Paracha Emor : qui définit l’agenda divin ?

Commençons par un résumé succinct de notre paracha.

L’Éternel demande à Moïse de prescrire aux Cohanim des lois qui leurs sont spécifiques et d’autres lois à propos du service du Temple. Sont évoqués la pureté, le mariage et les défauts physiques des Cohanim, puis des obligations au sujet des sacrifices animaux durant les offices.

Ensuite est présentée la chronologie de ce que seront plus tard les fêtes juives. Des indices précis nous permettent de reconnaître Pessah, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kipour et Soukot.

La paracha se termine sur un incident au cours duquel L’Éternel est blasphémé et le coupable condamné.

Cependant deux versets attirent tout particulièrement notre attention, les versets 23:1 et 23:2 Ils nous intriguent au point d’être l’objet de notre commentaire de paracha.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Emor du sefer Vayikra (Lévitique) 21:1 à 24:23 et la définition de l’agenda divin

Le temps ne doit pas seulement s’écouler dans notre tradition. Il en est la structure. Le rythme des Chabatot, des fêtes, du cycle de la vie nous inscrit dans une réflexion et une progression permanentes.

Qui fixe ces moments, ces événements et ces rencontres dans le temps ? Le plus simple serait de penser que c’est l’Éternel. C’est en partie vrai, par exemple pour le Chabat. Mais on considère, dans la paracha Emor, que nous aussi , nous fixons le temps.

Vayikra 23:1 à 23:2. L’Éternel parla ainsi à Moïse:..« Parle aux enfants d’Israël et dis-leur: les solennités de l’Éternel, que vous devez annoncer et célébrer sont des rassemblements sacrés. Les voici, mes solennités:.. »

Donc, il semble que ce soit nous qui définissions, en grande partie, l’agenda de l’Éternel.

La Michna Roch Hachana confirme cela avec une histoire surprenante, mais édifiante, qu’il est nécessaire de relater.

Cette histoire aborde le principe de la fixation du temps, en particulier du jour de début de mois, par le tribunal rabbinique. (C’est ainsi que cela se passait à l’époque de la rédaction de la Michna.)

Il faut savoir que le mois débute quand la lune recommence son cycle. Des témoins venaient alors de tout Israël annoncer la réapparition de la lune au tribunal rabbinique qui en déduisait le jour de passage à un nouveau mois.

Un jour ce fut le cas, et un Rabbin éminent, Raban Gamliel reçut ces témoins. Il annonça le jour de début de mois et, par raisonnement, la date de Yom Kipour. Cependant, certains Rabbins se mirent à contester et prétendirent que les témoins n’étaient pas dignes de foi. Selon eux Rabban Gamliel n’annonçait donc pas la bonne date de Yom Kipour.

Alors, Rabi Akiva intervint pour éteindre la contestation et cita le verset 23:2 de la paracha Emor. Il dit à l’assemblée : Raban Gamliel s’est peut-être trompé mais d’après la paracha Emor c’est nous qui fixons le temps. Même si Raban Gamliel s’est trompé, le temps de Yom Kipour qu’il a indiqué sera le juste moment de sa célébration, même si ce temps n’est pas en accord avec le temps cosmique. Le temps humain retenu par consensus à beaucoup plus d’importance que le temps cosmique.

Cette histoire a délivré un enseignement primordial. A tel point que l’on dira ensuite que l’autorité de tout beth din (tribunal rabbinique) est égale à celle du beth din de Moïse.

A la suite de cette prise de décision, Raban Gamliel ordonna à Rabbi Yoshoua de se soumettre à sa décision. Rabbi Yoshua devrait ainsi célébrer Yom Kipour à la date prévue par le Beth Din de Rabban Gamliel, et non à la date qu’il pensait lui-même être exacte. Pour s’assurer de cette obéissance, Rabban Gamiliel convoqua Rabbi Yoshoua, en ce même jour de « Yom Kipour dissident ». Rabbi Yoshua dut ainsi prouver qu’il considérait ce jour comme n’étant pas réellement Yom Kipour, mais un jour ouvré classique.

Rabban Gamliel l’accueillit avec ces mots : « Merci d’être venu, toi qui est mon maître et mon élève. Mon maître car tu avais certainement raison et mon élève car tu as respecté mon autorité et accepté un accord. »

Dans notre tradition, le temps sacré est une co-construction entre l’humain et le divin. Il n’est pas simple de définir les modalités de sa mise en oeuvre.

Qui définit l’agenda divin ? C’est bien nous, comme le dit la Torah. L’Eternel nous a donné ce privilège. Nous avons, de plus, le pouvoir de sacraliser le temps. A chaque Chabat, à chaque fête et même à chaque instant de notre vie, nous le sanctifions.

N’oublions pas que fixer le temps engage notre responsabilité et nous oblige à assumer les conséquences de nos choix.

Paracha AHaré Mot : la justice divine est-elle aveugle ?

La justice est une des valeurs capitales du Judaïsme et il en a été ainsi de tout temps.

Il en est fait mention, pour la première fois, dans les lois NoaHides dont l’une d’elles stipule l’obligation d’établir des institutions judiciaires au sein de la communauté.

Les enfants d’Israël ne conçoivent pas un monde dépourvu de justice. Ils attendent de l’Eternel la révélation permanente des voies à emprunter pour l’établir.

