Le retour des fêtes : une incertitude rassurante

Shavouot, c’est ce soir et demain!

Voici quelques réflexions pour accompagner notre entrée dans la fête.

Hag SaméaH à toutes et à tous. חג שמח לכלם

Le rituel est-il là pour nous réconforter ou pour nous mobiliser ? Nous entraine-t-il dans la routine ou nous invite-t-il au contraire au changement ?

Les grands concepts de la prière et du cycle de l’année nous ouvrent des chemins de réflexion.

Notre prière centrale se nomme « amida », עמידה, « station debout ». Elle nous invite à « prier debout », et si son nom n’évoque pas tout à fait le mouvement (haliHa, הליכה), il ne se cantonne pas non plus à l’immobilisme (yeshiva, ישיבה).

L’attitude que nous observons dans ce moment de recueillement est effectivement dynamique. Au début de la  Amida, nous nous orientons géographiquement vers Jérusalem, « Yérouchalaïm »,  ירושלים  la ville de la paix et de l’espoir, la ville des grands rassemblements de pèlerinages du passé, qui est également la ville de l’espoir des retrouvailles fraternelles universelles de la période messianique. Par là-même, nous nous orientons également spirituellement vers les plus hautes de nos valeurs, faisant entrer en résonance et en raisonance, le « matspen »,מצפן  et le « matspoun », מצפון, la boussole et la conscience.

A l’occasion de nos fêtes, la Amida garde sa structure, tout en s’habillant de passages relatifs aux fêtes en guise de « vêtements de splendeur » semblables à ceux que nous portons dans les occasions joyeuses.

Nous nous orientons vers Jérusalem, nous reculons de trois pas, puis nous avançons à nouveau. Ces gestes nous ramènent donc  au même point, et pourtant, nous avons évolué dans notre positionnement intérieur. En reculant, nous souhaitons symboliquement prendre du champ par rapport aux questions contingentes de notre vie, en nous avançant à nouveau, nous espérons nous rapprocher de l’essentiel. Pendant la Amida elle-même, nous nous inclinons, nous nous élevons sur la pointe des pieds, nous nous tournons les uns vers les autres, et l’alternance de ces gestes symbolise le mouvement intérieur qui nous accompagne sans cesse, et qui conjugue stabilité et souplesse.

De la même façon, à chacune de nos fêtes, nous revenons en quelque sorte au positionnement qui était le nôtre exactement un an auparavant, lorsque nous célébrions ce même rendez-vous sacré. Et pourtant, nous ne sommes pas les mêmes après une année entière de vie, d’actions, de réalisations, de questions et d’étude. Comme le dit le philosophe, celui qui se baigne dans la même rivière, se régénère pourtant dans une eau sans cesse renouvelée.

En forme de pirouette, nous pourrions dire que le rituel nous invite à faire entrer le changement dans la routine, à intégrer l’évolution dans la tradition. Le quotidien se pare du charme sacré du « tout est possible », l’exceptionnel s’abrite dans la chaude étoffe du « rien de nouveau ».

Le changement fait partie de nos vies, de la naissance à la mort dans notre vie privée, de la naissance de notre peuple à ses évolutions géographiques, historiques et organisationnelles dans le domaine du collectif.

Nos trois fêtes de pèlerinage en témoignent, puisqu’elles ont pu revêtir au cours de l’histoire des significations différentes. Elles ont été des fêtes agricoles, sans doute issues de célébrations païennes puis sont devenues des fêtes de culte au temple. Elles ont reflété une réalité historico-mythique, se sont transformées en rassemblement communautaires après le choc de la destruction du temple, avant de voir leur signification spirituelle et symbolique prendre le dessus, elles revêtent parfois aujourd’hui un sens laïc au sein d’institutions telles que les mouvements de jeunesse juifs laïcs et les kiboutsim. Avant tout, elles font fonction de liant familial et de rendez-vous identitaires.

Pourquoi intégrer cette perspective historique est-il si difficile pour certains ? Peut-être parce que nous aimerions parfois avoir des certitudes, nous voudrions parfois pouvoir adhérer à des choses tangibles, à des « dieux concrets », représentés, immuables ; la tentation de l’idolâtrie est peut-être inhérente à la nature humaine, qui cherche à se rassurer. Ce faisant, la nature humaine se replie au lieu de se déployer, et prépare sa propre réduction comme le veau d’or qui finit en poussière. Elle aspire au contraire au déploiement et au redéploiement de la révélation du Sinaï, toujours mentionnée au présent dans les bénédictions de la Torah.

