Paracha Behar : Dieu nous a-t-il affranchis pour mieux nous asservir ?

Nous terminons la lecture du Lévitique, le sefer Vayikra, par la paracha Behar étendue à la paracha BeHoukotaï.

Que nous apprennent les parachiot Behar et BeHoukotaï ?

Tout d’abord, l’Eternel prescrit à Moïse, sur le mont Sinaï, le repos (le Chabat) de la terre tous les sept ans. Puis il institue le jubilé, tous les cinquante ans, au cours duquel les terrains et habitations hors des villes doivent être rendus et les esclaves libérés. Ensuite l’Eternel indique les conditions dans lesquelles un Hébreu peut tomber en servitude. Il précise la façon de le traiter et de le racheter.

Dans les derniers chapitres du Lévitique, Dieu décrit à Moïse les bénédictions dont il comblera les enfants d’Israël s’ils obéissent à ses commandements et les malédictions qui les affligeront dans le cas contraire. Il assure cependant à Moïse, que même dans ce cas, il ne reniera pas l’Alliance. Sont enfin exposées les règles de consécration d’un bien au Temple, la manière d’évaluer un bien ou une personne en vue de consacrer sa valeur monétaire et pour terminer, comment rendre un bien consacré à un usage profane.

Notre commentaire s’arrête sur un point précis de la paracha Behar qui nous laisse penser que nous-mêmes, les enfants d’Israël, sommes les esclaves de l’Eternel. Essayons d’éclaircir cette question troublante.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Behar prolongée par la paracha BeHoukotaï du sefer Vayikra (Lévitique) 25:1 à 27:34 et les esclaves de Dieu

Dieu nous a-t-il affranchis pour mieux nous asservir ? Approfondissons ce sujet.

Le principe de liberté est fondamental dans la tradition juive. Il est répété sans cesse, autant dans la Torah que dans les textes des prières :  » Je suis l’Eternel votre Dieu qui vous ai fait sortir d’Égypte, de la maison d’esclavage, pour vous amener à la liberté. »

Comment, dans ce contexte, comprendre le verset suivant de la paracha Behar :

Vayikra 25:55. « Car c’est à moi que les enfants d’Israël appartiennent comme esclaves (עֲבָדִים/avadim). Ce sont mes esclaves à moi qui les ai fait sortir du pays d’Egypte, moi l’Éternel, votre Dieu. »

Comment comprendre le terme « esclave » ? L’Éternel ne veut-il pas dire en réalité « mes serviteurs » ?

En hébreu le mot « avoda » signifie « un travail ». Il est proche du mot « avdout » qui veut dire « l’esclavage ». Les deux termes se ressemblent, mais il vaut mieux traduire « avodaim » par « serviteurs » plutôt que par « esclaves »; d’autant plus que notre paracha s’intéresse particulièrement à la question du véritable esclavage et de la liberté.

« Avoda » est employé dans l’expression « avodat hachem », « le service divin », ainsi que dans l’expression « avodat halev », « le service du cœur », qui remplace aujourd’hui le rite des offrandes de l’époque du Temple.

« Le service du cœur », c’est aussi le travail du cœur, le travail accompli sur soi-même pour se sentir bien au fond de son être et donner un sens à sa vie.

Alors, le travail est-il un esclavage ou une liberté d’action, et quel est l’aboutissement d’un travail ?

Hannah Arendt (1906-1975) s’est penchée sur la question en différenciant le mot « travail » du mot « oeuvre ». (« oeuvre » et « ouvrier » ont la même racine.) Travailler, c’est s’activer pour subvenir à ses besoins primaires : se nourrir, s’abriter, se vêtir…Œuvrer, c’est réaliser un ouvrage qui n’est pas en rapport direct avec notre corps animal, qui perdurera dans le temps, qui pourra exister plus longtemps que nous.

Cette distinction prend une autre forme dans la haggada. Le sage demande :  » Quels sont ces témoignages et ces actions que vous réalisez ? » Le rebelle demande :  » Qu’est-ce que c’est que ce travail, cette servitude pour vous ? »

Quant à notre tradition, elle nous demande de travailler afin que notre cellule familiale ne soit pas dépendante, qu’elle soit libre et autonome du mieux possible.

L’écrivain Guy Debord (1931-1994) a lancé une formule caricaturale à ce sujet : « Ne travaillez jamais ! »

L’idéal est, bien-sûr, de ne jamais devoir travailler pour gagner sa liberté et de pouvoir s’investir dans la création d’œuvres importantes à long terme. Évoluons dans cette perspective. De cette façon nous serons de véritables serviteurs de Dieu et certainement pas ses esclaves.

Paracha Emor : qui définit l’agenda divin ?

Commençons par un résumé succinct de notre paracha.

L’Éternel demande à Moïse de prescrire aux Cohanim des lois qui leurs sont spécifiques et d’autres lois à propos du service du Temple. Sont évoqués la pureté, le mariage et les défauts physiques des Cohanim, puis des obligations au sujet des sacrifices animaux durant les offices.

Ensuite est présentée la chronologie de ce que seront plus tard les fêtes juives. Des indices précis nous permettent de reconnaître Pessah, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kipour et Soukot.

La paracha se termine sur un incident au cours duquel L’Éternel est blasphémé et le coupable condamné.

Cependant deux versets attirent tout particulièrement notre attention, les versets 23:1 et 23:2 Ils nous intriguent au point d’être l’objet de notre commentaire de paracha.

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La paracha Emor du sefer Vayikra (Lévitique) 21:1 à 24:23 et la définition de l’agenda divin

Le temps ne doit pas seulement s’écouler dans notre tradition. Il en est la structure. Le rythme des Chabatot, des fêtes, du cycle de la vie nous inscrit dans une réflexion et une progression permanentes.

Qui fixe ces moments, ces événements et ces rencontres dans le temps ? Le plus simple serait de penser que c’est l’Éternel. C’est en partie vrai, par exemple pour le Chabat. Mais on considère, dans la paracha Emor, que nous aussi , nous fixons le temps.

Vayikra 23:1 à 23:2. L’Éternel parla ainsi à Moïse:..« Parle aux enfants d’Israël et dis-leur: les solennités de l’Éternel, que vous devez annoncer et célébrer sont des rassemblements sacrés. Les voici, mes solennités:.. »

Donc, il semble que ce soit nous qui définissions, en grande partie, l’agenda de l’Éternel.

La Michna Roch Hachana confirme cela avec une histoire surprenante, mais édifiante, qu’il est nécessaire de relater.

Cette histoire aborde le principe de la fixation du temps, en particulier du jour de début de mois, par le tribunal rabbinique. (C’est ainsi que cela se passait à l’époque de la rédaction de la Michna.)

Il faut savoir que le mois débute quand la lune recommence son cycle. Des témoins venaient alors de tout Israël annoncer la réapparition de la lune au tribunal rabbinique qui en déduisait le jour de passage à un nouveau mois.

Un jour ce fut le cas, et un Rabbin éminent, Raban Gamliel reçut ces témoins. Il annonça le jour de début de mois et, par raisonnement, la date de Yom Kipour. Cependant, certains Rabbins se mirent à contester et prétendirent que les témoins n’étaient pas dignes de foi. Selon eux Rabban Gamliel n’annonçait donc pas la bonne date de Yom Kipour.

Alors, Rabi Akiva intervint pour éteindre la contestation et cita le verset 23:2 de la paracha Emor. Il dit à l’assemblée : Raban Gamliel s’est peut-être trompé mais d’après la paracha Emor c’est nous qui fixons le temps. Même si Raban Gamliel s’est trompé, le temps de Yom Kipour qu’il a indiqué sera le juste moment de sa célébration, même si ce temps n’est pas en accord avec le temps cosmique. Le temps humain retenu par consensus à beaucoup plus d’importance que le temps cosmique.