Le Judaïsme fait de la justice, à son origine, un attribut de Dieu. La notion de justice divine est une vérité indéniable. Mais serait-elle aveugle, telle qu’elle est appréhendée par le Judaïsme ?

La lecture de la paracha AHaré Mot nous aidera à répondre à cette question.

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La paracha AHaré Mot du sefer Vayikra (Lévitique) 16:1 à 18:30 et la justice divine.

Au risque de surprendre, nous affirmons que la justice est le contraire du hasard. La justice s’oppose effectivement aux aléas du hasard.

La paracha AHaré Mot nous montre le Grand Prêtre désigner, de façon totalement aléatoire, lequel des deux boucs, choisis dans le cheptel, ira à Azazel en portant le fardeau des fautes des enfants d’Israël et lequel sera offert à l’Eternel en sacrifice. Le bouc, chargé d’emporter les fautes au loin, est nommé le bouc émissaire (de là, l’origine de l’expression courante).

Vayikra 16:7 à 16:10. « Et il [Aaron] devra  prendre les deux boucs et les présenter devant l’Eternel, à l’entrée de la Tente d’assignation…Et Aaron tirera au sort pour les deux boucs: l’un sera pour l’Éternel, l’autre pour Azazel…Aaron devra prendre le bouc que le sort aura désigné pour l’Éternel, et le traiter comme une offrande expiatoire…Et le bouc que le sort aura désigné pour Azazel devra être placé, vivant, devant l’Eternel pour servir à la propitiation et être envoyé à Azazel dans le désert. »

Comment comprendre l’intrusion du hasard dans la tradition juive ?

Le hasard est au cœur de la fête de Pourim. Aman jette des sorts (« pour », en hébreu, d’où le terme « pourim ») dans le but de déterminer le jour de l’extermination des Juifs. Le sort, lié au hasard, est une notion néfaste dans la tradition juive.

Par ailleurs, les fêtes de Pourim et de Yom Kipour ont en commun le mot « pour ». Selon le Talmud, l’expression « Yom Kipour » dérive de « yom ké pourim », « un jour comme pourim »; ce qui indique une parenté entre les deux fêtes.

Le tirage au sort de Aaron n’a, en fait, rien à voir avec celui de Aman, mais notre paracha délivre un message beaucoup plus important. L’acte aléatoire, pratiqué par le Grand Prêtre Aaron, met en lumière la nécessité de devoir se mettre au dessus des aléas de l’existence, afin de ne pas les subir.

De façon naturelle, la vie est porteuse d’aléas. Devons-nous nous y adapter, ou devons nous les contrer ? La meilleure façon de contrer ces aléas et d’établir la justice et de la faire respecter.

Remarquons que des extraits de notre paracha sont lus durant Yom Kipour, le moment de l’année où nous nous retrouvons face à notre destin. Cette lecture a deux objectifs : la prise de conscience des aléas de la vie et la nécessité de s’en prémunir par la justice.

La justice n’est pas naturelle sur Terre. Dieu l’a fait savoir à l’humanité en lui demandant de l’instituer. L’être humain ne peut juger autrui par lui-même, en son fort intérieur. Il doit établir des lois équitables, valables pour tous.

L’établissement d’une loi est l’objet d’une intense réflexion collective, empreinte de sagesse. Il ne doit pas faire cas des tendances affectives et doit compenser les dérives aléatoires de la nature. La nature, livrée à elle même, s’oriente en général vers le désordre.

« Justice » se dit « tsedek » en hébreu. Et tsedek nous fait penser à tsedaka/צדקה (aumône ou charité). Pratiquer la tsedaka est une façon de contrer l’aléa de défaut de ressources financières qui nous concerne tous.

La justice humaine, d’essence divine puisqu’elle répond à un commandement de l’Eternel, nous demande de compenser l’aléa des ressources économiques par la tsedaka, à défaut d’autre moyen prévu à cet effet par la société.

La progression des sciences médicales va dans le sens de la justice, puisqu’elle vise à compenser l’aléa de l’état de santé. Il en est de même de la politique quand elle défie les aléas de la vie en société.

La justice divine est-elle aveugle ? A nous d’en décider. Dieu a initié la justice. A nous de mettre en place les moyens rationnels nécessaires à sa pratique et à son respect. Nous en sommes responsables. Ne vivons pas comme les autres créatures biologiques, plantes, animaux, micro-organismes, qui demeurent à la merci des aléas de la nature terrestre, eux-mêmes dépendants des aléas de l’univers.

Paracha Haazinou : recommencement ou continuité ?

Le cycle de lecture de la Torah, paracha après paracha, s’accomplit depuis près de 2600 ans. Cette tradition a débuté peu après la destruction du Temple de Salomon par les armées du roi Nabuchodonosor.

La paracha Haazinou est l’avant dernière paracha de la Torah.

La lecture cyclique de la Torah va donc bientôt s’achever. Moïse, être humain éphémère, se prépare à quitter pour toujours les enfants d’Israël. La question de la continuité de l’alliance éternelle entre Dieu et les hommes, au delà de Moïse, est le sujet majeur de la paracha Haazinou.

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La paracha Haazinou du sefer Devarim (Deutéronome) 32:1 à 32:52

Question : comment assurer la continuité de l’alliance ? Autre question à greffer sur celle-ci : comment assurer la continuité du monde ?

