Paracha Chémini : comment éviter les dangers du faux sacré ?

L’expression « faux sacré » nous fait penser à la connivence très répandue du pouvoir et du sacré pour diriger une nation et un peuple.

Il n’y a pas de pouvoir possible sur un peuple sans un large déploiement de symboles abstraits ou concrets et sans un style de gouvernance qui se donne, sous certains aspects, l’apparence du sacré.

Abordons la paracha Chémini.

Le Judaïsme voit le jour. Le sacré tangible apparaît avec le Sanctuaire, les Cohanim et le rite officiel. Le faux sacré apparaît aussi, comme nous le verrons. Quels dangers présente ce faux sacré? Comment les éviter?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Chémini du sefer Vayikra (Lévitique) 9:1 à 11:47 et la crainte du faux sacré

Nous sommes au huitième jour. Et c’est là, le commencement de notre histoire. « Chémini », le nom de la paracha, signifie « huitième ».

L’édification du Sanctuaire est achevée, les sept jours de consécration de Aaron et de ses quatre fils sont révolus. Le protocole rituel est établi. Les Cohanim peuvent maintenant officier.

Vayikra 9:1. Et il advint, le huitième jour, que Moïse interpella Aaron et ses fils, ainsi que les anciens d’Israël.

Tout débute à merveille. Les offrandes sont présentées à l’Éternel devant la Tente d’assignation. Moïse et Aaron bénissent le peuple puis, soudain, un éclair fulgurant jaillit et enflamme les offrandes.

Vayikra 9:23 à 9:24. Moïse et Aaron entrèrent dans la Tente d’assignation. Ils ressortirent et bénirent le peuple; alors la gloire de l’Eternel se manifesta à tout le peuple…Un feu s’élança de devant l’Eternel et consuma, sur l’autel, l’holocauste et les graisses. A cette vue, tous les membres du peuple crièrent de joie et tombèrent sur leur face.

Peu après, deux fils d’Aaron, Nadab et Abihou, interviennent et présentent sur l’autel un autre feu; acte non prescrit par le rite. Ils sont aussitôt terrassés par un éclair venu des cieux.

Vayikra 10:1 à 10:2. Puis les fils d’Aaron, Nadab et Abihou, prenant chacun leur encensoir, y mirent du feu sur lequel ils jetèrent de l’encens, et apportèrent devant l’Eternel un feu profane sans qu’il le leur eût commandé…Alors un feu s’élança de devant l’Eternel et les dévora, et ils moururent devant l’Eternel.

Pour quelle raison Nadab et Abihou ont-ils agi ainsi ? Se sont-ils emparés du sacré pour s’en glorifier, pour se mettre au premier plan, pour revendiquer un certain pouvoir ? Pourquoi ont-ils apporté sur l’autel du faux sacré à la place du feu sacré ?

Cet événement nous amène donc à nous interroger sur le sens du sacré, sur ce qui est authentiquement sacré et sur l’objet de l’appropriation du sacré. Questions à se poser sur un plan général, au delà du cas particulier de notre paracha.

Après la mort de Nadab et Abihou c’est la consternation. Moïse tente de réconforter Aaron, de le consoler de la perte de ses deux fils.

Vayikra 10:3. Moïse dit alors à Aaron: « C’est là ce qu’avait déclaré l’Eternel en disant: Je veux être sanctifié par ceux qui me sont proches et glorifié devant la face de tout le peuple ! » Et Aaron garda le silence.

Aaron s’abstient de tout commentaire parce qu’il ne comprend pas bien en quoi ses deux fils ont fauté. La mort de Nadab et Abihou rachète-elle leur faute à travers le fait qu’elle sanctifie Dieu ? La mort d’êtres humains peut-elle faire partie de la sanctification de Dieu ?

Ce qui suit est l’interdiction, faite à tous les Cohanim, de consommer des boissons alcoolisées juste avant d’assurer le service du Temple. Les Cohanim doivent rester pleinement lucides dans l’exercice de leur fonction et entièrement conscients de leurs responsabilités.

Vayikra 10:8 à 10:11. L’Eternel parla ainsi à Aaron:…« Tu ne boiras ni vin ni boisson enivrante, toi comme tes fils, quand vous aurez à entrer dans la Tente d’assignation…afin de pouvoir distinguer le sacré du profane et l’impur de ce qui est pur…et afin d’instruire les enfants d’Israël dans toutes les lois que l’Eternel leur a transmises par Moïse. »

La sanction par la mort de Nadab et Abihou nous paraît à priori inacceptable. Néanmoins, elle nous conduit à donner un avis sur le faux sacré et le sacré.

L’invention du faux sacré est dangereuse en elle-même. Elle est une façon d’abuser les gens. Le faux sacré est une arme illégitime de prise de pouvoir. Cependant, le sacré authentique est-il totalement vertueux ? Mourir pour le sacré, comme mourir pour Dieu, est sans fondement dans le Judaïsme. Le Lévitique nous dit bien que l’homme fera les commandements et qu’il vivra grâce à eux.