Cette histoire a délivré un enseignement primordial. A tel point que l’on dira ensuite que l’autorité de tout beth din (tribunal rabbinique) est égale à celle du beth din de Moïse.

A la suite de cette prise de décision, Raban Gamliel ordonna à Rabbi Yoshoua de se soumettre à sa décision. Rabbi Yoshua devrait ainsi célébrer Yom Kipour à la date prévue par le Beth Din de Rabban Gamliel, et non à la date qu’il pensait lui-même être exacte. Pour s’assurer de cette obéissance, Rabban Gamiliel convoqua Rabbi Yoshoua, en ce même jour de « Yom Kipour dissident ». Rabbi Yoshua dut ainsi prouver qu’il considérait ce jour comme n’étant pas réellement Yom Kipour, mais un jour ouvré classique.

Rabban Gamliel l’accueillit avec ces mots : « Merci d’être venu, toi qui est mon maître et mon élève. Mon maître car tu avais certainement raison et mon élève car tu as respecté mon autorité et accepté un accord. »

Dans notre tradition, le temps sacré est une co-construction entre l’humain et le divin. Il n’est pas simple de définir les modalités de sa mise en oeuvre.

Qui définit l’agenda divin ? C’est bien nous, comme le dit la Torah. L’Eternel nous a donné ce privilège. Nous avons, de plus, le pouvoir de sacraliser le temps. A chaque Chabat, à chaque fête et même à chaque instant de notre vie, nous le sanctifions.

N’oublions pas que fixer le temps engage notre responsabilité et nous oblige à assumer les conséquences de nos choix.

Paracha Kédochim : être différent ou être comme les autres ?

La paracha que nous lirons ce chabbat est double. La section « kedochim » suivra la section « aHaré mot ». Le rappel de la triste mort de deux des fils d’Aaron fera place aux instructions morales qui nous enjoignent d’être les meilleurs de nous-mêmes. Ainsi, le souvenir des difficultés du passé laissera place à l’espoir de construire un système de valeur qui se renforcera avec le temps, pour toujours plus de justice et de justice sociale.

Etre différent, ou être comme les autres ? Tout être humain, à un moment de sa vie, se pose cette question. Mais, pour les membres du peuple juif, elle revêt un caractère particulier. L’histoire et l’actualité le démontrent.

On a tout dit à propos des particularités supposées des Juifs; du bien et du mal, surtout du mal. On a parlé de race juive, de type physique juif, de comportement juif et même de gènes juifs. Sur quoi ont reposé et reposent encore ces extravagances ? En grande partie, sur l’ignorance, les préjugés, la jalousie et la crainte de la différence.

Le peuple juif est-il réellement différent ? Se veut-il différent ? N’est-il qu’un peuple quelconque parmi les autres peuples ?

La paracha Kédochim nous amène à réfléchir à ces questions complexes auxquelles il est difficile de répondre immédiatement et sans explication.

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La paracha Kédochim du sefer Vayikra (Lévitique) 19:1 à 20:27 et la spécificité du peuple juif

Le mot « kadoch » (קדוש) est très souvent cité dans la liturgie juive. Il signifie : « saint », « sacré », « séparé » ou « spécial ». Tel qu’il est employé, le mot « kadoch » exprime la volonté d’être différent. Mais, différent de qui et de quoi ?

Une phrase du Chéma Israël est significative : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est un. »

L’Eternel serait ainsi un référent unique et particulier, vers lequel nous pourrions toujours nous tourner et qui serait indéfiniment prêt à nous écouter en tant qu’enfants d’Israël.

Les deux premiers versets de la paracha vont dans le sens de la spécificité de Dieu et du peuple d’Israël qu’il a interpellé distinctement parmi les autres peuples.

Vayikra 19:1 à 19:2. L’Éternel s’adressa à Moïse en ces termes: « Parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël et dis-leur: vous devrez vous montrer saints [spéciaux], car je suis saint [spécial], moi l’Éternel, votre Dieu. »

La communauté des enfants d’Israël doit être une, spécifique, unique comme l’est l’Eternel.

Cependant, les Juifs, héritiers des enfants d’Israël, ne recherchent en aucune façon le repli sur eux-mêmes. Ils ont besoin, comme tout le monde, de se sentir appartenir à la grande famille de l’humanité. Ils partagent le défi de l’identité humaine de vouloir concilier liberté et destin commun.

Pourtant, notre tradition insiste sur le fait d’être « séparés ». C’est peut-être une manière de montrer l’importance de la diversité de l’identité humaine. Pour cette raison nous répétons à chaque bénédiction : « Tu es une source de bénédiction, Éternel, notre Dieu, roi du monde, qui nous a rendus spéciaux par tes commandements. »

En fait, nous nous voulons différents et sommes fiers d’être différents, comme tout peuple est fier de ses particularités et comme tout être humain, dans toutes les dimensions de son identité, est heureux de ce qu’il est.

Soulignons que la notion de particularité du peuple d’Israël est reprise dans un autre verset de la paracha :

Vayikra 20:26. « Et vous devrez vous montrer saints pour moi, car je suis saint, moi l’Éternel, et je vous ai séparés des autres peuples pour que vous deveniez miens. »

Nous tenons à marquer notre différence en ayant une vision singulière de la différence.

Nous nous voulons différents sans, pour autant, nous croire supérieurs. Nous sommes différents parce que nous obéissons à des commandements. Nous sommes spéciaux parce que nous réfléchissons toujours avant d’agir, parce que nous nous interrogeons toujours sur nos actes et nos habitudes, prêts à les remettre en question, comme l’ont fait avant nous les fondateurs du Judaïsme.

Au moment de l’annonce des Dix Commandements, l’Eternel a proclamé ce qui suit :

Chémot (Exode) 20:4 à 20:5. « Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les adoreras pas; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu qui réclame un attachement exclusif, qui poursuit la faute des pères sur les enfants jusqu’à la troisième génération, et jusqu’à la quatrième génération pour ceux qui m’offensent…Mais qui étend ma bienveillance à la millième génération pour ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. »

Jusqu’à « la millième génération » nous serons détenteurs d’un héritage spirituel qui nous vient de nos pères. Nous devons nous en montrer dignes par notre comportement et nos actes. Il est important pour nous-mêmes, aujourd’hui, de bien comprendre pourquoi nous sommes spéciaux et pour quelles raisons nos pères ont été choisis (élus) par Dieu.

N’oublions pas que nous devons transmettre cet héritage spirituel et notre spécificité au grand nombre de générations qui succéderont à la notre.

Terminons en citant l’économiste Jacques Attali (1943 – ) qui a précisé une de nos singularités : 

« Il [le Judaïsme] se caractérise par l’idée de progrès : le Judaïsme a apporté à la destiné humaine l’idée du temps non cyclique : nous ne sommes pas là pour subir le monde, pour le reproduire à l’identique, mais pour le transformer, le recréer. »

Paracha Metsora : les femmes sont-elles impures ?

Certains associent la pureté, la perfection et la sainteté. Cette observation pourrait être l’objet d’un article à part entière. Tel n’est pas exactement le sujet que nous traitons aujourd’hui, mais gardons cette idée en tête. La conception juive est particulière. L’impureté est pour la tradition juive un état inévitable qui nous touche lorsque notre relation à la vie est troublée par un contact direct avec la mort.

Les femmes sont-elles impures ? Concentrons nous sur cette question en parcourant le texte de la paracha Metsora.