Dans notre paracha, Moïse ne s’adresse pas aux enfants d’Israël, mais au cosmos dans sa globalité. Il s’exprime sur l’alliance éternelle au moyen d’une admirable poésie.

Devarim 32:1. « Écoutez, les cieux, je vais parler; et que la terre entende les paroles de ma bouche. »

Devarim 32:2 à 32:43. « Que mon instruction s’épande comme la pluie, que mes paroles distillent comme la rosée, comme de douces ondées sur les plantes, et comme de fortes averses sur la végétation!…….Nations, félicitez son peuple, car Dieu venge le sang de ses serviteurs; il exerce sa vindicte sur ses ennemis, réhabilite et sa terre et son peuple! »

Par la bouche de Moïse, c’est Dieu qui interpelle le ciel et la terre pour déclarer la continuité de l’alliance. Les termes employés sont tels que la continuité de l’alliance apparaît comme une condition posée à l’existence du ciel et de la terre.

La poésie déclamée par Moïse appelle à la continuité éternelle de l’alliance en évoquant des éléments dépassant l’être humain. De la sorte notre être est considéré dans sa relation au monde, nous sommes des individus, ET nous appartenons à un peuple, ET nous faisons partie d’un univers qui nous dépasse.

« Ecoutez » ( הַאֲזִינוּ haazinou). Le mot « écoutez » (haazinou) est proche en hébreu du terme « oreille » (ozen). L’oreille est un organe nous servant à capter les sons, à être en connexion avec le monde extérieur. L’oreille, par sa partie interne gère notre équilibre, nous permet de nous positionner dans l’espace et d’avoir le sens de notre état matériel. Le terme hébreu « izoun », apparenté à « ozen », fait référence à l’équilibre sur un plan général, physique comme intérieur.

A l’approche de Yom Kipour, nous sommes sensible à ce champs lexical. Le mot hébreu « mozaim », qui signifie « balance », en fait également partie. La balance est un outil servant à peser des objets concrets. Par extension, mettre en balance signifie soupeser, comparer des situations ou des faits immatériels. Citons sur ce sujet un excellent midrach. Selon ce midrach, nous devons considérer que l’ensemble de nos actes est disposé en permanence sur les plateaux d’une balance, les bonnes actions d’un côté, les erreurs de l’autre. Nous devons considérer que les plateaux de la balance sont à l’équilibre, de telle sorte que toute action bonne ou mauvaise est susceptible d’en inverser l’équilibre. Alors pensons bien, en cette période de recommencement, que tous nos actes seront pris en compte.

Parlons maintenant de la conscience. « Conscience » se dit en hébreu « matspoun ». Terme proche de « matspen » qui signifie « boussole ». Imaginons notre conscience comme une boussole intérieure qui nous oriente dans nos actes, qui nous oriente vis-à-vis des autres et, pourquoi pas, dans l’infini de l’espace.

Revenons sur le verset 32:1 de la paracha. Il y est fait appel aux cieux et à la terre. Relisons maintenant le verset 1:1 de Béréchit (la Genèse) :

Béréchit 1:1. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».

Comment ne pas percevoir le lien établi entre la fin du cycle de la Torah et son recommencement ?

Recommencement ou continuité ?

D’où vient la continuité de l’alliance ? Sans doute, du fait qu’elle est destinée à un peuple inscrit dans la durée; un peuple dont la tradition est intégrée au cycle naturel du temps. Sans doute aussi, du fait que la tradition juive s’adapte, dans sa pratique, à son époque mais reste immuable dans ses fondements.

Ainsi, à chaque chabbat nous prenons conscience d’un recommencement périodique inscrit dans la continuité : la continuité de l’alliance, de l’humanité et du monde.

Par ailleurs, la tradition juive nous enseigne que la continuité du monde est liée à la sagesse humaine et, en ce qui nous concerne, à notre sagesse personnelle de membres du peuple juif.

Nous devons donc, en tant qu’êtres humains (en également en tant que juifs), être conscients du fait que nous sommes chargés d’une part de responsabilité de la sauvegarde de l’humanité. De plus, nous devons être conscients d’une réalité élémentaire : la sauvegarde de l’humanité est intimement liée à celle de son substrat et environnement, le monde. Donc nous devons accepter aussi, une part de responsabilité de la continuité du monde qui nous porte et nous entoure. 

Paracha VayéleH : comment rassembler un peuple divisé ?

On parle, à juste titre, du peuple juif comme d’un peuple relativement uni et ayant le sens de la communauté. Il faut souligner que la communauté juive n’est fragmentée qu’en apparence. Elle fait fait preuve de diversité dans la pratique religieuse, mais sans division absolue, sans fracture. Il n’existe qu’une seule religion juive, le judaïsme.

La question de l’unité du peuple d’Israël, autrement dit du peuple juif, se pose depuis l’origine. Moïse s’est posé cette question sans doute le premier. L’unité d’un peuple passe par le partage des valeurs, l’équité et l’amour du prochain. L’amour du prochain est un principe majeur du peuple juif. L’éparpillement de ses membres n’a jamais été un obstacle à ce principe.

Notre paracha se situe presque à la fin du Deutéronome. Moïse prépare les enfants d’Israël à son départ définitif. Un désir le tourmente, celui de résoudre les divisions de son peuple et d’obtenir une unité immuable, non seulement pour l’entrée en terre de Canaan, mais pour un futur sans limite.

La paracha  VayéleH est l’objet de cette importante question.