Mais où puiser la force de résister aux attraits des certitudes ?

Par sa répétition, le cycle des fêtes, le makhzor מחזור  – mot également employé pour désigner le rituel que vous tenez dans vos mains – nous inscrit dans un rythme rassurant. Il permet au jeune enfant de se représenter de mieux en mieux le passage des longues années de sa vie. Il permet aux plus âgés de prendre la mesure de la rapidité de la succession des ans.

Le Makhzor est un cycle d’un an, une année, Chana en hébreu שנה. Chana signifie à la fois « répéter pour apprendre »,  לשנןet « changer », לשנות. La racine de ce mot est « Hazar », « revenir », car les fêtes reviennent sans cesse, mais ce cycle s’inscrit dans une dynamique qui va de l’avant, le « chemin juif », la « halaHa » הלכה.

Effectivement, la tradition juive nous « fait marcher », et particulièrement à l’occasion des « trois fêtes de pèlerinage », les « chaloch régalim », שלוש רגלים, les « trois pieds » en traduction littérale. Pour nous faire avancer, elle nous demande de nous appuyer sur la régularité du pas, et si le pied qui peut nous mener loin porte le nom de regel, רגל, l’habitude est désigné de celui de « hergel », הרגל. Et bien que l’étymologie n’autorise pas ce rapprochement, mentionnons (au passage) que ces chemins sont pour nous ceux de la joie, que les « regalim » ont pour fonction de nous « régaler » ! Nous avons l’habitude de nous déplacer, et notre mouvement s’inscrit dans cette tradition du renouveau qui est la nôtre, en tant non que juifs « errants », mais que juifs voyageurs.

Après le cycle des fêtes vient celui du mois, du « Hodech », חודש du « renouvelé », puisque le mois renait chaque foi à nouveau en compagnie de la nouvelle lune, sans cesse semblable et sans cesse différente. Le chabat, שבת   dont le nom même signifie « arrêt », nous invite chaque semaine à la rupture d’un rythme quotidien, qui lui-même malgré son retour incessant s’inscrit dans le changement permanent comme le dit la prière du soir : « Eternel, tu renouvelles chaque jour et en permanence l’œuvre de création du monde. »

Que signifie donc notre rituel ? Comme le dit l’enfant « méchant » de PessaH, « Qu’est-ce que ce travail pour vous ? ». Pour nous, le retour de nos fêtes cycliques, de nos trois fêtes de pèlerinage, est une invitation sans cesse réitérée à nous abriter dans la chaleur des traditions séculaires pour nous délivrer des pressions du quotidien, et pour nous resituer dans un autre type de vulnérabilité : celui du partage des questions essentielles. Soutenus par le rythme rassurant de la communauté en prière, nous retrouvons l’audace de créer de nouveaux chemins de pensée. Sur cette « ancienne-nouvelle » terre, cette altneuland qu’est l’univers de la sagesse juive, nous nous tournons vers l’infini des possibles de l’humain, qui fait face à l’infinité des facettes du divin, représenté par un Dieu qui se donne pour nom : « Je serai ce que je serai ».

Qui peut savoir ce que nous deviendrons, chacun et chacune, ou ce que sera le peuple juif, dans l’avenir proche et lointain ? Mais nous avons au moins la certitude que cette identité en devenir perpétuel est sculptée par le meilleur de nous-mêmes à travers les siècles, grâce aux retrouvailles intenses et nourrissantes que nous ménage notre calendrier.

Paracha Emor : qui définit l’agenda divin ?

Commençons par un résumé succinct de notre paracha.

L’Éternel demande à Moïse de prescrire aux Cohanim des lois qui leurs sont spécifiques et d’autres lois à propos du service du Temple. Sont évoqués la pureté, le mariage et les défauts physiques des Cohanim, puis des obligations au sujet des sacrifices animaux durant les offices.

Ensuite est présentée la chronologie de ce que seront plus tard les fêtes juives. Des indices précis nous permettent de reconnaître Pessah, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kipour et Soukot.

La paracha se termine sur un incident au cours duquel L’Éternel est blasphémé et le coupable condamné.