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La paracha Metsora du sefer Vayikra (Lévitique) 14:1 à 15:33 et le retour à la pureté

A travers le principe de pureté, la paracha Metsora aborde la complexité que tout être humain découvre en songeant à ce qu’il est et à ce qu’il n’est pas. Elle décrit, par exemple, les maux touchant la peau, la peau qui délimite physiquement l’être humain tel qu’il est, dans son milieu. La paracha nous parle de la lèpre, des plaies, des écoulements pathologiques, des écoulements séminaux des hommes, des règles des femmes, en résumé de ce qui est à l’interface du corps et de son environnement.

La question de la pureté et de l’impureté se retrouve à deux niveaux. D’une part, dans les relations avec l’extérieur de nous-même et d’autre part, dans nos relations avec autrui.

Une particularité de la tradition juive est l’établissement d’un lien entre impureté et rapport à la vie. La principale source d’impureté est le contact avec la mort qui ne laisse pas indemne. Il nous inflige une blessure s’atténuant avec le temps mais ne cicatrisant jamais complètement. Il perturbe notre rapport à la vie.

Après le contact avec la mort, il est important d’être sensible à à l’état particulier qui nous touche, et une période de retrait est indispensable. Nous ne pouvons revivre immédiatement comme si rien ne s’était passé. Après avoir constaté de nos yeux que nous sommes périssables, nous ne pouvons pas trouver la joie de vivre aussi facilement qu’avant. Il nous faut du temps pour nous sentir à nouveau purs et renouer avec la vie.

Revenons à notre paracha.

Vayikra 15:1 à 15:3. Et l‘Eternel parla ainsi à Moïse et à Aaron:…« Parlez aux enfants d’Israël et dites-leur: quiconque est affligé d’un écoulement sortant de son membre génital a un écoulement impur…Voici quand aura lieu cette impureté de l’écoulement: si son membre laisse s’échapper le flux ou si il est engorgé par le flux, l’impureté a eu lieu. »

Vayikra 15:13 à 15:15. « Et quand cet homme sera délivré de son écoulement, il devra compter sept jours pour sa purification, puis il devra laver ses vêtements et baigner son corps dans une eau vive, et il sera pur… Et le huitième jour, il se procurera deux tourterelles ou deux pigeons mâles et il se présentera devant l’Eternel, à l’entrée de la Tente d’assignation, et les remettra au prêtre…Le prêtre les présentera, l’une comme offrande expiatoire, l’autre comme holocauste, et il l’absoudra devant l’Eternel de son écoulement. »

L’homme qui souffre d’un écoulement sexuel pathologique est atteint de « toumah », qui signifie « impureté ». Il doit s’éloigner de la communauté pendant sept jours, laver tous ses vêtements, puis s’immerger dans un mikvé pour retrouver la pureté. Il doit ensuite faire un don d’offrandes au Temple.

Il en est à peu près de même pour une femme, lors de son écoulement menstruel :

Vayikra 15:19. « Lorsqu’une femme a un écoulement et que l’écoulement de son corps est du sang, elle devra rester sept jours isolée dans l’impureté de ses règles et quiconque la touchera sera souillé jusqu’au soir. »

Vayikra 15:29 à 15:30. « Et le huitième jour, elle se procurera deux tourterelles ou deux pigeons mâles qu’elle apportera au prêtre, à l’entrée de la Tente d’assignation…Le prêtre présentera l’un des oiseaux comme offrande expiatoire, l’autre comme holocauste, et il l’absoudra devant l’Eternel de l’impureté de son écoulement. »

A noter également, l’impureté temporaire causée par l’accouplement :

Vayikra 15:18. « Dans le cas d’une femme qu’un homme aura habitée charnellement avec émission de semence; tous deux devront se baigner dans l’eau et seront impurs jusqu’au soir. »

En règle générale, la pureté est donc retrouvée après l’accomplissement d’un rite de purification dont les principales étapes sont le retrait pendant un à plusieurs jours, le lavage soigneux des vêtements et des objets souillés, l’immersion dans un bain rituel et l’apport d’offrandes au Sanctuaire.

Soulignons que la situation d’impureté empêche l’apport d’offrandes au Temple. Ceci signifie que l’endroit où nous donnons le meilleur de nous-mêmes, où nous devons nous sentir parfaitement nous-même, nous sentir authentiques et purs, doit être séparé et protégé des aléas de la vie.

Aujourd’hui le Temple n’existe plus. La notion de pureté a pris un sens plus large. L’impureté peut-être tout autant physique que spirituelle. Le rite de purification n’est plus matérialisé tel qu’il l’était, mais il existe encore. Il se déroule maintenant de façon symbolique, pour les femmes comme pour les hommes, dans la pratique de la tradition.

Les femmes sont-elles impures ? Elles peuvent l’être, cependant cette impureté n’est pas réservée aux femmes. Dans certaines circonstances les hommes, eux aussi, sont impurs.

Insistons sur le fait que le lien avec la tradition juive permet le retour à la « pureté », pour les femmes comme pour les hommes, la « pureté » n’est pas une essence, une qualité intrinsèque des uns qui manquerait aux autres, mais un état respectable et réversible. Lire la Torah, aller à la Synagogue, s’intégrer à la communauté, prendre ses distances périodiquement avec les tracas sont des actes qui permettent de se rattacher à ce qui compte le plus pour nous. Il est important d’identifier ce qui nous ramène au meilleur de nous-mêmes.

Paracha Tazria : alors, fille ou garçon ?

Malgré les apparences, la Torah n’est pas un ouvrage d’accès facile. Parmi les complexités à relever dans sa lecture, se trouve l’exposé du rôle des femmes.

Plusieurs femmes ont fortement marqué le parcours des hébreux et du peuple juif. Citons, entre autres, Sarah, Rebecca et Myriam. La Torah les présente de façon très honorable et leur comportement est décrit avec précision.

Cependant, la Torah met-t-elle les hommes et les femmes sur le même pied d’égalité ? Ce n’est pas certain. Les livres de la Torah offrent une place réduite aux personnalités féminines, au regard de la répercussion de leurs actes.

Mais pourquoi parlons-nous de la condition féminine dans la Torah ?

Tout simplement parce que la paracha Tazria nous en offre l’occasion. Celle-ci débute par les prescriptions de l’Éternel concernant la mise au monde des enfants d’Israël.

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La paracha Tazria du sefer Vayikra (Lévitique) 12:1 à 13:59 et l’égalité homme-femme

Vayikra 12:1 à 12:4. L’Eternel s’adressa à Moïse en ces termes: « Parle ainsi aux enfants d’Israël: lorsqu’une femme, ayant conçu, enfantera d’un mâle, elle sera impure durant sept jours, comme lorsqu’elle est isolée à cause de ses règles…Au huitième jour, on circoncira le prépuce de l’enfant…Puis, trente-trois jours durant, la femme restera dans le sang de purification. Elle ne devra toucher à rien de consacré et elle n’entrera pas dans le lieu saint avant que les jours de sa purification ne soient accomplis. »

Vayikra 12:5 à 12:6. Si c’est une fille qu’elle met au monde, elle sera impure pendant quatorze jours, comme lors de ses règles. Puis, durant soixante-six jours, elle restera avec le sang de purification…Quand sera achevé le temps de sa purification, pour un garçon comme pour une fille, elle apportera un agneau d’un an comme holocauste et un pigeon mâle ou une tourterelle comme offrande expiatoire, à l’entrée de la Tente d’assignation, et les remettra au prêtre. »

Les versets précédents nous laissent perplexes. Un effort de réflexion est nécessaire pour les interpréter et déterminer leur bien-fondé.