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La paracha VayéleH du sefer Devarim (Deutéronome) 31:1 à 31:30, et l’unité du peuple d’Israël

La paracha VayéleH contient un commandement important, le commandement de Hakel. (« Hakel » se traduit par « rassemble ». Hakel est de la même racine que « kéhilla », signifiant « communauté ». Une Synagogue est une kéhilla, un lieu ou l’on se rassemble.)

Moïse expose le commandement de Hakel aux prêtres, aux lévites et aux sages d’Israël.

Devarim 31:10 à 31:13. « Et Moïse leur ordonna ce qui suit: à la fin de chaque septième année, à l’époque de l’année de rémission, lors de la fête des cabanes, alors que tout Israël vient comparaître devant l’Éternel, ton Dieu, dans l’endroit qu’il aura choisi, tu feras lecture de cette loi devant tout Israël, qui écoutera attentivement. Tu y rassembleras tout le peuple, les hommes et les femmes et les enfants, ainsi que l’étranger qui est dans tes murs, afin qu’ils entendent et s’instruisent, et révèrent l’Éternel, votre Dieu, et s’appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette loi; et que leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendent aussi, et qu’ils apprennent à révérer l’Éternel, votre Dieu, tant que vous vivrez sur le sol pour la possession duquel vous allez passer le Jourdain. »

Le commandement de Hakel a 2 exigences : le rassemblement spirituel et le rassemblement physique des enfants d’Israël. Il demande le rassemblement de tout le peuple d’Israël, dans le Temple de Jérusalem, à la fin de l’année de la chmitah (rémission, tous les 7 ans), pendant la fête de Soukot (fête des cabanes). L’objectif est que le peuple écoute la lecture de longs passages du Deutéronome.

La fête de Soukot est la fête pendant laquelle il est fait abstraction des inégalités sociales. La fin de l’année de la chmitah est le temps ou chacun est débarrassé de son fardeau de dettes, le temps du recommencement et de la cohésion du peuple.

Moïse emploi les termes « kol Israël » (כָל יִשְׂרָאֵל), tout Israël. Le peuple d’Israël est concerné dans sa totalité, les hommes (הָאֲנָשִׁים), et les femmes (וְהַנָּשִׁים), et les enfants (וְהַטַּף) et l’étranger ( והגר ).

La paracha VayéleH est lue entre Roch Hachana et Yom Kipour, pendant les 10 jours de Téchouva (repentance), les 10 jours de recommencement. A ce moment, nous sommes tous rassemblés pour nous recueillir, nous repentir, étudier, comprendre et parcourir spirituellement le chemin du peuple juif. Nous nous trouvons, à ce moment là, dans une situation répondant au commandement de Hakel.

Revenons à la Téchouva. Elle est la démarche de recommencement par la reconnaissance des fautes et la prise d’engagements. La Téchouva demande aussi que nous nous tournions les uns vers les autres, afin que les relations affectives soient régénérées. (En analyse transactionnelle on appelle cela « décoller les timbres ». Ce concept découle du principe qu’un grand nombre de toutes petites choses perturbent souvent les relations entre individus. Ces toutes petites choses sont à identifier et à neutraliser par la rencontre et le dialogue.)

Avant Yom Kipour nous nous tournons les uns vers les autres pour donner un nouveau départ à nos relations. Au moment d’honorer cette fête nous nous rassemblons physiquement et spirituellement à la Synagogue. C’est sans doute là que se trouve la correspondance avec le commandement de Hakel.

Le message à tirer pour l’unité du peuple juif

Pour consolider l’unité du peuple juif il serait bon que nous commémorions souvent le commandement de Hakel; que se soit au moment de Yom Kipour ou en toute autre occasion.

Nous devons bien comprendre, également, que les différents courants de pensée du judaïsme ne concernent que certains aspects de la tradition et non pas l’essentiel de ses valeurs. Valeurs dont nous ne devons pas trop nous éloigner. Gardons toujours en mémoire certaines d’entre elles : la connaissance, le respect des différences, le dialogue et l’amour du prochain. Restons ainsi rassemblés dans nos différences.

Paracha Matot : doit-on vraiment faire tout ce que l’on dit ?

Doit-on vraiment faire tout ce que l’on dit ? Ce que l’on dit correspond-il toujours à nos intentions, à nos vœux, à nos idées. Parfois nous prononçons des paroles à la légère. Il nous arrive d’être désinvoltes malgré nous. Parfois aussi, pour agresser l’autre ou le faire réagir, nous employons des mots puérils ou cruels que nous ne pensons pas.

Il faut dire que nous ne trouvons pas toujours les bons mots pour exprimer nos pensées ou nos vœux.

Prononcer des paroles, qui ne correspondent pas à nos justes vœux, à nos justes sentiments, peut être lourd de conséquence. Avons nous pleinement conscience du pouvoir des mots ?

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La paracha Matot du sefer Bamidbar (30:2 à 32:42) à propos des mots et des voeux :

Il est important d’interpréter la paracha dans son contexte pour comprendre le message qu’elle délivre.

Bamidbar 30:2 à 30:3. « Moïse parla aux chefs des tribus des enfants d’Israël en ces termes: voici ce qu’a ordonné l’Éternel: Si un homme fait un vœu à l’Éternel, ou s’impose, par un serment, quelque interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole. Tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir. »

Le principe de base est énoncé. Nous sommes à une époque où la pleine égalité n’existe pas entre les hommes et les femmes. Dieu s’adresse d’abord aux hommes, car ils ont un rôle prépondérant dans la société antique. En ce qui les concerne, tout engagement verbal doit être tenu sans réserve.