Cependant deux versets attirent tout particulièrement notre attention, les versets 23:1 et 23:2 Ils nous intriguent au point d’être l’objet de notre commentaire de paracha.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Emor du sefer Vayikra (Lévitique) 21:1 à 24:23 et la définition de l’agenda divin

Le temps ne doit pas seulement s’écouler dans notre tradition. Il en est la structure. Le rythme des Chabatot, des fêtes, du cycle de la vie nous inscrit dans une réflexion et une progression permanentes.

Qui fixe ces moments, ces événements et ces rencontres dans le temps ? Le plus simple serait de penser que c’est l’Éternel. C’est en partie vrai, par exemple pour le Chabat. Mais on considère, dans la paracha Emor, que nous aussi , nous fixons le temps.

Vayikra 23:1 à 23:2. L’Éternel parla ainsi à Moïse:..« Parle aux enfants d’Israël et dis-leur: les solennités de l’Éternel, que vous devez annoncer et célébrer sont des rassemblements sacrés. Les voici, mes solennités:.. »

Donc, il semble que ce soit nous qui définissions, en grande partie, l’agenda de l’Éternel.

La Michna Roch Hachana confirme cela avec une histoire surprenante, mais édifiante, qu’il est nécessaire de relater.

Cette histoire aborde le principe de la fixation du temps, en particulier du jour de début de mois, par le tribunal rabbinique. (C’est ainsi que cela se passait à l’époque de la rédaction de la Michna.)

Il faut savoir que le mois débute quand la lune recommence son cycle. Des témoins venaient alors de tout Israël annoncer la réapparition de la lune au tribunal rabbinique qui en déduisait le jour de passage à un nouveau mois.

Un jour ce fut le cas, et un Rabbin éminent, Raban Gamliel reçut ces témoins. Il annonça le jour de début de mois et, par raisonnement, la date de Yom Kipour. Cependant, certains Rabbins se mirent à contester et prétendirent que les témoins n’étaient pas dignes de foi. Selon eux Rabban Gamliel n’annonçait donc pas la bonne date de Yom Kipour.

Alors, Rabi Akiva intervint pour éteindre la contestation et cita le verset 23:2 de la paracha Emor. Il dit à l’assemblée : Raban Gamliel s’est peut-être trompé mais d’après la paracha Emor c’est nous qui fixons le temps. Même si Raban Gamliel s’est trompé, le temps de Yom Kipour qu’il a indiqué sera le juste moment de sa célébration, même si ce temps n’est pas en accord avec le temps cosmique. Le temps humain retenu par consensus à beaucoup plus d’importance que le temps cosmique.

Cette histoire a délivré un enseignement primordial. A tel point que l’on dira ensuite que l’autorité de tout beth din (tribunal rabbinique) est égale à celle du beth din de Moïse.

A la suite de cette prise de décision, Raban Gamliel ordonna à Rabbi Yoshoua de se soumettre à sa décision. Rabbi Yoshua devrait ainsi célébrer Yom Kipour à la date prévue par le Beth Din de Rabban Gamliel, et non à la date qu’il pensait lui-même être exacte. Pour s’assurer de cette obéissance, Rabban Gamiliel convoqua Rabbi Yoshoua, en ce même jour de « Yom Kipour dissident ». Rabbi Yoshua dut ainsi prouver qu’il considérait ce jour comme n’étant pas réellement Yom Kipour, mais un jour ouvré classique.

Rabban Gamliel l’accueillit avec ces mots : « Merci d’être venu, toi qui est mon maître et mon élève. Mon maître car tu avais certainement raison et mon élève car tu as respecté mon autorité et accepté un accord. »

Dans notre tradition, le temps sacré est une co-construction entre l’humain et le divin. Il n’est pas simple de définir les modalités de sa mise en oeuvre.

Qui définit l’agenda divin ? C’est bien nous, comme le dit la Torah. L’Eternel nous a donné ce privilège. Nous avons, de plus, le pouvoir de sacraliser le temps. A chaque Chabat, à chaque fête et même à chaque instant de notre vie, nous le sanctifions.

N’oublions pas que fixer le temps engage notre responsabilité et nous oblige à assumer les conséquences de nos choix.

Paracha Vayakel : faut-il parfois s’écarter pour mieux se voir ?

La paracha Vayakel est la paracha du rassemblement. Voyons dans quel contexte elle se situe, pour bien la comprendre.

Moïse a repris son peuple en main après la faute du veau d’or. Les Tables de la Loi ont été gravées une seconde fois en haut du Mont Sinaï, mais cette fois-ci de façon définitive.