Ainsi, après qu’une femme ait accouché, se passe une période de transition, de repos, de retour à la vie normale; et la durée de cette période est différente selon le sexe du nouveau-né. Elle est au total de 40 jours pour un garçon et de 80 jours pour une fille, soit le double.

Cette période de repos est indispensable. L’accouchement nécessite un grand effort physique et mental pour la femme. Il est une épreuve pénible pour le corps et délicate pour l’esprit. Le risque de mourir des suites d’un accouchement était élevé à l’époque de l’écriture de la Torah; et était encore élevé, chez nous, dans un passé relativement récent. Mais cela n’explique pas la différence de durée de récupération en fonction du sexe de l’enfant.

Alors, où se trouve l’explication ? Est-elle liée à la déception d’avoir accouché d’une fille ? C’était le cas au temps de l’écriture de la Torah et c’est encore le cas dans de nombreux pays aujourd’hui. Cette explication est possible mais nous semble insuffisante.

Une théorie intéressante a été mise en avant. La condition féminine est problématique depuis toujours. En tant que femme, la mère est consciente des difficultés que son enfant aura à affronter tout au long de sa vie, s’il est de sexe féminin. Le retient-elle auprès d’elle, le plus longtemps possible, pour cette simple raison ? Pourquoi-pas ?

C’est une des réponses plausibles à ce doublement du temps par le doublement du nombre 40 (7+33). Le nombre 40 est un nombre de transition. Il est le nombre de jours de déluge à l’époque de Noé, le nombre de jours passés par Moïse sur le Mont Sinaï afin de préparer la naissance du peuple juif par le don de la Torah, le nombre de jours passés par les explorateurs en Canaan, le nombre d’années passées dans le désert par les enfants d’Israël avant qu’ils se risquent à conquérir la terre promise.

Le doublement du temps de retour à la vie normale, après la naissance d’une fille, a certainement une origine culturelle très ancienne.

Afin de donner une explication à l’inégalité homme-femme, présente dès la naissance, le Midrach fait une comparaison entre la lune et le soleil, la lune représentant la condition féminine et le soleil, la condition masculine.

La Torah nous dit que Dieu, au cours de la genèse de l’univers, a créé deux grands luminaires. Le plus petit pour la nuit et le plus grand pour le jour. Pourquoi deux luminaires, et deux luminaires différents ?

D’après le Midrach, ces deux luminaires, la lune et le soleil, étaient initialement de même taille, comme l’étaient au départ la condition féminine et la condition masculine. Cependant, la lune a supposé que dans un univers d’autorité, deux rois de même niveau ne peuvent pas s’asseoir sur le même trône; et la lune s’est tournée vers Dieu pour lui faire part de son avis. Dieu lui a répondu, comme parfois on répond aux femmes, qu’elle n’avait qu’à se réduire pour régler ce problème. Ce que la lune à fait.

Néanmoins, la lune bénéficie de compensations aujourd’hui encore. La fête de Roch Hodech (début de mois) est dédiée à la lune et celle-ci, dès qu’elle apparaît, est consolée au moyen d’une bénédiction spéciale lui confirmant qu’elle ne sera jamais oubliée.

Dans les pays où l’égalité homme-femme est loin d’être parfaite, la coutume veut que soit apportée une attention particulière à la place de la femme dans la société. Les exemples ne manquent pas. Mais cela ne règle en rien le problème du déséquilibre selon le sexe.

Soulignons que ce déséquilibre n’a rien d’inéluctable et que les différences naturelles entre hommes et femmes peuvent facilement être surmontées. Ce n’est qu’une question d’adaptation.

Travaillons à cela dès maintenant, sans attendre l’ère messianique qui fera peut-être reprendre la même taille aux deux grands luminaires. Nous ne serons plus alors dans un paradigme de concurrence. Nous serons dans un paradigme de collaboration équilibrée où deux forces équivalentes coexisteront et formeront un ensemble à haut potentiel.

Nous conseillons aux gens en manque de passion de s’investir dans la création de structures à égalité homme-femme parfaite. L’évidence les rattrapera. Ils seront tout étonnés de ne pas avoir à demander aux femmes ce qui leur manque et seront peut-être déçus de trouver cette mission trop facile concrètement. Si obstacle il y a, il sera culturel.

Paracha Chémini : comment éviter les dangers du faux sacré ?

L’expression « faux sacré » nous fait penser à la connivence très répandue du pouvoir et du sacré pour diriger une nation et un peuple.

Il n’y a pas de pouvoir possible sur un peuple sans un large déploiement de symboles abstraits ou concrets et sans un style de gouvernance qui se donne, sous certains aspects, l’apparence du sacré.

Abordons la paracha Chémini.

Le Judaïsme voit le jour. Le sacré tangible apparaît avec le Sanctuaire, les Cohanim et le rite officiel. Le faux sacré apparaît aussi, comme nous le verrons. Quels dangers présente ce faux sacré? Comment les éviter?

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La paracha Chémini du sefer Vayikra (Lévitique) 9:1 à 11:47 et la crainte du faux sacré

Nous sommes au huitième jour. Et c’est là, le commencement de notre histoire. « Chémini », le nom de la paracha, signifie « huitième ».

L’édification du Sanctuaire est achevée, les sept jours de consécration de Aaron et de ses quatre fils sont révolus. Le protocole rituel est établi. Les Cohanim peuvent maintenant officier.

Vayikra 9:1. Et il advint, le huitième jour, que Moïse interpella Aaron et ses fils, ainsi que les anciens d’Israël.

Tout débute à merveille. Les offrandes sont présentées à l’Éternel devant la Tente d’assignation. Moïse et Aaron bénissent le peuple puis, soudain, un éclair fulgurant jaillit et enflamme les offrandes.

Vayikra 9:23 à 9:24. Moïse et Aaron entrèrent dans la Tente d’assignation. Ils ressortirent et bénirent le peuple; alors la gloire de l’Eternel se manifesta à tout le peuple…Un feu s’élança de devant l’Eternel et consuma, sur l’autel, l’holocauste et les graisses. A cette vue, tous les membres du peuple crièrent de joie et tombèrent sur leur face.

Peu après, deux fils d’Aaron, Nadab et Abihou, interviennent et présentent sur l’autel un autre feu; acte non prescrit par le rite. Ils sont aussitôt terrassés par un éclair venu des cieux.

Vayikra 10:1 à 10:2. Puis les fils d’Aaron, Nadab et Abihou, prenant chacun leur encensoir, y mirent du feu sur lequel ils jetèrent de l’encens, et apportèrent devant l’Eternel un feu profane sans qu’il le leur eût commandé…Alors un feu s’élança de devant l’Eternel et les dévora, et ils moururent devant l’Eternel.

Pour quelle raison Nadab et Abihou ont-ils agi ainsi ? Se sont-ils emparés du sacré pour s’en glorifier, pour se mettre au premier plan, pour revendiquer un certain pouvoir ? Pourquoi ont-ils apporté sur l’autel du faux sacré à la place du feu sacré ?

Cet événement nous amène donc à nous interroger sur le sens du sacré, sur ce qui est authentiquement sacré et sur l’objet de l’appropriation du sacré. Questions à se poser sur un plan général, au delà du cas particulier de notre paracha.

Après la mort de Nadab et Abihou c’est la consternation. Moïse tente de réconforter Aaron, de le consoler de la perte de ses deux fils.

Vayikra 10:3. Moïse dit alors à Aaron: « C’est là ce qu’avait déclaré l’Eternel en disant: Je veux être sanctifié par ceux qui me sont proches et glorifié devant la face de tout le peuple ! » Et Aaron garda le silence.