Bamidbar 30:4 à 30:9. « Pour la femme, si elle fait un vœu à l’Éternel ou s’impose une abstinence…que son père, ayant connaissance de son vœu ou de l’abstinence…garde le silence vis-à-vis d’elle, ses vœux, quels qu’ils soient, seront valables; toute abstinence qu’elle a pu s’imposer sera maintenue. Mais si son père la désavoue le jour où il en a eu connaissance, tous ses vœux et les interdictions qu’elle a pu s’imposer seront nuls…Et si elle passe en puissance d’époux étant soumise à des vœux ou à une promesse verbale qui lui impose une abstinence, que son époux l’apprenne…et garde le silence à son égard, ses vœux seront valables, et les abstinences qu’elle s’est imposées subsisteront. Mais si, le jour où il en a eu connaissance, son époux la désavoue, il annule par là le vœu qui la lie ou la parole de ses lèvres qui lui imposait l’abstinence… »

Ces versets de la paracha nous laissent perplexes. A l’époque de l’écriture de la Torah, les vœux et autres engagements verbaux prononcés par les femmes devaient avoir l’assentiment du père ou de l’époux pour être pris en considération. Heureusement, la tradition juive a progressé en la matière.

La parole et les vœux dans la tradition juive : 

Dans la tradition juive, il est d’usage de s’engager verbalement avec prudence et de se prémunir face aux incertitudes. Ces précautions se justifient par le fait que nous devons tenir au mieux nos engagements, que l’on soit homme ou femme.

Le Kol Nidré (en français : « tous les vœux ») prononcé le soir de Yom Kipour ne doit pas être faussement interprété. Il signifie que pour commencer une nouvelle année, il faut se dégager de tous les vœux de l’année écoulée. Cela concerne les vœux de restriction que chacun s’impose à lui-même et non pas des enagagements vis-à-vis du prochain. La déclaration de Kol Nidré est une de parole rituelle, qui nous invite à ouvrir dans nos têtes les champs des possibles et ne prend pas le pas sur les engagements fondamentaux.

Le Talmud Nédarim va dans ce sens : faire un vœu verbalement a une valeur divine. En le faisant on construit un autel et en le réalisant on dépose une offrande sur cet autel.

La Loi juive a prévu le cas où un vœu ne peut être tenu, malgré toute la bonne volonté de la personne qui l’a formulé. Dans ce cas la personne se présente devant un tribunal rabbinique, qui lui demande si elle avait pleinement conscience des conséquences et des difficultés de la tenue de cet engagement quand elle l’a formulé. Par une réponse négative, la personne est libérée de son vœu.

Cependant, cela ne répond pas à la question de la différence de valeur des vœux des hommes et des femmes, comme cela est écrit dans la Torah.

Un midrach du traité Sota du Talmud de Jérusalem illustre avec humour ce problème. Un mari s’impatiente, un vendredi soir, de ne pas voir rentrer sa femme. Quand celle-ci arrive, sa bougie est déjà éteinte. Elle rentre trop tard, car elle a suivi assidûment l’enseignement de Rabbi Meïr, qui s’est prolongé ce soir là. Son mari refuse de la laisser entrer. Il lui dit : tu ne rentreras pas à la maison tant que tu n’auras pas craché au visage de Rabbi Meïr. Le mari a ainsi formulé un vœu irrévocable.

Le temps passe. Des élèves de Rabbi Meïr et amis de cette femme, qui s’inquiètent à son sujet, lui suggèrent de retourner voir Rabbi Meïr en leur compagnie. Rabbi Meïr, par intuition, lui pose une question avant qu’elle ait commencé à parler : j’ai mal aux yeux, as-tu un remède pour les yeux ? Une amie donne un conseil à la femme : dis-lui que ton remède est ta salive. La femme dit cela mais refuse d’aller plus loin. Rabbi Meïr lui demande de lui cracher sur les yeux, non seulement une fois, mais sept fois. La femme s’exécute. – De la sorte, elle a répondu au vœu de son mari, elle a pu rentrer chez elle et la paix est revenue dans le couple -.

Une fois la femme partie, les élèves interpellent Rabbi Meïr : il y avait une autre solution : on aurait pu contraindre par la force le mari à revenir sur son vœu. Rabbi Meïr répond aux élèves qu’ils ont tort. Cette autre solution aurait rajouté de la violence à la violence. Il leur expose la chose suivante :  » Dans le traité Sota, il est écrit que si une femme est soupçonnée d’adultère, elle va au Temple et elle boit les eaux amères pour prouver son innocence. Un parchemin portant le Tétragramme est trempé dans ces eaux. Le Tétragramme est effacé à leur contact. L’Éternel accepte donc que son nom soit effacé afin que la paix revienne dans un foyer. Cracher au visage de Rabbi Meïr, pour sauvegarder la paix, à beaucoup moins d’importance qu’effacer le nom de Dieu. C’est donc normal que j’ai laissé cette femme me cracher au visage.  » Les élèves de Rabbi Meïr repartent convaincus. Le vœu du mari a été exhaussé, mais il a été tourné en ridicule.

