Paracha Vayéra : es-tu le gardien de ta femme ?

Les personnes vivant en couple sont liées par une communauté de destin; ce qui implique un engagement consenti d’entraide et de solidarité entre elles.

Cet engagement ne doit pas se faire au détriment de la liberté individuelle compatible avec la vie de couple. D’autre part, il ne doit pas se pratiquer dans l’hypocrisie. L’entraide est une forme de générosité désintéressée qui respecte l’épanouissement des membres du couple.

La paracha Vayéra aborde le principe d’entraide et de solidarité dans le couple en nous dévoilant certains points des relations qu’entretiennent Abraham et Sarah. Les époux, comme les frères et sœurs, sont un peu responsables les uns des autres. Nous disons « tout Israël est garant l’un de l’autre ». Caïn a nié cette solidarité en tuant son frère, et en interpelant « Dieu »: « Suis-je la gardien de mon frère? ». Qu’en est-il dans notre paracha?  Abraham a-t-il été le gardien de sa femme, Sarah ?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayéra du sefer Béréchit (Genèse) 18:1 à 22:24 et le couple Abraham-Sarah

Le couple Abraham-Sarah (qui, en début de paracha précédente, se nommait Abram-Saraï) doit retenir toute notre attention. Ce couple, par ses relations insolites, est un sujet de réflexion important sur la vie à deux.

Deux éléments de la vie de couple d’Abraham et de Sarah sont à relever.

~Premier élément : Abraham demande à Sarah de le protéger dans les situations périlleuses, pour cela, il faut qu’elle se présente comme sa sœur et non comme son épouse (ce qui est en partie vrai : Abraham et Sarah sont de même père, mais de mères différentes. Béréchit chap 20, verset 12).

Ce fut une première fois en Égypte (Paracha LèH LéHa), quand Abram prit conscience que Saraï était belle et attirante, et qu’il risquait d’être tué lors d’un éventuel rapt de Saraï.

Béréchit 12:11 à 12:13. Quand il fut sur le point d’arriver en Égypte, il dit à Saraï son épouse: « Certes, je sais que tu es une femme belle d’apparence…Il arrivera que lorsque les Égyptiens te verront, ils diront ‘c’est sa femme’, et ils me tueront, et ils te conserveront en vie…Dis, je te prie, que tu es ma sœur; et cela ira bien pour moi à cause de toi, car j’aurai grâce à toi la vie sauve. »

Ceci ce reproduit dans la paracha Vayéra avec AbiméleH, roi philistin de Guérar où Abraham souhaite résider.

Béréchit 20:1 à 20:2. Abraham quitta ce lieu pour le pays du Néguev; il s’établit entre Cadès et Chour et séjourna comme étranger à Guérar…Abraham disait de Sarah, sa femme, « Elle est ma sœur ». Là-dessus AbiméleH, roi de Guérar, envoya prendre Sarah.

Ici la solidarité s’exerce de façon surprenante, contraire à la logique et à la bienveillance. L’épouse se charge de protéger un mari qui ne se consacre pas vraiment à sa protection. En conséquence, Dieu intervient pour protéger lui-même Sarah. Et en acceptant de protéger Abraham, Sarah obtient la bénédiction divine sans l’avoir recherchée.

~Deuxième élément : Sarah se comporte de façon très discrète et effacée. Elle ne veut absolument pas se mettre en avant. Dans les versets suivants « Dieu » interpelle Abraham puis Sarah, par l’intermédiaire de 3 anges d’apparence humaine, pour annoncer qu’un fils naîtra prochainement de leur couple.

Béréchit 18:9 à 18:15. Ils lui dirent: « Où est Sarah, ta femme? » Il répondit: « Elle est ici, dans la tente »…L’un d’eux reprit: « Je reviendrai à toi l’année prochaine, à pareille époque et voici, un fils sera né à Sarah, ton épouse ». Or, Sarah écoutait à l’entrée de la tente qui se trouvait derrière lui…Mais, Abraham et Sarah étaient vieux, avancés en âge et les règles avaient cessé pour Sarah…Aussi, Sarah se mit-elle à rire en elle-même en disant: « Flétrie par l’âge, ce bonheur me serait-il réellement possible? D’ailleurs, mon époux est un vieillard. »..Alors, l’Éternel dit à Abraham: « Pourquoi Sarah a-t-elle ri en disant: est-ce-que vraiment j’enfanterai, âgée que je suis?..Est-il rien d’impossible à Dieu? Au temps fixé, à pareille époque, je te visiterai et Sarah aura un fils »…Mais Sarah se mit à nier en disant: « Je n’ai pas ri ». Elle avait peur. L’Éternel répondit à Sarah: « Mais si ! tu as bel et bien ri. »

Tout au long de ces versets, Sarah reste en arrière. Il lui semble naturel qu’Abraham, son époux, soit l’interlocuteur direct des anges envoyés par Dieu. Sarah fait preuve d’abnégation et d’humilité. Son rire discret n’est pas ironique, il traduit simplement sa surprise. De cette façon, Sarah manifeste aussi la négation de ses sentiments. Elle rit car elle a du mal à réaliser que l’Éternel puisse s’intéresser autant à elle. Cela lui semble inconcevable. Afin de dissiper le doute dans son esprit et l’encourager à s’affirmer, l’Éternel décide de s’adresser directement à elle. Sarah devient alors une personnalité du peuple hébreu à part entière.