Aaron s’abstient de tout commentaire parce qu’il ne comprend pas bien en quoi ses deux fils ont fauté. La mort de Nadab et Abihou rachète-elle leur faute à travers le fait qu’elle sanctifie Dieu ? La mort d’êtres humains peut-elle faire partie de la sanctification de Dieu ?

Ce qui suit est l’interdiction, faite à tous les Cohanim, de consommer des boissons alcoolisées juste avant d’assurer le service du Temple. Les Cohanim doivent rester pleinement lucides dans l’exercice de leur fonction et entièrement conscients de leurs responsabilités.

Vayikra 10:8 à 10:11. L’Eternel parla ainsi à Aaron:…« Tu ne boiras ni vin ni boisson enivrante, toi comme tes fils, quand vous aurez à entrer dans la Tente d’assignation…afin de pouvoir distinguer le sacré du profane et l’impur de ce qui est pur…et afin d’instruire les enfants d’Israël dans toutes les lois que l’Eternel leur a transmises par Moïse. »

La sanction par la mort de Nadab et Abihou nous paraît à priori inacceptable. Néanmoins, elle nous conduit à donner un avis sur le faux sacré et le sacré.

L’invention du faux sacré est dangereuse en elle-même. Elle est une façon d’abuser les gens. Le faux sacré est une arme illégitime de prise de pouvoir. Cependant, le sacré authentique est-il totalement vertueux ? Mourir pour le sacré, comme mourir pour Dieu, est sans fondement dans le Judaïsme. Le Lévitique nous dit bien que l’homme fera les commandements et qu’il vivra grâce à eux.

Dans le Talmud Yoma nous trouvons la règle de PikouaH néfech (פיקוח נפש) qui donne la priorité à la vie humaine. Un verset du Deutéronome (Devarim) va dans ce sens :

Devarim 30:19. « Je prends à témoin, en ce jour, le ciel et la terre: j’ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et le malheur. Tu devras choisir la vie ! Et tu vivras alors, toi et ta postérité. »

La vie a la préséance. Nous ne pouvons honorer Dieu qu’en étant vivants. C’est ce qui est dit au cours de l’office du matin : « l’âme de tout vivant peut louer Dieu ». C’est ce qui est dit également dans le Hallel : « ce ne sont pas les morts qui peuvent louer Dieu ».

Par défaut, comme l’a sans doute fait Moïse pour consoler Aaron, nous disons parfois que certains sont morts « al kiddouch hachem », « pour sanctifier le nom », c’est à dire le nom de Dieu.Cela ne signifie pas qu’il fallait qu’ils meurent « au nom de Dieu » mais simplement que la façon dont ils se sont confrontés à la mort est une éloge héroïque à la vie. C’est une façon de dire que leur assassinat, inacceptable, n’enlève pas le sens profond de ce qu’ils ont été.

A notre avis, ce qui sanctifie réellement le nom divin est d’aimer la vie constamment, de la trouver toujours belle, malgré les obstacles de son parcours et les moments pénibles qu’elle nous réserve.

C’est un défi de percevoir la valeur de la tradition juive et l’élan de vie qu’elle porte en elle. La vie sous toutes ses formes est le summum du sacré authentique. Lorsque nous traversons des moments difficiles, le faux sacré peut être une tentation, mais lorsqu’on s’est créé une vie pleine de sens, insérée dans un réseau social qui nous soutient, nous avons les outils pour lui résister.

Constituer ce réseau est le défi permanent de chacune et de chacun, le cadre de notre tradition est une façon de relever ce défi.

 

Paracha Tsav : que symbolise le sang ?

Dans la tradition juive, le sang représente l’âme de la vie, et la vie est sacrée. Ceci explique pourquoi il nous est rigoureusement interdit de consommer le sang de tout être vivant.

Cette interdiction est incluse dans les lois NoaHides, dans la Loi Mosaïque, et dans la Halakha, la Loi juive dans ses évolutions historiques et actuelles.

Le sang représente la vie, et pourtant le sang inspire très souvent de la répulsion. Est-ce parce que l’écoulement de sang est en rapport avec la mort, ou pour d’autres raisons ?

Par ailleurs, le sang ne symbolise-t-il que la vie biologique dans la tradition juive ?

 Réfléchissons à ces questions en lisant la paracha Tsav.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La Paracha Tsav du sefer Vayikra (Lévitique) 6:1 à 8:36 et la symbolique du sang

Notre paracha décrit l’utilisation du sang dans la consécration du Temple (le michkan), et des prêtres (les Cohanim), que sont Aaron et ses fils.

Vayikra 8:30. Alors Moïse prit de l’huile d’onction et du sang qui était près de l’autel et en fit l’aspersion sur Aaron et sur ses vêtements, puis sur ses fils et sur les vêtements de ses fils. Ainsi il consacra Aaron et ses vêtements, et avec lui ses fils et les vêtements de ses fils.

Que signifie l’utilisation du sang dans cette consécration ? Que signifie-t-elle dans la tradition juive et pour l’humanité toute entière ?

Il y a une notion d’interdit autour du sang. Le sang est associé à la vie, mais aussi à la mort. Rappelons que dans les textes bibliques, le mot « sang » est souvent utilisé pour désigner le « meurtre »; une métonymie qui prend sa source dans le récit de l’assassinat de Abel par Caïn.

Béréchit 4:10. Dieu dit: « Qu’as-tu fait ? Écoute ! Le sang de ton frère crie du sol vers moi. »

Il est écrit dans le Lévitique, qu’après avoir égorgé un animal nous devons mettre son sang hors de vue, l’ensevelir, le recouvrir de terre ou de sable. Le sang est un attribut particulier de l’animal que nous ne devons pas nous approprier.

Nous avons le devoir de respecter les animaux dont nous mangeons la chair. Il est prescrit dans le Judaïsme d’assurer au mieux le bien-être des animaux en cours d’élevage et de leur donner la mort en les vidant de leur sang le plus rapidement possible; le reliquat de sang étant ensuite éliminé par absorption par le sel.

Entre autres symbolisations, le sang représente la catastrophe et la mort. La première des dix plaies d’Égypte, qui a permis la fuite des hébreux soumis à l’esclavage, a été la transformation de l’eau du Nil en sang.

Chémot 7:17 à 7:18. Ainsi parle l’Éternel: « Voici qui t’apprendra que je suis l’Éternel ! Je vais frapper, de cette verge que j’ai à la main, les eaux du fleuve et elles se transformeront en sang…Les poissons du fleuve mourrons, le fleuve deviendra infect et les Égyptiens renonceront à boire de son eau. »

Toutefois, le sang ne représente pas seulement l’aspect morbide de l’existence, dont nous devrions nécessairement nous démarquer. Le sang symbolise aussi la vie, en ce qu’elle a de sacré, et la fertilité.

L’arrivée des règles chez les jeunes filles est le point de départ de l’engendrement. Lors d’un accouchement, l’enfant voit le jour pendant que le sang se répand.

Le sang évoque le passage de la vie à la mort, comme le passage de la mort à la vie. L’esclavage peut-être assimilé à la mort, et la vie à la liberté.

Peu avant leur sortie d’Égypte, les enfants d’Israël se sont différenciés de l’ensemble de la population en badigeonnant le linteau des portes de leurs demeures de sang d’agneau. C’est ainsi qu’ils ont échappé à la dixième plaie d’Égypte, l’immolation des premiers nés.

Ce sang au linteau des portes est à l’origine de la mézouzah (מזוזה) actuelle apposée à l’entrée des maisons et des pièces. Le sang a été remplacé par l’écrit, l’écrit des rouleaux de parchemin introduits dans les mézouzot.