Le Talmud, par son interprétation clairvoyante de la Torah, rétablit l’honneur des femmes; tout comme le fait la tradition juive par son actualisation permanente.

Peut-on en déduire une ligne de conduite ?

La ligne de conduite à déduire de ce qui précède serait sans doute que les mots ont un très grand pouvoir. Nous devons nous exprimer en toute conscience. Nous ne devons pas tomber dans le piège du plaisir de parler pour parler.

Par principe, un engagement verbal doit être tenu. Bien-sûr, il nous arrive de nous fourvoyer dans nos engagements. Si nécessaire, nous pouvons revenir sur nos paroles; mais nous devons alors nous justifier avec sincérité, respect, humilité et sans arrogance à l’égard des autres.

Paracha Chela’h Lekha : de quoi sommes-nous coupables ?

Lorsque nous échouons à mener à bien un projet, nous risquons de tomber dans le piège sournois de la culpabilisation. Nous éprouvons alors un malaise qui bloque notre capacité de réaction. Demandons-nous de quoi nous sommes réellement coupables. De commettre des erreurs ? De ne pas savoir faire les corrections nécessaires ? Ou tout simplement de céder à nos émotions au lieu de les accueillir et de les canaliser ?

Pour approfondir ce thème une petite vidéo et un article qui la résume, sur la paracha de la semaine!

 

Paracha Chela’h Lekha du sefer Bamidbar (13:1 à 15:41) :

Après la traversée du désert, le grand projet des enfants d’Israël est mis à mal : l’entrée sur le territoire de Canaan se révèle périlleuse.

Bamidbar 13:1 à 13:2. « Et l’Eternel parla à Moïse en disant : envoie des hommes afin qu’ils explorent le pays de Canaan que je donne aux enfants d’Israël. »

Moïse envoie des éclaireurs (explorateurs) qui devront donner un avis sur le comportement et l’étendue des populations de Canaan, ainsi que sur les ressources diverses de ce territoire. A leur retour les éclaireurs rapportent leurs observations à Moïse et au peuple :

Bamidbar 13:27 à 13:32. « Nous sommes entrés au pays où tu nous as envoyés et, vraiment, il ruisselle de lait et de miel, et en voici les fruits !…Toutefois, il est indéniable que le peuple qui habite dans le pays est fort et que les villes fortifiées sont très grandes…Nous ne pouvons monter contre le peuple car il est plus fort que nous…Le pays par où nous sommes passés, pour l’explorer, dévore ses habitants… ce sont des hommes d’une taille extraordinaire… »

Le rapport des éclaireurs décourage et bloque totalement le peuple qui refuse d’aller plus loin en s’insurgeant contre Moïse et Aaron.

Bamidbar 14:4. « Ils allèrent jusqu’à se dire l’un à l’autre : donnons nous un chef et retournons en Égypte ! »

Moïse, considère les éclaireurs coupables de décourager le peuple et le peuple coupable de faiblesse. Refusant que tous cèdent à la culpabilité, il s’adresse à Dieu :

Bamidbar 14:17 à 14:19. « Et maintenant, s’il te plaît, que ta force devienne grande, ô Éternel…Éternel lent à la colère et miséricordieux, pardonnant la faute et la transgression, mais en aucune façon n’exemptant de la punition… Pardonne, s’il te plaît, la faute de ce peuple… comme tu as pardonné à ce peuple depuis l’Égypte jusqu’ici. »

L’Éternel répond à Moïse :

Bamidbar 14:20. « Je pardonne selon ta parole. »

Dieu a pardonné, à la demande de Moïse, à l’ensemble du peuple. Ils ont commis une faute, mais c’est justement à cela que sert le pardon. Il  n’y a rien à pardonner aux gens parfaits. C’est lorsqu’il y a une faute ou  une erreur que la pardon est nécessaire. Le midrach raconte que Dieu lui-même a insisté pour que le pardon soit accessible également aux « méchants ». Ce pardon vise à dépasser la faute, à aller au-delà de la punition, à traiter le problème globalement afin d’aller au plus vite vers la solution. Ceci en identifiant les personnes capables de mener à bien le projet comme Caleb de la tribu d’Issachar, et Josué.

Bamidbar 14:25. « Alors que les Amalécites et les Cananéens habitent dans la basse plaine, demain changez de direction et mettez-vous en marche pour le désert par l’itinéraire de la mer Rouge. »

Puisque l’entrée en Canaan n’est pas possible, une alternative est trouvée. Des péripéties seront surmontées et le projet des enfants d’Israël aboutira.

 Que nous apporte la tradition juive dans de telles circonstances ?

Culpabilité et punition doivent être mises au second plan. La priorité est la recherche des clés d’une réussite collective, afin que tout blocage cède et que l’action reprenne. Lorsque le but ne peut être atteint immédiatement, il faut limiter la casse, et faire en sorte que le but puisse être atteint par la suite.

Cette paracha est à mettre en relation avec Yom Kipour qui est la fête du jugement par soi-même et du pardon des erreurs pour parvenir au recommencement. La Amida, élément central des offices, nous invite à ne pas nous appesantir sur notre culpabilité. N’oublions pas la Téchouva, processus de repentance par la reconnaissance des fautes et la prise d’engagements, ainsi que notre devoir d’entre-aide collective.

Pour conclure :    Plutôt que de nous sentir coupables, essayons de devenir capables!

Entrainons-nous encore à gagner les concours de circonstances

« Bar Hédia était un interprétateur de rêve….