Le Tabernacle, le Michkan, est totalement conçu. Il faut, à présent, confectionner les pièces qui le composent et les assembler.

Le Grand Prêtre et ses assistants, désignés par l’Éternel, sont sur le point d’entrer en action. Le rituel, ainsi que les tenues qu’ils devront porter, ont été clairement définis.

Ainsi, les enfants d’Israël se rassemblent pour entrer dans la phase active de constitution du peuple Juif et de la religion juive.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayakel du sefer Chémot (Éxode) 35:1 à 38:20 et le paradoxe du rassemblement par la séparation

De façon générale, il est agréable et bénéfique d’être à deux, ou en groupe, à condition que chacun ait suffisamment d’espace pour s’épanouir. L’être humain a toujours besoin d’un minimum d’intimité et d’autonomie dans son comportement et sa pensée.

Pourquoi parlons-nous des conditions d’un rassemblement fructueux ?

La réponse est dans la paracha Ki Tissa. Les enfants d’Israël se sont mis à douter. Ils sont partis à la recherche de l’épanouissement et de la cohésion communautaire par le chemin de l’idolâtrie. Ils ont cru les trouver en s’inclinant autour d’un veau de métal.

Ils se sont ainsi écartés brutalement de l’Éternel, leur créateur et leur libérateur. Cependant, Moïse est venu les remettre sur le droit chemin; ceci de façon très énergique, afin de dissiper tous leurs doutes.

C’est cet écart qui leur fait prendre pleinement conscience de leur erreur et leur montre la voie à suivre. Cet écart les pousse, maintenant, à se retrouver tous ensemble dans la construction du judaïsme.

La première étape de cette construction est le respect du Chabbat en commun; le Chabbat qui permet de reprendre des forces, de consacrer du temps à ses proches et de se retrouver soi-même.

Chémot 35:1 à 35:3. Moïse convoqua toute la communauté des enfants d’Israël et leur dit: « Voici les paroles que l’Éternel a ordonné d’observer…Pendant six jours on pourra travailler, mais le septième jour sera quelque chose de saint, un Chabbat de repos absolu en l’honneur de l’Éternel. Quiconque travaillera ce jour là sera mis à mort…Vous ne devrez allumer aucun feu, en ce jour de repos, dans aucune de vos demeures. »

Immédiatement après, la générosité par le don (teroumah/תְּרוּמָה) et l’investissement personnel deviennent l’objet d’un élan unanime.

L’objectif est la réalisation du Michkan (le Tabernacle), dans toute sa grandeur; le Michkan qui est en lui-même un lieu de rassemblement, de réflexion et de prière ouvert à tous, comme on le dira plus tard à propos du Temple de Jérusalem.

Chémot 35:4 à 35:6. Puis Moïse dit à l’ensemble des enfants d’Israël: « Voici ce que l’Éternel m’a ordonné de vous dire:…‘Prélevez sur vos biens un don pour Dieu. Que toute personne dont le cœur l’y invite apporte sa contribution à l’Éternel: de l’or, de l’argent, du cuivre…et du fil bleu, et de la laine teinte…' »

Tout le monde apporte ce qu’il peut apporter, et après cet élan de générosité sans limite, arrive le moment de mettre un frein à la fourniture d’offrandes.

Chémot 36:4 à 36:7. Tous les artisans qui travaillaient aux diverses parties de la tâche sacrée, revinrent l’un après l’autre de leur travail…et dirent à Moïse: « Le peuple apporte beaucoup plus que ce qu’exige l’ouvrage que l’Éternel a ordonné de faire »…Sur l’ordre de Moïse, on fit circuler dans le camp cet avis: « hommes et femmes n’apportez plus de matériaux pour la sainte contribution. » Et le peuple s’abstint de faire des offrandes…Les matériaux suffirent pour l’exécution de tout l’ouvrage et furent plus que suffisants.

Mission difficile que de dire aux gens du peuple qui donnent, qu’ils donnent trop. Le peuple a besoin de comprendre pour avoir confiance et être généreux. Il a besoin de connaître les objectifs à atteindre et savoir dans quel cadre il évolue.

Ce cadre, que l’on ne désigne pas, est la relation avec Dieu. La présence d’un écran (massaH/מָסָךְ), entre le Saint des Saints et l’assemblée, le laisse deviner.