En relatant ces faits, la Torah nous montre que l’entraide et la solidarité dans le couple ne sont pas univoques. Dans certains cas, il est tout à fait normal que la femme aide l’homme. Ce qui est conforme à la définition du terme « solidarité; » la solidarité impliquant l’interdépendance. Par ailleurs, la Torah aborde la libre expression des sentiments féminins en nous révélant une relation directe entre Dieu et Sarah en rapport avec ses pensées et ses sentiments. L’échange direct entre Dieu et Sarah sera mené à bonne fin, puisqu’un an plus tard, Isaac naîtra. Il aura donc également des répercussions positives sur la vie de couple et sur la vie familiale de nos ancêtres.

Béréchit 21:1 à 21:3. Et l’Éternel pensa à Sarah comme il l’avait dit et fit à Sarah ainsi qu’il l’avait annoncé…Sarah conçut et enfanta un fils à Abraham en sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé…Abraham nomma Isaac le fils qui venait de naître, que Sarah lui avait donné.

Interprétons bien le verset qui va suivre. Ce verset est l’expression directe des sentiments d’une femme, Sarah. Ce qui est rare dans la Torah.

Béréchit 21:6. Alors Sarah dit: « Dieu m’a préparé du rire et quiconque l’apprendra rira de moi. »

La maternité de Sarah, à un âge tardif, est un entremêlement de bonheur et de complexité. Sarah doit se montrer capable de prendre en charge son nouveau-né, en particulier de l’allaiter.

Béréchit 21:7. Elle dit encore « Qui aurait dit à Abraham que Sarah allaiterait véritablement des enfants, vu que je lui ai donné un fils en sa vieillesse? »

Sarah prend sa revanche sur la rumeur publique à double titre. Le Talmud Baba Metsia attire notre attention sur le mot « banim/enfants » (בָנִים) qui est un mot pluriel. L’explication de ce pluriel est la suivante : au cours du banquet donné en l’honneur d’Isaac, l’Éternel a produit l’irrationnel en faveur de Sarah. Toutes les mères présentes se sont soudainement trouvées incapables d’allaiter. Sarah, après sa longue incapacité en ce sens, a eu la grande joie de devoir se substituer à elles. Sarah a alors donné généreusement le sein à tous les bébés présents, des nourrissons aux enfants de 3 ans. Sarah a ainsi rayonné, aux yeux de tous, dans l’accomplissement de sa maternité.

Pour conclure : l’homme doit-il vraiment être le gardien de sa femme ?

En ce qui concerne le couple Abraham-Sarah, Abraham ne s’est pas comporté en gardien de sa femme. L’Éternel s’est substitué directement à lui en faisant de Sarah un personnage de premier plan, en élevant Sarah au statut de princesse et de matriarche du peuple hébreu.

Qu’en est-il aujourd’hui de nos relations de couple ? L’égalité et la solidarité homme/femme ont été instaurées dans notre société. L’homme et la femme, en fonction de leurs moyens, sont devenus réciproquement les gardiens l’un de l’autre, matériellement et moralement. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans le monde entier. N’est-ce-pas une injustice à résoudre ?

Paracha Ekev : à quoi ça nous sert d’être honnête ?

Selon Jean Piaget (1896-1980), théoricien de la psychologie du développement, l’enfant se développe en explorant le monde. L’enfant se livre spontanément à des tentatives qui réussissent ou échouent. Il en déduit de lui-même ce qu’il faut faire et ne pas faire.

Il en est de même pour nous. Parfois, notre réussite relève de circonstances hasardeuses. Nous nous posons alors une question déterminante pour l’avenir : à quels actes, à quels facteurs devons-nous attribuer cette réussite ?

D’autres questions s’enchaînent : en pratique, comment faut-il s’y prendre pour être sûr de réussir ? Bien agir ou bien se comporter permet-il de toujours réussir ? Faut-il être parfaitement honnête pour réussir ? Ne peut-on pas tricher un peu ? Comment faire pour pérenniser notre réussite ? Comment faire pour que la réussite se transforme en bonheur ?