Celui qui lui donnait une pièce, il le lui interprétait en bien, celui qui ne lui donnait pas de pièce, il le lui interprétait en mal.

Abbayé et Rava firent un rêve.

Abbayé lui amena une pièce, et Rava ne lui en donna pas. »

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L’histoire commençait bien, le rêve, ce qui s’exprime de notre conscience libérée par la nuit, la remise en place de nos pensées, et quelqu’un qui interprète. L’interprétateur allait nous donner peut être la clef de la vérité!

Mais  l’illusion se brise, bar Hédia était cupide, il ne donnait pas la clef des rêves, il redessinait les paysages à son propre avantage

Deux grands sages, deux amis-opposants, deux baalé maHloket, préoccupés par les mêmes questions, un même rêve, que vont-ils en faire ?

Ils amènent leurs pensées intimes à un interprétateur de rêves, ne croient-ils pas en leur propre sagesse ? Bar Hédia est corrompu, mais ça, ils ne le savent pas encore. Ces deux leaders,  des amoraim babyloniens du 4e siècle, Abayé, dirigeant de la yéchiva de pombedita , Rava, fondateur de la yéshiva de MéHoza, ont, comme nous, des questionnements douloureux.

Voici ce que Rava et Abbayé ont vu en rêve, ce que bar Hédia leur a dit.

Ils lui dirent : J’ai vu dans un rêve le verset suivant Ton bœuf sera égorgé sous tes yeux (deut 28)

A Rava il dit Ton commerce va faire banqueroute et tu n’auras plus envie de manger à cause de ta peine.

A Abbayé il dit Ton commerce va prospérer et tu n’auras plus envie de manger tellement ta joie sera grande

Ils lui dirent : Nous avons lu aussi, le verset suivant : tes filles seront données à un autre peuple,

A Rava il dit : Tes enfants seront nombreux mais ils se marieront dans la famille de ta femme et ils deviendront comme des étrangers pour toi.

A Abbayé il dit : ta femme mourra puis tes enfants seront soumis à une autre femme

Ils lui dirent encore : Tous les peuples de la terre verront

A Abbayé : ils verront ta renommée en tant que chef de la maison d’étude et tu inspireras la crainte

A Rava : ils verront ton humiliation, on attaquera le trésor royal on te soupçonnera, tu seras arrêté comme voleur et tout le monde éprouvera la crainte d’être soupçonné.

Les préoccupations de ces deux grands sages sont les nôtres, notre subsistance, notre famille, l’héritage que nous laisserons au monde.

Rava et Abbayé ont besoin de soutien et s’ouvrent au plus grand spécialiste de leur époque, de même que nous cherchons conseil.

Et, comme cela nous arrive parfois, ils se font posséder, de même que nous sommes nous-mêmes vulnérables.

Les conséquences en sont dramatiques. En effet, les interprétations de Bar Hédia se réalisent, si bien que Rava perd sa femme, ses enfants et ses richesses.

* * *

Notre peuple aussi a ses rêves, ses espoirs et ses préoccupations.

La liturgie de Roch Hachana nous dit : Faites téchouva, et vous serez inscrits dans le livre de la vie et non dans le livre de la mort.

Certains disent : Si vous ne revenez pas à une pratique orthodoxe, vous mourrez dans l’année. D’autres mettent ces interprétations au passé : la Choa a eu lieu parce que les juifs n’étaient pas assez pratiquants,  le papa de cette petite fille est mort cette année parce qu’il n’avait pas fait téchouva à Roch Hachana ou à Kipour.

Notre mouvement s’oppose à ces culpabilisations, qui enterrent la tradition, qui réduisent le judaïsme à de la superstition.

Les conséquences de ce genre d’interprétation, je les vois au quotidien depuis 16 ans que j’exerce en tant que rabbin, en Israël, en Belgique et maintenant en France, et même depuis mes années d’étude « laïques » en sociologie lors de mes enquêtes sur les croyances des juifs en France.

Notre communauté, le MJLF, et Surmelin, nous sommes activement et profondément engagées dans le combat contre ces discours destructeurs. Nous voulons transmettre le message du judaïsme traditionnel, qui est un enseignement de vie.

Comment interprétons-nous l’inscription dans le livre de la vie ?

Mais comme le veut la tradition, en affirmant que la vie, c’est la justice, les justes sont considérés comme vivant toujours par leur enseignement, les anti-justes comme étant morts, même de leur vivant.

Nous disons : Si vous vous engagez pour la justice et la vérité, vous serez  inscrits dans le livre de la vie, qui est le livre de la justice et du bien.

Si nous nous engageons dans les réflexions de Roch hachana, Kipour et Soukot , notre vie sera encore plus vivante l’an prochain qu’elle ne l’a été l’an dernier.

Le judaïsme n’appartient pas aux « bar Hédia ». Nous en assumons les interprétations.

* * *

Et, fidèle à la tradition, permettez-moi d’appliquer cet enseignement à la question qui préoccupe vraiment les juifs : Qu’est-ce qu’on mange ce soir !

Pour cela, je vais me livrer à un exercice très commun : le détournement verbal.

Comme nous l’enseigne la suite du Talmud BeraHot, le rêve suit la bouche, c’est-à-dire son interprétation.

Mais comme nous sommes juifs, nous pouvons détourner un peu le sens de cette phrase : le rêve suit la bouche, c’est-à-dire la nutrition !