Chémot 36:37. Ensuite on fit pour l’entrée de la tente un écran protecteur de fil bleu et de laine teinte…

Pourquoi cet écran protecteur, cette séparation ? Sans doute pour apporter de la solennité et engendrer le respect. L’assemblée doit voir, mais ne doit pas tout voir.

Le rapprochement est à faire avec la structure des cabanes de Soukot. Le toit de ces cabanes est une frontière perméable. Ce toit laisse entrer un peu de clarté mais fournit suffisamment d’obscurité pour permettre la contemplation des étoiles dans les cieux. Il permet de voir au dehors, tout en protégeant.

Ce principe de frontière perméable est à rapprocher du principe de liberté encadrée.

Il est à citer en ce qui concerne l’idolâtrie : une idole, telle que le veau d’or, est un leurre qui ne laisse rien voir, qui bloque toute réflexion et toute compréhension, qui est dépourvu, justement, d’une frontière perméable.

Par ailleurs, pendant la fête de Pourim, nous nous amusons à porter des masques pour leurrer les autres, comme le ferait une idole. Nous nous donnons un autre visage pour finalement nous révéler en ôtant nos masques. Nous nous différencions pour mieux nous faire reconnaître. Nous nous écartons de nous-mêmes pour mieux être vus. Le mot masseHa qui signifie masque en hébreu est le qualificatif qui est justement appliqué aux fausses divinités: élohé masséHa: des dieux-masques.

Complétons cette image en parlant d’un élément très important du Temple, la cuve de purification. Dans notre paracha, sont citées des femmes très impatientes qui apportent des miroirs de cuivre, comme offrande, pour réaliser cette cuve.

Chémot 38:8. Puis il fabriqua la cuve en cuivre et son support, de même en cuivre, au moyen des miroirs des femmes qui s’étaient attroupées à l’entrée de la Tente de réunion.

Moïse hésite à accepter cette offrande et interroge l’Éternel. Un miroir n’est-il pas un objet futile de vanité ? Un miroir est-il compatible avec la purification, le retour vers soi-même, avant l’entrée dans le Temple ? Dieu lui répond qu’il approuve totalement l’utilisation des miroirs.

Le Midrach justifie cette approbation ainsi : le miroir permet de se voir à deux. C’est en partie grâce à des miroirs que le peuple d’Israël a pu se renouveler et survivre pendant les années d’esclavage en Égypte. Les femmes allaient rejoindre leurs époux dans les champs. Elles se faisaient admirer en posant à côté d’eux, face à leurs miroirs. De cette façon, elles les (re)séduisaient et parvenaient à éveiller leur désir.

Pour conclure, disons que très souvent, le fait de s’éloigner, de prendre ses distances pour mieux voir et mieux être vu, pour mieux comprendre aussi, permet de se retrouver avec des liens plus forts. Ce qui a été le cas des enfants d’Israël quand ils se sont écartés de l’Éternel pour adorer le veau d’or. Ils ont compris leur erreur après l’avoir commise. Ils se sont alors vite retrouvés et rassemblés autour de Moïse pour repartir sur de bonnes bases.

 

Paracha VayéleH : comment rassembler un peuple divisé ?

On parle, à juste titre, du peuple juif comme d’un peuple relativement uni et ayant le sens de la communauté. Il faut souligner que la communauté juive n’est fragmentée qu’en apparence. Elle fait fait preuve de diversité dans la pratique religieuse, mais sans division absolue, sans fracture. Il n’existe qu’une seule religion juive, le judaïsme.

La question de l’unité du peuple d’Israël, autrement dit du peuple juif, se pose depuis l’origine. Moïse s’est posé cette question sans doute le premier. L’unité d’un peuple passe par le partage des valeurs, l’équité et l’amour du prochain. L’amour du prochain est un principe majeur du peuple juif. L’éparpillement de ses membres n’a jamais été un obstacle à ce principe.

Notre paracha se situe presque à la fin du Deutéronome. Moïse prépare les enfants d’Israël à son départ définitif. Un désir le tourmente, celui de résoudre les divisions de son peuple et d’obtenir une unité immuable, non seulement pour l’entrée en terre de Canaan, mais pour un futur sans limite.