Citons aussi la brit milah (בְרִית מִילָה), la circoncision des nouveaux nés mâles à l’âge de huit jours. Brit milah, veut dire en français « alliance par la circoncision ». Il se produit pendant cette opération un écoulement symbolique de sang qui marque l’entrée de l’enfant dans l’Alliance et l’éducation juive.

Revenons à notre paracha. Moïse a consacré Aaron et ses fils, les premiers Cohanim, par l’aspersion d’un mélange d’huile et de sang sur leurs corps et sur leurs vêtements de prêtres. Le sang apparaît ici comme un symbole de sanctification nécessaire au sacerdoce.

Lisons la suite :

Vayikra 8:33 à 8:34. « Et vous ne quitterez pas le seuil de la Tente d’assignation durant sept jours, jusqu’au terme des jours de votre installation: car votre installation doit durer sept jours…Comme on a procédé en ce jour, l’Éternel a ordonné qu’on procède encore, pour achever votre propitiation. »

Après les avoir consacrés, Moïse ordonne aux Cohanim de se tenir sept jours et sept nuits à l’entrée de la Tente d’assignation afin qu’ils se préparent à l’accomplissement de leur mission sacrée.

L’humanité, dans son ensemble, accorde beaucoup d’importance au sang sur le plan religieux, ethnique, politique, sociétal, scientifique, médical… Pour tous les peuples, le sang, qui est le vecteur de la vitalité, incite au respect.

Le sang est également une composantes des sacrifices tels qu’ils étaient pratiqués à la période de Moïse et pendant es périodes du premier et du deuxième temple. C’est ici l’occasion de parler du sacrifice d’Isaac qui a été un non-sacrifice et de souligner l’abomination que représente le sacrifice rituel humain pour les Juifs de toutes les époques.

Le sang est donc un symbole à multiples facettes. Il nous renvoie fondamentalement aux grandes transitions de nos vies et nous invite à nous souvenir que notre vie est précieuse et sacré, dans chacune des minutes qui la compose.

Paracha Vayikra : comment éviter de se sacrifier ?

Ouvrons le sefer Vayikra, le Lévitique, troisième des cinq livres de la Torah.

Ce livre doit son nom à Lévi, fils de Jacob, fondateur de l’une des douze Tribus d’Israël dont les descendants, les Lévites, avaient la charge du service du Temple. Les prêtres, les Cohanim, étaient tous issus de la Tribu de Lévi et les premiers d’entre eux furent Aaron et ses fils.

Le Lévitique est composé de 27 chapitres qui relatent l’exposé des lois et des rites formulé par l’Éternel. La première paracha, la paracha Vayikra, nous présente les prescriptions de l’offrande et du sacrifice.

Comment éviter de se sacrifier ? Dévoilons cette expression énigmatique en nous concentrant sur ce passage du Lévitique.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayikra du sefer Vayikra (Lévitique) 1:1 à 5:26 et le sens des korbanot

Vayikra (וַיִּקְרָא) signifie : « et il appela ».

Abordons les deux premiers versets de la paracha.

Vayikra 1:1 à 1:2. Et l‘Éternel appela Moïse depuis la tente de réunion et lui parla en ces termes:…« Parle aux enfants d’Israël et dis-leur… »

Dieu interpelle Moïse afin de lui signifier un événement majeur dans la vie du peuple juif : le cadre de la pratique du Judaïsme est mis en place et des règles importantes sont instituées.

Nous pourrions commencer simplement par détailler ces règles, cependant l’appel que nous venons de citer est emblématique des rapports entre Dieu et Moïse.

Selon Rachi, avant même qu’il y ait la parole il faut qu’il y ait l’appel; et cet appel est un signe d’amour. Il marque la bienveillance que Dieu témoigne à Moïse. Moïse est capable de comprendre la parole de Dieu. Le langage entre Dieu et Moïse est un langage de relation intime, un langage d’amour.

De la part de Rachi, il s’agit également d’une allusion à ce qui se passe entre les anges, à ce qui est relaté dans la Kédoucha (קְדֻשָּׁה), cette partie de la Amida nécessitant le minian, soit un minimum de dix personnes priant ensemble. Dans la Kédoucha nous nous tournons les uns vers les autres et de cette manière nous nous interpellons d’un même langage. L’autre peut alors nous amener à envisager le changement dans notre vie.

En hébreu le même mot traduit « lecture » et « appel ». C’est ainsi que lorsque nous lisons le Chéma Israël, nous appelons le Chéma Israël. Quand nous lisons la Torah, nous appelons la Torah et nous sommes interpellés par ce texte.

Maïmonide fait le lien entre le langage de l’appel et celui de l’enseignement dans « Le Guide des égarés », en particulier de l’enseignement des offrandes (korbanot) et des sacrifices. À noter que l’ensemble de cet enseignement se trouve dans le Lévitique.

Vayikra 1:3. « Si son offrande (korban) est un holocauste pris dans le gros bétail, se sera un mâle en parfait état. Il le présentera de son plein gré devant l’Éternel, au seuil de la tente de réunion. »

Korban/קרבן, au pluriel korbanot/קרבנות, a pour racine karov/קרב qui veut dire « approcher, apporter ». Korban, improprement traduit par « sacrifice », signifie « offrande rituelle ».

L’Éternel exigeait que les enfants d’Israël se rapprochent des Cohanim à travers les korbanot.

À l’époque du Temple, il existait divers types de korbanot. Il s’agissait le plus souvent d’animaux de petit ou de gros bétail qui étaient abattus rituellement, cuits au feu et consommés par les personnes qui les avaient apportés, à l’exception des parts qui revenaient de droit aux Cohanim et de ce qui était interdit à la consommation (sang, graisse…). À défaut de bovin, de mouton ou de chèvre, il était possible d’apporter au Temple des tourterelles, des pigeons, du pain non levé ou les prémices de la récolte.

Maïmonide nous dit aussi que les enfants d’Israël ont besoin d’exprimer leur relation à Dieu à l’aide d’éléments concrets et matériels. Sinon, ils risquent de se tourner vers l’idolâtrie, comme cela a été le cas lors de la faute du veau d’or. Il a donc été nécessaire de matérialiser le culte au moyen du Sanctuaire et des korbanot.

Revenons au terme « sacrifice ». Comme nous l’avons dit « korbanot » ne veut pas dire « sacrifice ». Sacrifier signifie étymologiquement « rendre sacré », mais souvent ce mot renvoi à un type de dévouement qui implique l’oubli de soi, l’abandon de ses propres besoins. En ce sens, se sacrifier, c’est s’éloigner. Quand nous nous sacrifions pour l’autre, des attentes non exprimées perturbent nos relations avec l’autre et nous éloignent de lui.

Korban signifie le contraire puisque sa racine karov/קרב se traduit par « approcher ». Une offrande, un korban, nous permet de nous rapprocher de nous-même, et peut-être de nous rapprocher de Dieu.

En fait, Maïmonide nous dit que Dieu s’adresse aux êtres humains dans leur langage, en tenant compte de l’époque de leur existence; et l’époque des korbanot, au sens d’offrandes, est maintenant dépassée.

Moïse Nahmanide, rabbin du XIIIᵉ siècle, pense autrement. Pousser les gens à apporter des offrandes dans un sanctuaire pour se racheter n’est pas la bonne méthode. Il vaut mieux qu’un maître du culte aide ces personnes, au cas par cas, à mesurer l’étendue de leurs fautes et à les dépasser.

Alors, comment éviter de nous sacrifier et d’espérer vainement la récompense de notre sacrifice? 

