Paracha Vayétsé : comment trouver un sens à sa vie ?

Comment trouver un sens à sa vie ? Cette question est probablement inhérente à l’être humain.

L’expression « sens de la vie » désigne l’interrogation sur l’origine, la nature et la finalité de l’existence. Le troisième point en est l’élément majeur. De nombreux courants intellectuels, philosophiques, religieux, et même scientifiques, se sont emparés du sujet pour le traiter chacun à leur manière.

Le professeur Jean Grondin (1955-), spécialiste du domaine de la pensée, en parle comme du socle de la philosophie.

Jacob, fils d’Isaac, s’est posé cette question dans une situation critique d’isolement moral, spirituel et physique. La paracha Vayétsé aborde sa quête de sens par la parabole de « l’échelle de Jacob ».

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayétsé du sefer Béréchit (Genèse) 28:10 à 32:3 et l’échelle de Jacob

Dans son milieu familier, Jacob est un homme simple, se contentant de peu, ayant une vision idéaliste du monde et prenant plaisir à rester paisiblement proche des siens. Les relations avec son frère Ésaü sont conflictuelles. À un moment donné, Ésaü prend la décision de le tuer. Alerté par sa mère, Rébecca, et suivant ses vifs conseils, Jacob décide de quitter le foyer.

De la sorte, Jacob voit son univers familier s’écrouler. Il doit partir vivre loin. Sa mère, Rébecca, ne sera plus là pour le protéger. Le sens de sa vie est totalement bouleversé. Jacob quitte Béer-Shéva pour Haran. Il marche et se retrouve dans le désert. Le soir venu, il s’arrête pour dormir à même le sol.

Béréchit 28:10 à 28:11. Jacob sortit de Béer-Shéva et alla vers Haran…Par la suite, il arriva dans un endroit où il se posa pour passer la nuit car le soleil s’était couché. Il prit une des pierres de l’endroit, la mit en support de sa tête, et se coucha en ce lieu.

[A noter, dans le texte hébreu, une succession de lettres « vav » (ו) signifiant « et » en français. Ce qui traduit un enchaînement hâtif d’actions. Vayétsé (וַיֵּצֵא) = il sortit, vayéleH (וַיֵּלֶךְ) = il alla, vayalen (וַיָּלֶן) = il se posa, vayikaH (וַיִּקַּח) = il prit…etc.]

Donc Jacob fait une pause, s’allonge, s’endort et rêve :

Béréchit 28:12 à 28:13. Alors il fit ce rêve: une échelle se trouvait placée sur la terre, son sommet atteignait les cieux, et des anges, messagers de Dieu, montaient et descendaient le long de cette échelle…Et voici que l’Éternel apparut au-dessus d’elle et dit: « Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham ton père et d’Isaac; cette terre sur laquelle tu es couché, je vais te la donner à toi et à ta postérité. »

Cette échelle ancrée en terre et allant jusqu’aux cieux est l’image de notre capacité à nous élever, étape après étape. En d’autres termes, elle est l’image de la progression de notre conscience, du plus bas au plus haut et du plus près au plus loin.

« L’échelle de Jacob » représente un développement et une montée spirituelle par échelons. Ainsi, une prière s’élève de la terre vers le ciel, sachant que le but à atteindre est Dieu qui se tient au-dessus de l’échelle.

La pause nocturne de Jacob dans son parcours, est considéré comme l’événement fondateur de la prière du soir, la prière d’Arvit.

Par ailleurs, cette échelle inspire le fond et la forme des offices. Prenons l’exemple de celui du matin. Ce sont d’abord les bénédictions, actes de reconnaissance les plus concrets, puis les pesouké dé-zimra (versets du chant) qui sont une reprise de contact avec le monde extérieur, puis le Chema Israël qui nous rappelle notre rôle dans le monde, et ensuite la Amida, la prière la plus proche des cieux, par laquelle le sens de notre vie est abordé.

Le jour venu, Jacob se réveille en ayant encore son rêve en tête. Il est alors saisi de stupeur, d’effroi, et prend conscience de l’objet de son rêve et de la sacralité du lieu. Il demande la protection divine et demande à Dieu de s’inscrire dans l’alliance. Jacob apprivoise une nouvelle façon de donner un sens à sa vie, qui continuera d’évoluer lors des prochaines étapes.

Béréchit 28: 16 à 28: 17. Jacob se réveilla et s’écria: « en vérité, l’Éternel est en ce lieu et moi je l’ignorais »…Et, saisi de crainte, il ajouta: « Que ce lieu est redoutable! Ce n’est rien d’autre que la maison de Dieu et c’est ici la porte des cieux. »

Cela nous fait penser à l’une des bénédictions du matin.  Nous louons l’Éternel car : « il réveille ceux qui sont somnolents ».