La paracha  VayéleH est l’objet de cette importante question.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha VayéleH du sefer Devarim (Deutéronome) 31:1 à 31:30, et l’unité du peuple d’Israël

La paracha VayéleH contient un commandement important, le commandement de Hakel. (« Hakel » se traduit par « rassemble ». Hakel est de la même racine que « kéhilla », signifiant « communauté ». Une Synagogue est une kéhilla, un lieu ou l’on se rassemble.)

Moïse expose le commandement de Hakel aux prêtres, aux lévites et aux sages d’Israël.

Devarim 31:10 à 31:13. « Et Moïse leur ordonna ce qui suit: à la fin de chaque septième année, à l’époque de l’année de rémission, lors de la fête des cabanes, alors que tout Israël vient comparaître devant l’Éternel, ton Dieu, dans l’endroit qu’il aura choisi, tu feras lecture de cette loi devant tout Israël, qui écoutera attentivement. Tu y rassembleras tout le peuple, les hommes et les femmes et les enfants, ainsi que l’étranger qui est dans tes murs, afin qu’ils entendent et s’instruisent, et révèrent l’Éternel, votre Dieu, et s’appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette loi; et que leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendent aussi, et qu’ils apprennent à révérer l’Éternel, votre Dieu, tant que vous vivrez sur le sol pour la possession duquel vous allez passer le Jourdain. »

Le commandement de Hakel a 2 exigences : le rassemblement spirituel et le rassemblement physique des enfants d’Israël. Il demande le rassemblement de tout le peuple d’Israël, dans le Temple de Jérusalem, à la fin de l’année de la chmitah (rémission, tous les 7 ans), pendant la fête de Soukot (fête des cabanes). L’objectif est que le peuple écoute la lecture de longs passages du Deutéronome.

La fête de Soukot est la fête pendant laquelle il est fait abstraction des inégalités sociales. La fin de l’année de la chmitah est le temps ou chacun est débarrassé de son fardeau de dettes, le temps du recommencement et de la cohésion du peuple.

Moïse emploi les termes « kol Israël » (כָל יִשְׂרָאֵל), tout Israël. Le peuple d’Israël est concerné dans sa totalité, les hommes (הָאֲנָשִׁים), et les femmes (וְהַנָּשִׁים), et les enfants (וְהַטַּף) et l’étranger ( והגר ).

La paracha VayéleH est lue entre Roch Hachana et Yom Kipour, pendant les 10 jours de Téchouva (repentance), les 10 jours de recommencement. A ce moment, nous sommes tous rassemblés pour nous recueillir, nous repentir, étudier, comprendre et parcourir spirituellement le chemin du peuple juif. Nous nous trouvons, à ce moment là, dans une situation répondant au commandement de Hakel.

Revenons à la Téchouva. Elle est la démarche de recommencement par la reconnaissance des fautes et la prise d’engagements. La Téchouva demande aussi que nous nous tournions les uns vers les autres, afin que les relations affectives soient régénérées. (En analyse transactionnelle on appelle cela « décoller les timbres ». Ce concept découle du principe qu’un grand nombre de toutes petites choses perturbent souvent les relations entre individus. Ces toutes petites choses sont à identifier et à neutraliser par la rencontre et le dialogue.)

Avant Yom Kipour nous nous tournons les uns vers les autres pour donner un nouveau départ à nos relations. Au moment d’honorer cette fête nous nous rassemblons physiquement et spirituellement à la Synagogue. C’est sans doute là que se trouve la correspondance avec le commandement de Hakel.

Le message à tirer pour l’unité du peuple juif

Pour consolider l’unité du peuple juif il serait bon que nous commémorions souvent le commandement de Hakel; que se soit au moment de Yom Kipour ou en toute autre occasion.

Nous devons bien comprendre, également, que les différents courants de pensée du judaïsme ne concernent que certains aspects de la tradition et non pas l’essentiel de ses valeurs. Valeurs dont nous ne devons pas trop nous éloigner. Gardons toujours en mémoire certaines d’entre elles : la connaissance, le respect des différences, le dialogue et l’amour du prochain. Restons ainsi rassemblés dans nos différences.

Paracha Beha’aloteHa : d’autres façons de faire bien.

Le don de la Torah se renouvelle chaque année. A partir de chavouot 2016, vous retrouverez sur notre site un petit commentaire actuel, une reinterprétation des vidéos « sur un pied ». N’hésitez pas à vous replonger dans le texte éternel de la Torah et de son commentaire sur le site sefarim, et à revoir les vidéos correspondantes sur notre chaine youtube…

Bonne étude!