En ce soir de Roch Hachana, les séfarades parmi nous feront tout un seder, mangeront de nombreux mets en prononçant des bénédictions. Les achkénazes parmi nous mangeront de la pomme et du miel, en se souhaitant une année aussi douce que le miel aussi pétillante que la pomme.

Nous mangerons de l’interprétation.

Nous sommes libres de l’interprétation de nos rêves, nous sommes libres de l’interprétation de ce que nous mangeons, de ce que nous ingérons, de ce que nous digérons.

Notre tradition va plus loin encore. Nous interprétons les actes.

* * *

Il y a beaucoup de choses que  nous ne comprenons pas, et qui sont peut-être néanmoins d’une sagesse insoupçonnée.

Prenons un exemple tiré euh du baseball américain. Parlons de ce qu’on nomme la « final offer arbitration ». Il s’agit d’une méthode d’arbitrage révolutionnaire.

Vous n’en avez peut-être pas encore entendu parler, et cela viendra surement.

En quoi consiste l’arbitrage « normal »? Chaque partie présente ses demandes et l’arbitre fait un compromis.

En quoi consiste l’arbitrage « offre définitive » ? Chaque partie propose une solution, l’arbitre choisit l’une des deux solutions sans arbitrer, il a l’interdiction formelle de faire un compromis.

Cela semble fou ?

Mais réfléchissez, ce soir aux conséquences sur la dynamique entre les parties, et vous verrez combien ce procédé est subtil.

On appelle la création de ce type de situation du « game ingeneering », de la « création de jeu », et l’un des leaders en la matière est Robert Aumann.

Nous connaissons dans la pratique juive et dans les textes juifs beaucoup de choses « absurdes ».

Dans le talmud par exemple, et dans le passage de Rava Abbayé et Bar Hédia, avec ses deux rabbins qui se laissent prendre au piège. Mais cette histoire nous aide à comprendre que personne n’est à l’abri des influences néfastes.

Dans la Torah bien sûr, avec les colères divines et les comportements étranges de nos patriarches.

Le cadre des fêtes de Tichri, peut aussi poser question. Pourquoi faire de notre premier de l’an un « jour du jugement » pourquoi venir dire des seliHot à la synagogue à 7 heure du matin, et passer une journée à nous priver de nourriture et à être présent à la synagogue ? Ces actes, simplement, « changent la donne », et ne peuvent être compris que par la pratique et par la réflexion.

Les fêtes de Tichri sont une invitation à ouvrir le livre du souvenir et du passé pour faire le tri, réexaminer les actes et les idées de l’année dernière, et à en changer les étiquettes, les interprétations.

Au jour de notre mort dirons-nous : « Oui, ce Roch Hachana là, en 5775, en septembre 2014, j’ai pensé de cette façon, j’ai changé de cette façon, et j’ai raison de le faire. » ?

Pour conclure, je vais nous lancer deux défis.

Le premier est de vous vers moi : Venez me trouver, écrivez-moi, et proposez des objections, proposez des éléments « absurdes » de notre tradition et voyons si nous y trouvons une sagesse cachée.

Le deuxième défi est de moi vers vous, vous trouverez à l’entrée des feuilles avec des versets qui sont la guématria de 5775, prenez-les et essayez de trouver le maximum de « divinations » positives et négatives concernant l’année à venir.

Jouez à être Bar Hédia, et appropriez-vous cette souplesse d’esprit que nous enseigne le Talmud.

Vous trouverez sur cette feuille des expressions dont la valeur numérique représente l’année à venir.

Pourrez-vous les interpréter en bien, et pourquoi pas aussi en mal, comme bar Hédia, et vous faire ainsi mieux connaissance avec la puissance de l’interprétation ?

Le verset suivant caractérisera-t-il selon vous l’année 5775 et de quelle façon : « Ses membres, tout pleins encore de vigueur juvénile, se verront couchés dans la poussière », (job 20 :11) ?

Peut-être préférerez-vous essayer d’interpréter les mots: «  La justice fleurira ensemble » extrait de Isaïe 45 :8

Vous pourrez également en discuter à la table familiale, vos enfants et amis se prendront peut-être au jeu, et je vous invite à partager vos trouvailles en ligne sur le site poursurmelin.wordpress.com.

Nos rêves et nos actes suivent l’interprétation que nous en donnons.

Un rêve non interprété est comme une lettre non lue.

Roch Hachana nous invite à ouvrir notre courrier en retard, nos messages cachés à nous-mêmes, nos rêves, nos souvenirs, nos actes.

Les circonstances ne nous font pas, ce sont nous qui interprétons les circonstances.

C’est ainsi que depuis 3000 ans, malgré les dures réalités de l’histoire, nous, peuple juif, sommes rôdés à gagner les concours de circonstances.

Nous avons eu des circonstances particulièrement difficiles cette année.

C’est pour penser à ce que nous pouvons faire de l’actualité en tant qu’individus en tant que famille et en tant que communauté, qui nous avons besoin de nous réunir.

Que les circonstances concourent à notre bonheur cette année !

Alors entraînons-nous encore un peu, à gagner ensemble, les concours… de circonstance !

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Liens vers ce qui n’a pas pu être dit ici:

http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/a-quoi-sert-interpreter-reves-01-07-2011-78744

Cliquer pour accéder à dbanon.pdf