Éviter de nous sacrifier c’est voir le korban autrement qu’une offrande, l’appréhender sous la forme d’un rapprochement. Cette manière de traiter la question est celle qui a cours aujourd’hui. La démarche de rapprochement est soit individuelle, soit collective.

La démarche individuelle :

Le korban est l’acte de nous rapprocher du Rabbin, qui a succédé au Cohen, pour lui exprimer nos difficultés et lui demander de nous aider à les traiter de façon positive et constructive. Si les difficultés sont des fautes, ce rapprochement devient l’équivalent d’un korban de réparation.

La démarche collective :

C’est une démarche de rapprochement dans le lieu de culte, une démarche de prière, de réflexion et de recueillement collectifs. Avec le Rabbin nous abordons l’Avodat Halev, la prière du cœur. Nous récitons la Kédoucha en nous interpellant les uns les autres, d’un même langage, en essayant de saisir au vol un quelconque message précieux.

La récompense du rapprochement, c’est le bonheur immédiat qu’il apporte aux deux parties, et c’est à cette récompense que nous souhaitons accéder dans notre investissement communautaire, amical et familial.

Paracha Pékoudé : à qui appartient le sacré ?

Quel est le sens du sacré ?

En théorie, le sacré s’oppose au profane défini comme étant la réalité ordinaire. L’adjectif « sacré » a été largement vulgarisé mais, dans son sens premier, il qualifie ce qui appartient intimement au domaine religieux, donc ce qui est à l’écart de la réalité ordinaire.

Que représente le sacré dans le Judaïsme ? Citons quelques exemples : des textes religieux tels que la Torah, des lieux de culte tels que le Tabernacle, les Temples de Jérusalem, les Synagogues, un territoire tel que la Terre d’Israël, des objets symboliques tels que la Ménorah, les téfilines…

D’autres questions se posent à propos du sacré dans le Judaïsme. Qui est à l’origine du sacré ? À qui appartient le sacré ? La paracha Pékoudé donne des éléments de réponse à soumettre à notre réflexion.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Pékoudé du sefer Chémot (Éxode) 38:21 à 40:38 et le sens du sacré dans le Judaïsme

Le sacré est-il l’affaire de personnages éminents, dotés d’un savoir particulier, détenant la vérité suprême et devant lesquels il faudrait s’incliner ? Ou bien, la création du sacré, l’expression du sacré sont-elles à la portée de chacun d’entre nous ?

L’Éternel a donné des instructions très précises à Moïse au sujet de la fabrication du premier temple juif, le Tabernacle, et de ses accessoires. Un personnage prend en charge la responsabilité de la construction de ce premier temple. Ce n’est ni Moïse, ni Aaron. C’est un expert en la matière. Il appartient à la Tribu de Juda et se nomme Betsalel.

Nous constatons ici que la création du sacré n’est pas réservée aux interlocuteurs de l’Éternel. Elle est déléguée à un spécialiste de la construction; un homme qualifié mais un homme comme les autres.

Un verset de la paracha est à lire avec attention :

Chémot 38:22. Et Betsalel, fils d’Uri, fils de Hur, de la Tribu de Juda, fit tout ce que l’Éternel avait ordonné à Moïse.

Betsalel ne fait pas ce que Moïse lui dit de faire. Il fait ce que Dieu a demandé de faire à Moïse. Rachi nous invite à bien comprendre cette nuance. Selon le Midrach, Moïse a fait une erreur. Il a demandé à Betsalel de fabriquer les accessoires et ustensiles du Temple (le Tabernacle) et ensuite, de construire le Temple. Betsalel lui a indiqué qu’il serait mieux de faire l’inverse pour des raisons techniques. Moïse aurait pu s’indigner de cette objection. Au contraire, il a approuvé la remarque pleine de bon sens de Betsalel et lui a répondu : « Tu as raison. »

Le Talmud BraHot commente l’incident  en se référant au nom du bâtisseur : « Tu as été appelé Betsalel parce que tu es dans (bé) l’ombre ( tsel) de Dieu (el) et que tu sais par toi-même ce que tu dois faire. »

Dans le Judaïsme, de façon générale, il n’est pas question d’obéir à une exigence avant de s’interroger sur sa justification. Rappelons-nous qu’un des grands principes de la Halakha est la logique.

Betsalel se charge donc de la construction du Temple, secondé par Oholiab de la Tribu de Dan, dont la spécialité est le travail du tissu. Ensuite, le chapitre 39 de la paracha nous décrit la réalisation des habits des maîtres du culte : Aaron, le Grand Prêtre, et ses fils qui devront l’assister.

Deux particularités de l’habit du Grand Prêtre ont beaucoup d’importance :

– La représentativité de l’ensemble du peuple d’Israël est symbolisée au niveau des épaulières et du pectoral. Deux pierres de choham (Agate ou Onyx), sur lesquelles sont gravées les noms des douze Tribus d’Israël, sont implantées sur les épaulières. Sur le pectoral, sont enchâssées douze pierres précieuses représentant chacune l’une de ces Tribus.

– Sur la coiffe du Grand Prêtre est fixé un fronteau d’or portant la mention « Consacré à l’Éternel » (Kadoch la Adonaï / קֹדֶשׁ לַיהוָה).

Chémot 39:30 à 39:31. Finalement on fit la plaque sacrée en or pur, et l’on y traça cette inscription gravée comme sur un sceau: « Consacré à l’Éternel »…On y fixa un cordonnet bleu pour la mettre tout en haut de la coiffe, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.

Les téfilines que l’on met le matin, et qui renferment des textes sacrés, ont pour origine ce fronteau d’or. Elles sont citées par le Chéma Israël dont une des sources est le Deutéronome (Devarim).

Devarim 11:18. « Et vous devrez mettre mes paroles sur votre cœur et dans vos pensées. Attachez-les sur votre bras comme un symbole et portez-les en fronteau entre vos yeux. »

Le mot « tsits » (צִיץ), du verset 39:30 de la paracha, nous fait penser à « tsitsit » (צִיצִת), les franges, terme cité dans le livre des Nombres (Bamidbar) et repris également par le Chéma Israël.

Bamidbar 15:38 à 15:39. « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur qu’ils devront se faire des franges [tsitsit] aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur…Cela formera pour vous des franges dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Éternel… »

Les dignitaires de la Perse antique portaient des vêtements ornés de franges, et le nombre de franges croissait selon leur niveau de respectabilité et de notoriété. Les hébreux ont peut-être été influencés par cette coutume qui en tout cas apporte un éclairage intéressant. En portant tous des vêtements à 4 franges, nous proclamons notre égalité.

Aujourd’hui comme hier, le port du talit à quatre coins, orné de franges symbolisant les commandements, traduit notre sens du respect, de la dignité et de l’engagement.

Les livres de la Torah nous décrivent sans mystère, et avec précision, comment le sacré a été créé et ce qu’il signifie. Est-ce pour nous indiquer que la création du sacré n’est pas achevée et que chacun a toujours sa place, en fonction de son savoir-faire, dans la progression du Judaïsme ?

La lecture de la Torah nous apprend que le sacré peut être créé directement ou indirectement par chacun d’entre nous, dans la solidarité. Elle nous fait comprendre aussi, que nous sommes tous responsables de sa sauvegarde et de son expression.

Par ailleurs, les rabbins nous montrent que le savoir appartient à tous, que l’approche du sacré est permise à toute personne sincère; en particulier quand ils nous désignent avec précision, lors de certains offices, les versets de la Torah en cours de lecture.

Comment conclure ? Peut-être en écrivant que le sacré appartient à toutes les personnes qui le comprennent, le le respectent, et participent à son renouvellement permanent.

Paracha Vayakel : faut-il parfois s’écarter pour mieux se voir ?