Le rêve de Jacob est révélateur de l’importance de l’interprétation des événements, quelquefois mineurs comme de simples rêves, sur le sens de notre vie. Citons le Talmud BraHot, p.45. Rabbi Ben Aha déclare qu’il a fait un rêve et qu’il a consulté 24 interprétes de rêves à Jérusalem. D’après le Talmud, ces derniers lui ont donné 24 interprétations différentes de son rêve qui se sont toutes réalisées. Rabbi Ben Aha en a tiré cette formule proverbiale : « tous les rêves suivent la bouche », c’est à dire qu’ils suivent l’interprétation qu’on leur donne.

Faire une longue pause pour réfléchir au sens de notre vie

L’exemple de Jacob est-il à suivre totalement ? Devons-nous nécessairement changer le cadre de notre existence pour nous interroger sur le sens de notre vie, pour le faire évoluer, ou tout simplement pour le découvrir ? Ce n’est pas certain.

Retenons d’abord que Jacob a découvert le véritable sens de sa vie en interrompant ses activités, en faisant une longue pause. La démarche de Jacob a été involontaire. Elle a abouti au travers d’un rêve nocturne, mais elle a quand même abouti. Trouver le sens de sa vie, c’est d’abord s’interroger à ce sujet et prendre le temps de réfléchir.

Revenons au point de départ. Que signifie vraiment « le sens d’une vie » ? Le sens de notre vie nous est-il imposé, ou est-ce à nous de le concevoir ? Quelle sont nos parts de liberté et de soumission dans la nature du sens de notre vie ? Vaste question psychique.

Les thèses les plus récentes sont orientées vers la prise de responsabilité du sens de la vie. Référons-nous au professeur de neurologie et de psychiatrie Victor Frankl (1905 – 1997), créateur de la logothérapie.

Victor Frankl, rescapé de la shoah, a constaté avec étonnement, lors de son internement à Auschwitz, que les plus robustes, ceux qui étaient le plus dans l’action, étaient les premiers à mourir, tandis que ceux qui paraissaient les plus faibles résistaient beaucoup plus longtemps. Face à l’insensé, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui laissait une grande place à l’espoir et au sens.

Ce constat a été le point de départ de l’élaboration de la logothérapie. Celle-ci postule que tout être humain est doté d’une motivation primaire, l’orientant d’instinct vers le sens de sa vie. Comme pour d’autres thérapies centrées sur la personne, c’est au patient/client de découvrir le sens de sa vie. Le thérapeute soutient ce processus en lui proposant différents outils.

Que penserait Jacob, aujourd’hui, de la logothérapie ? Nous-même, aujourd’hui, comme Jacob hier, utilisons les événements de nos vies et les outils d’analyse qui sont à notre disposition pour chercher toujours mieux le sens de notre existence.

Kohélèt, l’épicurien désenchanté

Le livre de l’Ecclésiaste: approche pédagogique du doute existentiel! – Bible et Pédagogie 2, c’est déjà dimanche prochain, à Gambetta/Surmelin. Pour les parents et tous ceux qui aiment la pédagogie.

Il n’y a pas d’âge pour se poser des questions sur la vie et la mort. Les grands cauchemars de nos tout-petits, les réactions de nos ados, et nos propres sentiments nous le prouvent au quotidien.

On pourrait s’imaginer qu’il faut être toujours optimiste. Si tel était le cas, que fait Kohélet, l’Ecclésiaste, dans la Bible ? Lui qui représente la sagesse, lui, le Roi Salomon, se permet de mettre en doute le fait que le bon comportement soit bénéfique. L’histoire n’est pas facile à raconter, et il faudra faire des efforts de « traduction » pour les plus jeunes, mais le jeu en vaut la chandelle.

Et nous, nous permettons-nous de verser dans le doute ? Lorsque nous voyons les difficultés du monde, quelles sont nos réactions ? Kohélèt constate la fragilité de la vie humaine, quelle conclusion en tire-t-il ? Est-ce que nous le suivons dans son chemin ? Sa sagesse est-elle également pour nous un point de « rassemblement », de Kéhila, de communauté ?

(Attention, le texte suivant est repris de la traduction en français par le rabbinat. Le texte biblique ne doit pas être statique et les traductions ont tendance à appauvrir. Nous vous invitons à participer à l’étude juive dans le respect de sa nature : en face à face, en Hévrouta, avec la compagnie d’un maître.  Merci.)