Notre paracha semble nous promettre la réussite si nous obéissons aux injonctions divines. Qu’est-ce que cela peut bien signifier?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Ekev du sefer Devarim (7:12 à 11:25) nous parles des principes du bien agir et de la recherche du bonheur 

Ekev (עקב), second mot de la paracha, signifie « en raison de » et indique une causalité.

Devarim 7:12 à 7:15. « En raison de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir, l’Éternel, votre Dieu, sera fidèle au pacte de bienveillance qu’il a juré à vos pères… Il t’aimera, te bénira, te multipliera, il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol…dans le pays qu’il a juré à tes pères de te donner. Tu seras béni entre tous les peuples…L’Éternel écartera de toi tout fléau… »

Moïse poursuit ses déclarations aux enfants d’Israël : ceux-ci doivent être totalement et à jamais fidèles à l’alliance contractée avec Dieu. En conséquence de cela, tout se passera bien pour eux et leur avenir sera assuré.

Le fait que tout acte ait des conséquences est une notion capitale. Cette notion est en relation avec l’idée de justice immanente : si nous agissons bien ou mal, nous sommes récompensés ou punis à coup sûr. Elle est également en relation avec le concept du karma, le karma étant constitué à travers l’ensemble de nos actes prêtant à conséquences, actes passés, actuels et futurs.

Sur ce plan, tout n’est pas aussi simple. Parfois, nous nous comportons bien moralement, nous accomplissons de notre mieux certains actes, et les conséquences positives de nos actes ne sont pas au rendez-vous. Pourquoi en est-il ainsi ?

Nous sommes en droit de nous poser cette question. Moïse l’a posée à l’Éternel (Elle est citée dans un midrach du Traité BraHot du talmud) :  » Comment se fait-il que des personnes justes échouent alors que des personnes se comportant mal réussissent ?  » Cette anomalie apparente se retrouve dans le Livre de Job : Job est une personne juste et il lui arrive néanmoins les pires ennuis.

Afin de clarifier ce problème, analysons le principe de récompense du « bien agir ». Raisonnons de façon statistique : les conséquences de nos bonnes actions ne sont pas positives en permanence, dans certains cas elles sont négatives (la justice n’est pas totalement immanente). C’est la tendance moyenne qui est à prendre en considération. Si de façon constante nous agissons bien, la moyenne des conséquences à long terme est nettement positive et le bonheur commence à transparaître. Des fruits commencent à naître de ce que nous avons planté et, en un temps ultérieur, le bonheur durable s’établit.

Le thème de la continuité (fidélité) dans la conduite à tenir, est traité dans la paracha :

Devarim 8:6. « Et tu devras toujours garder les commandements de l’Éternel, ton Dieu, en marchant dans ses voies et en le révérant. »

En pratique, comment assurer cette continuité ?

Devarim 8:18. « C’est de l’Éternel, ton Dieu, que tu dois te souvenir, car c’est lui qui t’aura donné la force d’arriver [dans la continuité] à cette prospérité. »

Pour réussir véritablement, il nous faut respecter en permanence la ligne de conduite dans laquelle nous nous sommes engagés. Malgré tout, des échecs occasionnels surviendront, les aléas de la vie nous feront douter.

Nous ne devons pas tomber dans le piège des succès occasionnels qui nous feront magnifier des qualités superficielles ou factices, ne croire qu’en nous, et nous pousseront à abandonner nos engagements.

(Un exemple très prosaïque : nous commettons un petit vol dans un supermarché sans nous faire arrêter. Nous avons ainsi réussi à gagner quelque chose en nous étant mal conduits. Dans ce cas, allons-nous attribuer cette réussite à notre maigre talent de voleur à la sauvette, ou bien allons nous faire amende honorable et vite revenir sur la ligne du véritable succès ?)

La paracha nous met en garde en évoquant l’idolâtrie :

Devarim 8:19. « Et, si jamais vous oubliez l’Éternel, votre Dieu, si vous vous attachez à des dieux étrangers, que vous les servez et que vous leur rendez hommage, je vous le déclare en ce jour, vous périrez! »

Question cruciale : en pratique, comment rester fidèles à nos engagements à long terme ? Comment surmonter les accidents de parcours ?

Il est nécessaire d’appartenir à un groupe humain soudé pour permettre au long terme d’exister. C’est notre cas : nous ne sommes pas des individus isolés, nous sommes membres d’un peuple dont nous partageons les valeurs fondamentales. De génération en génération, nous restons intégrés à ce peuple.

Si la réalité des événements n’est pas à même de nous montrer que nous sommes sur la bonne voie, la tradition de solidarité et d’entraide  de notre peuple se charge, sur le moment, de nous le montrer à sa place. De la sorte, cela nous aura servi d’être honnête aux yeux de notre peuple.

Que notre recherche éthique nous soit au maximum source de bonheur!