Dans notre vie d’enfants d’Israël nous nous heurtons souvent à des obstacles pour bien faire ce que nous voulons, pour réaliser nos projets, pour être ce que nous sommes; mais ces obstacles ne nous arrêtent pas. Nous trouvons toujours des solutions que nous pensons bonnes pour nous en accommoder. Nous trouvons D’autres façons de faire bien.

Deux événements, parmi d’autres, de l’histoire juive illustrent ce sujet :

  • La célébration de Pessah – paracha Beha’aloteHa du sefer Bamidbar (chapitre 9)

Nous sommes à l’époque du tabernacle. Moïse doit répondre à une question délicate posée par des membres du peuple qui, se trouvant en état d’impureté, comprennent qu’ils ne sont pas en état de réaliser l’offrande de l’agneau pascal pour célébrer Pessah.

Ces personnes demandent à Moïse de leur trouver le moyen d’y parvenir quand même. Moïse réfléchit et voit qu’il ne sait pas. Moïse leur répond :  » Tenez vous ici et je vais écouter ce que l’Eternel vous prescrira ». La réponse de l’Éternel à Moïse est : « Dis aux enfants d’Israël que même si un homme…se trouve impur…il devra lui aussi procéder au sacrifice… Au deuxième mois, le quatorzième jour, entre les deux soirs, il devra sacrifier l’agneau, le manger avec des pains non fermentés et des légumes verts amers… » Une personne impure ne peut procéder à l’offrande sur le moment mais doit retrouver son état de pureté et y procéder le mois suivant. Elle fête PessaH avec un mois de retard. Moïse délivre cette réponse aux solliciteurs et à l’ensemble du peuple.

Et c’est ainsi que fut instauré Pessah chéni (le second Pessah) sans renoncement, en recherchant une solution adaptée à la situation. Une autre façon de faire bien fut trouvée.

  • La reconquête du Temple par les Maccabim

Après avoir reconquis le Temple de Jérusalem, les Maccabim désirent organiser une grande fête. Le Temple a été restauré. Les Maccabim pensent à la fête de Soukot (la fête des tabernacles) qu’ils n’ont pas pu célébrer comme il se doit, quelque temps avant la reconquête du Temple. Ils décident quand même de célébrer une fête de la même dimension et de la même intensité que Soukot.

Le deuxième livre des Maccabées de la bible catholique (livre non canonisé par la bible hébraïque) décrit une fête de huit jours au cours des mois de novembre ou décembre. Il s’agit tout simplement de la fête de Soukot reportée dans le temps, devenue la fête de Hanouka.

Soukot (la fête des tabernacles) perdurera et restera célébrée à la bonne date. Hanouka (la fête des lumières) deviendra une fête à part entière en fin d’année civile. Encore une fois, lorsque les nécessités de l’heure l’imposent, on trouve une autre façon de bien faire, qui perdure à travers l’histoire.

Que dire de la pratique actuelle des traditions juives ? 

Au fil du temps, l’exercice des traditions a évolué de pair avec la spiritualité.

Autrefois, l’inspiration spirituelle était concentrée au niveau des Prophètes. Ensuite elle a été transmise aux Sages du peuple d’Israël. (D’après le Talmud Baba Batra.)

Peu à peu l’étude de la Torah, l’étude des autres textes et la prise en compte de la situation du peuple Juif (quelquefois critique) se sont trouvées à la base des décisions concernant la bonne pratique des traditions. De la sorte, comme nous ne sommes plus en mesure de faire des offrandes sur l’autel du Temple aujourd’hui, l’exercice des traditions s’est retrouvé autour de la table familiale. (Selon le Talmud MenaHot.)

Afin de continuer à exister, les enfants d’Israël ont dû franchir tous les obstacles rencontrés depuis plus de trois mille ans. Ils ont dû s’adapter et être créatifs. Ainsi des créations telles que les fête de Hanouka, de Yom Hashoah et de Yom Haatsmaout sont entrées, ou commencent leur entrée, dans l’histoire du peuple Juif.

Nous ne voulons pas renoncer. Lorsque surgissent des obstacles, nous voulons agir le mieux possible. Lorsque nous ne pouvons pas simplement appliquer les règles du passé, nous savons être créatifs et nous adapter tout en restant fidèles aux valeurs et aux traditions qui sont les nôtres.