Pour étudier avec nous à Ganénou-Nation ce dimanche de 10h (accueil à 9h30) à 11h15, contactez Raffaela ou répondez à cet article en commentaire.

I -1 Paroles de Kohélet, fils de David, roi à Jérusalem. 2 Vanité des vanités, a dit Kohélet, vanité des vanités; tout est vanité! 3 Quel profit tire l’homme de tout le mal qu’il se donne sous le soleil? 4 Une génération s’en va, une autre génération lui succède, et la terre subsiste perpétuellement. 5 Le soleil se lève, le soleil se couche: il se hâte vers son point de départ, où il se lèvera encore, 6 pour s’avancer vers le sud et décrire sa courbe vers le nord; le vent progresse en évoluant toujours et repasse par les mêmes circuits. 7 Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’en est pas remplie; vers l’endroit qui est assigné aux fleuves, ils dirigent invariablement leur cours. 8 Toutes choses sont toujours en mouvement; personne n’est capable d’en rendre compte. L’œil n’en a jamais assez de voir, ni l’oreille ne se lasse d’entendre. 9 Ce qui a été c’est ce qui sera; ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera: il n’y a rien de nouveau sous le soleil! 10 Il est telle chose dont on dirait volontiers: « Voyez, ceci est nouveau » Eh bien! Cette chose a déjà existé dans les temps qui nous ont précédés. 11 Nul souvenir ne subsiste des anciens, de même de leurs plus récents successeurs il ne demeurera aucun souvenir chez ceux qui viendront plus tard. 12 Moi, Kohélet, je suis devenu roi d’Israël, à Jérusalem. 13 Et j’ai pris à cœur d’étudier, d’examiner avec sagacité tout ce qui se passe sous le soleil: c’est une triste besogne que Dieu a offerte aux fils d’Adam pour s’en tracasser. 14 J’ai donc observé toutes les œuvres qui s’accomplissent sous le soleil: eh bien! Tout est vanité et pâture de vent. 15 Ce qui est tordu ne peut être redressé, et ce qui manque ne peut entrer en compte. 16 Je me suis dit en moi-même: « Voilà que j’ai, moi, accumulé et amassé plus de sagesse que tous ceux qui m’ont précédé à Jérusalem; mon cœur a acquis un grand fonds de discernement et d’expérience. » 17 J’avais en effet appliqué mon attention à connaître la sagesse et à discerner la folie et la sottise, et je me suis aperçu que cela aussi était pâture de vent; 18 car, abondance de sagesse, abondance de chagrin, et accroître sa science, c’est accroître sa peine.