La paracha Vayakel est la paracha du rassemblement. Voyons dans quel contexte elle se situe, pour bien la comprendre.

Moïse a repris son peuple en main après la faute du veau d’or. Les Tables de la Loi ont été gravées une seconde fois en haut du Mont Sinaï, mais cette fois-ci de façon définitive.

Le Tabernacle, le Michkan, est totalement conçu. Il faut, à présent, confectionner les pièces qui le composent et les assembler.

Le Grand Prêtre et ses assistants, désignés par l’Éternel, sont sur le point d’entrer en action. Le rituel, ainsi que les tenues qu’ils devront porter, ont été clairement définis.

Ainsi, les enfants d’Israël se rassemblent pour entrer dans la phase active de constitution du peuple Juif et de la religion juive.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayakel du sefer Chémot (Éxode) 35:1 à 38:20 et le paradoxe du rassemblement par la séparation

De façon générale, il est agréable et bénéfique d’être à deux, ou en groupe, à condition que chacun ait suffisamment d’espace pour s’épanouir. L’être humain a toujours besoin d’un minimum d’intimité et d’autonomie dans son comportement et sa pensée.

Pourquoi parlons-nous des conditions d’un rassemblement fructueux ?

La réponse est dans la paracha Ki Tissa. Les enfants d’Israël se sont mis à douter. Ils sont partis à la recherche de l’épanouissement et de la cohésion communautaire par le chemin de l’idolâtrie. Ils ont cru les trouver en s’inclinant autour d’un veau de métal.

Ils se sont ainsi écartés brutalement de l’Éternel, leur créateur et leur libérateur. Cependant, Moïse est venu les remettre sur le droit chemin; ceci de façon très énergique, afin de dissiper tous leurs doutes.

C’est cet écart qui leur fait prendre pleinement conscience de leur erreur et leur montre la voie à suivre. Cet écart les pousse, maintenant, à se retrouver tous ensemble dans la construction du judaïsme.

La première étape de cette construction est le respect du Chabbat en commun; le Chabbat qui permet de reprendre des forces, de consacrer du temps à ses proches et de se retrouver soi-même.

Chémot 35:1 à 35:3. Moïse convoqua toute la communauté des enfants d’Israël et leur dit: « Voici les paroles que l’Éternel a ordonné d’observer…Pendant six jours on pourra travailler, mais le septième jour sera quelque chose de saint, un Chabbat de repos absolu en l’honneur de l’Éternel. Quiconque travaillera ce jour là sera mis à mort…Vous ne devrez allumer aucun feu, en ce jour de repos, dans aucune de vos demeures. »

Immédiatement après, la générosité par le don (teroumah/תְּרוּמָה) et l’investissement personnel deviennent l’objet d’un élan unanime.

L’objectif est la réalisation du Michkan (le Tabernacle), dans toute sa grandeur; le Michkan qui est en lui-même un lieu de rassemblement, de réflexion et de prière ouvert à tous, comme on le dira plus tard à propos du Temple de Jérusalem.

Chémot 35:4 à 35:6. Puis Moïse dit à l’ensemble des enfants d’Israël: « Voici ce que l’Éternel m’a ordonné de vous dire:…‘Prélevez sur vos biens un don pour Dieu. Que toute personne dont le cœur l’y invite apporte sa contribution à l’Éternel: de l’or, de l’argent, du cuivre…et du fil bleu, et de la laine teinte…' »

Tout le monde apporte ce qu’il peut apporter, et après cet élan de générosité sans limite, arrive le moment de mettre un frein à la fourniture d’offrandes.

Chémot 36:4 à 36:7. Tous les artisans qui travaillaient aux diverses parties de la tâche sacrée, revinrent l’un après l’autre de leur travail…et dirent à Moïse: « Le peuple apporte beaucoup plus que ce qu’exige l’ouvrage que l’Éternel a ordonné de faire »…Sur l’ordre de Moïse, on fit circuler dans le camp cet avis: « hommes et femmes n’apportez plus de matériaux pour la sainte contribution. » Et le peuple s’abstint de faire des offrandes…Les matériaux suffirent pour l’exécution de tout l’ouvrage et furent plus que suffisants.

Mission difficile que de dire aux gens du peuple qui donnent, qu’ils donnent trop. Le peuple a besoin de comprendre pour avoir confiance et être généreux. Il a besoin de connaître les objectifs à atteindre et savoir dans quel cadre il évolue.

Ce cadre, que l’on ne désigne pas, est la relation avec Dieu. La présence d’un écran (massaH/מָסָךְ), entre le Saint des Saints et l’assemblée, le laisse deviner.

Chémot 36:37. Ensuite on fit pour l’entrée de la tente un écran protecteur de fil bleu et de laine teinte…

Pourquoi cet écran protecteur, cette séparation ? Sans doute pour apporter de la solennité et engendrer le respect. L’assemblée doit voir, mais ne doit pas tout voir.

Le rapprochement est à faire avec la structure des cabanes de Soukot. Le toit de ces cabanes est une frontière perméable. Ce toit laisse entrer un peu de clarté mais fournit suffisamment d’obscurité pour permettre la contemplation des étoiles dans les cieux. Il permet de voir au dehors, tout en protégeant.

Ce principe de frontière perméable est à rapprocher du principe de liberté encadrée.

Il est à citer en ce qui concerne l’idolâtrie : une idole, telle que le veau d’or, est un leurre qui ne laisse rien voir, qui bloque toute réflexion et toute compréhension, qui est dépourvu, justement, d’une frontière perméable.

Par ailleurs, pendant la fête de Pourim, nous nous amusons à porter des masques pour leurrer les autres, comme le ferait une idole. Nous nous donnons un autre visage pour finalement nous révéler en ôtant nos masques. Nous nous différencions pour mieux nous faire reconnaître. Nous nous écartons de nous-mêmes pour mieux être vus. Le mot masseHa qui signifie masque en hébreu est le qualificatif qui est justement appliqué aux fausses divinités: élohé masséHa: des dieux-masques.

Complétons cette image en parlant d’un élément très important du Temple, la cuve de purification. Dans notre paracha, sont citées des femmes très impatientes qui apportent des miroirs de cuivre, comme offrande, pour réaliser cette cuve.

Chémot 38:8. Puis il fabriqua la cuve en cuivre et son support, de même en cuivre, au moyen des miroirs des femmes qui s’étaient attroupées à l’entrée de la Tente de réunion.

Moïse hésite à accepter cette offrande et interroge l’Éternel. Un miroir n’est-il pas un objet futile de vanité ? Un miroir est-il compatible avec la purification, le retour vers soi-même, avant l’entrée dans le Temple ? Dieu lui répond qu’il approuve totalement l’utilisation des miroirs.

Le Midrach justifie cette approbation ainsi : le miroir permet de se voir à deux. C’est en partie grâce à des miroirs que le peuple d’Israël a pu se renouveler et survivre pendant les années d’esclavage en Égypte. Les femmes allaient rejoindre leurs époux dans les champs. Elles se faisaient admirer en posant à côté d’eux, face à leurs miroirs. De cette façon, elles les (re)séduisaient et parvenaient à éveiller leur désir.

Pour conclure, disons que très souvent, le fait de s’éloigner, de prendre ses distances pour mieux voir et mieux être vu, pour mieux comprendre aussi, permet de se retrouver avec des liens plus forts. Ce qui a été le cas des enfants d’Israël quand ils se sont écartés de l’Éternel pour adorer le veau d’or. Ils ont compris leur erreur après l’avoir commise. Ils se sont alors vite retrouvés et rassemblés autour de Moïse pour repartir sur de bonnes bases.