶה). Ici, se perçoivent la permanence, l’éternité et le principe  de transcendance.

Remontons le temps. À l’époque du premier et du second Temple de Jérusalem, le Tétragramme n’était explicité que par une seule personne, le Grand Prêtre. Il en était ainsi un seul jour dans l’année, le jour de Yom Kipour, au cœur du Temple, dans le Saint des Saints (קֹדֶשׁ הַקֳּדָשִׁים‎).

De ce qui précède, nous entrevoyons l’approche juive du divin.

Replongeons-nous dans la paracha Vaéra :

Chémot 6:2 à 6:5. Dieu continua à parler à Moïse et dit: « Je suis l’Éternel ( יהוה )…Je suis apparu à Abraham, à Isaac, à Jacob, comme Dieu puissant et généreux. ( אֵל שַׁדָּי   ) Mais ce n’est pas en mon Nom « Eternel » יהוה   que je me suis manifesté à eux… De plus, j’avais établi mon alliance avec eux en leur faisant don du pays de Canaan, la terre de leurs pérégrinations où ils vécurent étrangers…Enfin, j’ai entendu les gémissements des enfants d’Israël, asservis par les Égyptiens, et je me suis souvenu de mon alliance.

Dans ce texte, divers termes tels que Élohim, Chaday (שַׁדָּי), Adonaï, sont employés selon les versets. L’Éternel se présente d’abord à Moïse sous le nom du tétragramme, symbole de la bienveillance. Auparavant, il s’était révélé aux Patriarches sous le nom de Chaday, Dieu de la générosité. C’est Adonaï, Dieu tout-puissant, dont la parole ne peut être mise en doute, qui s’exprime pour annoncer qu’il ira au secours des enfants d’Israël, par l’intermédiaire de Moïse.

Un verset du chapitre 7 nous interpelle :

Chémot 7:1. Alors l’Éternel dit à Moïse : « Maintenant, je fais de toi un dieu [Élohim אֱלֹהִים] à l’égard de Pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète. »

Ce verset prête à confusion. Élohim (Dieu) est unique. Nous savons que le mot élohim signifie aussi responsables, chefs, forces. Mais ici, Dieu utilise des êtres humains, Moïse et Aaron, pour remplir une fonction divine, et ceci est typique de la pensée juive: c’est aux humains d’exercer la solidarité et la bienveillance. Mais n’est-il pas blasphématoire d’affirmer que l’homme est « comme un dieu »?

Nous avons l’impression d’être revenus au chapitre 3 de la Genèse, quand le serpent dit à Ève : le jour où vous mangerez ce fruit, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, vous connaîtrez le bien et le mal. Être comme Dieu signifie-t-il, simplement, avoir la connaissance du bien et du mal et y avoir accès ? Soyons quand même perplexes ! « Vous serez comme Dieu » est justement le titre d’un ouvrage rédigé par Erich Fromm en 1975, dont la lecture nous permettra d’y voir plus clair.

Récapitulons. Dieu, tel qu’il est présenté dans la paracha Vaéra, est bien le Dieu mentionné dans le livre des Nombres (Bamidbar) et dans le Chéma Israël. Dieu, pour les juifs, est l’ensemble unique de ce qui transcende l’être humain, tout en l’obligeant à progresser, à toujours tenter de faire bien et mieux, à se dépasser.

Dieu est au-delà de la perception de l’être humain, qui ne doit l’invoquer en aucune façon, surtout pas dans le but de satisfaire des désirs terrestres.

Avant de se dire croyant, ou athée, il est nécessaire de se poser la question suivante : qui est Dieu ? Question sans réponse facile, à se poser sans se décourager.