II-1 Je me suis dit à moi-même: « Allons! Je veux te faire faire l’expérience de la joie, te donner du bon temps. » Eh bien! Cela aussi est vanité! 2 A la gaîté j’ai dit: « Tu es folie! Et à la joie: « A quoi sers-tu? » 3 Je résolus, à part moi, de prodiguer à mon corps les plaisirs du vin et, tout en restant attaché de cœur à la sagesse, de faire une place à la folie, de façon à voir quel est le meilleur parti que puissent suivre les fils d’Adam sous le ciel, au cours de leur existence. 4 J’entrepris de grandes choses: je me bâtis des palais, je me plantai des vignes. 5 Je me fis des jardins et des parcs, et j’y plantai toutes sortes d’arbres fruitiers. 6 Je me construisis des réservoirs d’eau, pour arroser des forêts riches en arbres. 7 J’acquis des esclaves et des servantes, j’eus un nombreux personnel domestique; mes troupeaux de bœufs et de brebis dépassaient de loin ceux de tous mes prédécesseurs à Jérusalem. 8 Je m’amassai aussi de l’argent et de l’or, les trésors précieux des rois et des provinces; je me procurai des chanteurs et des chanteuses, ce qui fait les délices des fils d’Adam, de nombreuses odalisques. 9 Je surpassai ainsi en faste et en richesse tous ceux qui m’avaient précédé à Jérusalem; en même temps ma sagesse me restait comme appui. 10 Rien de ce que mes yeux pouvaient désirer ne leur était refusé par moi; je n’interdis aucun plaisir à mon cœur. Mon cœur, en effet, n’eut qu’à s’applaudir des soins que je prenais, et telle fut la récompense de toutes mes peines. 11 Mais quand je me mis à considérer toutes les œuvres accomplies par mes mains et tous les tracas que je m’étais imposés, je constatai que tout était vanité et pâture de vent, et qu’il n’est point d’avantage durable sous le soleil. 12 Puis, je me mis à passer en revue sagesse, folie et sottise: « Car, me disais-je, que [pourra faire] l’homme qui viendra après le roi? Celui-ci aura déjà tout fait. » 13 Je m’aperçus que la sagesse est supérieure à la folie autant que la lumière est supérieure aux ténèbres: 14 Le sage a ses yeux dans la tête, et le sot chemine dans les ténèbres. Mais je reconnus aussi qu’un même sort est réservé à l’un et à l’autre. 15 Alors je dis en mon cœur: « Le sort du fou est le même qui m’attend, moi; dès lors, à quoi bon avoir acquis tant de sagesse? » Et je m’avouai à moi-même que cela encore est vanité. 16 En effet, le souvenir du sage n’est pas plus durable que celui du fou; car viennent les temps futurs, tout tombera dans l’oubli! Et comment se fait-il que le sage meure à l’égal du fou? 17 Aussi ai-je pris la vie en haine, car je regardai comme mauvais tout ce qui se passe sous le soleil, tout n’étant que vanité et pâture de vent. 18 Je finis aussi par détester tout le labeur auquel je m’étais adonné sous le soleil, et dont je dois laisser les fruits à quelqu’un qui me succédera. 19 Or, qui sait s’il sera sage ou sot? Et pourtant il sera maître de tout ce que j’aurai acquis sous le soleil par mon travail et mon ingéniosité. Cela aussi est vanité. 20 Je me laissai donc aller à prendre en aversion tout le labeur pour lequel j’avais peiné sous le soleil. 21 Car voilà un homme qui a travaillé avec sagesse, réflexion et succès, et il doit tout laisser en propriété à quelqu’un qui ne s’est donné aucun mal! Cela aussi est vanité et souverainement mauvais. 22 Qu’est-ce qui revient donc à l’homme de tout son labeur et de toutes les combinaisons de son esprit, pour lesquelles il se tracasse sous le soleil? 23 En effet, tous ses jours sont pénibles, son activité est une source de chagrin; même la nuit son cœur n’a point de repos. Cela encore est vanité. 24 Ne vaut-il pas mieux pour l’homme de manger, de boire et de se donner du plaisir pour prix de son labeur? Cela aussi, je l’ai constaté, émane de Dieu. 25 Car qui peut manger et jouir en dehors de sa volonté? 26 C’est à l’homme qui lui plait qu’il donne sagesse, intelligence et joie; tandis qu’au pécheur il impose la corvée de recueillir et d’entasser [des biens], qu’il fait passer ensuite à celui qui jouit de la faveur divine. Cela est également vanité et pâture de vent.

IX – 1 Tout cela, je l’ai noté dans mon esprit et cherché à le tirer au clair: les justes, les sages et ce qu’ils font sont dans la main de Dieu; les hommes ne se rendent compte ni de l’amour ni de la haine; tout leur échappe. 2 Tous sont soumis à des accidents pareils; un même sort attend le juste et le méchant, l’homme bon et pur et l’impur, celui qui sacrifie et celui qui ne sacrifie point; l’homme de bien est comme le pécheur, celui qui prête des serments comme celui qui craint de jurer. 3 C’est là le défaut de tout ce qui s’accomplit sous le soleil, qu’une même destinée y soit réservée à tous; aussi le cœur des hommes déborde-t-il de méchanceté, la folie emplit leur âme leur vie durant; après cela… [en route] vers les morts! 4 Or, qui demeure dans la société des vivants peut avoir quelque espoir, car un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. 5 Les vivants savent du moins qu’ils mourront, tandis que les morts ne savent quoi que ce soit; pour eux plus de récompense, car leur souvenir même s’efface, 6 leur amour, leur haine, leur jalousie, tout s’est évanoui ils n’ont plus désormais aucune part à ce qui se passe sous le soleil. 7 Va donc, mange ton pain allègrement et bois ton vin d’un cœur joyeux; car dès longtemps Dieu a pris plaisir à tes œuvres. 8 Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et que l’huile ne cesse de parfumer ta tête. 9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de l’existence éphémère qu’on t’accorde sous le soleil, oui, de ton existence fugitive car c’est là ta meilleure part dans la vie et dans le labeur que tu t’imposes sous le soleil. 10 Tout ce que tes propres moyens permettent à ta main de faire, fais-le; car il n’y aura ni activité, ni projet, ni science, ni sagesse dans le Cheol, vers lequel tu te diriges. 11 J’ai encore observé sous le soleil que le prix de la course n’est pas assuré aux plus légers, ni la victoire dans les combats aux plus forts, ni le pain aux gens intelligents, ni la richesse aux sages, ni la faveur à ceux qui savent; car mêmes destinées et mêmes accidents sont le lot de tous.

(texte tiré de http://sefarim.fr/)

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