Dans le Talmud Yoma nous trouvons la règle de PikouaH néfech (פיקוח נפש) qui donne la priorité à la vie humaine. Un verset du Deutéronome (Devarim) va dans ce sens :

Devarim 30:19. « Je prends à témoin, en ce jour, le ciel et la terre: j’ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et le malheur. Tu devras choisir la vie ! Et tu vivras alors, toi et ta postérité. »

La vie a la préséance. Nous ne pouvons honorer Dieu qu’en étant vivants. C’est ce qui est dit au cours de l’office du matin : « l’âme de tout vivant peut louer Dieu ». C’est ce qui est dit également dans le Hallel : « ce ne sont pas les morts qui peuvent louer Dieu ».

Par défaut, comme l’a sans doute fait Moïse pour consoler Aaron, nous disons parfois que certains sont morts « al kiddouch hachem », « pour sanctifier le nom », c’est à dire le nom de Dieu.Cela ne signifie pas qu’il fallait qu’ils meurent « au nom de Dieu » mais simplement que la façon dont ils se sont confrontés à la mort est une éloge héroïque à la vie. C’est une façon de dire que leur assassinat, inacceptable, n’enlève pas le sens profond de ce qu’ils ont été.

A notre avis, ce qui sanctifie réellement le nom divin est d’aimer la vie constamment, de la trouver toujours belle, malgré les obstacles de son parcours et les moments pénibles qu’elle nous réserve.

C’est un défi de percevoir la valeur de la tradition juive et l’élan de vie qu’elle porte en elle. La vie sous toutes ses formes est le summum du sacré authentique. Lorsque nous traversons des moments difficiles, le faux sacré peut être une tentation, mais lorsqu’on s’est créé une vie pleine de sens, insérée dans un réseau social qui nous soutient, nous avons les outils pour lui résister.

Constituer ce réseau est le défi permanent de chacune et de chacun, le cadre de notre tradition est une façon de relever ce défi.

 

Paracha VayéHi : comment dépasser la mort ?

Tout a un début puis une fin, et tout se renouvelle. Le livre de la Genèse (Béréchit, בְּרֵאשִׁית, au commencement) s’achève avec la paracha VayéHi. Débute ensuite le livre de l’Éxode (Chémot, שְׁמוֹת, les noms) dans la continuité de la Torah.

Comme nous l’avons vu, la Genèse comporte trois parties : la création de l’univers, incluant l’humanité, avec ce qui en résulte, puis l’histoire des Patriarches et des Matriarches et enfin, le récit de la vie de Joseph. Par ailleurs, la Genèse nous révèle l’origine des Israélites en tant qu’individus et familles, alors que l’Éxode décrit plutôt la création d’un peuple, le peuple d’Israël.

A la fin de la Genèse, les hébreux (les Israélites de l’époque) se trouvent, dans leur majorité, en Égypte, rassemblés autour de Joseph et de Jacob; Jacob dont la vie s’achève.

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La paracha VayéHi du sefer Béréchit (Genèse) 47:28 à 50:26 et le dépassement de la mort de Jacob

Le sefer Béréchit s’achève avec la paracha VayéHi qui débute par : « Et Jacob vécut… » (וַיְחִי יַעֲקֹב). Cette Paracha nous parle de la vie et de la mort. La mort est liée à la vie. Elle n’est pas véritablement une disparition, au sens propre du terme. Elle est donc dépassée.

Citons un midrach du Talmud Taanit (5b) : deux Rabbins discutent de façon conviviale, en prenant ensemble leur repas. Rabbi NaHman demande à Rabbi Yitzak de lui raconter une histoire intéressante. Rabbi Yitzak répond :  » Je ne vais rien te raconter maintenant, parce que Rabbi NaHman a dit qu’il n’est pas prudent de parler en mangeant, car en parlant on risque de s’étouffer. » Rabbi NaHman acquiesce. À la fin du repas Rabbi Yitzak reprend la conversation et, en guise d’histoire, cite une parole de Rabbi YoHanan :  » Jacob, notre père, n’est pas mort ». Rabbi NaHman répond :  » Qu’est-ce-cela signifie ? Te moques-tu de moi ? Jacob est bien mort ! Il a eu son éloge funèbre, puis a été embaumé et inhumé. » Rabbi Yitzak dit alors :  » Je ne nie pas cela. Je parle d’un verset du livre de Jérémie qui dit : n’aie pas peur, mon fils Jacob, car aujourd’hui je te délivre et aujourd’hui tes enfants reviennent. »

Commentons cette phrase du livre de Jérémie. Jacob est Israël. Il est délivré et revit du fait de la délivrance et du retour de ses enfants, les enfants d’Israël. Cela signifie que Jacob, d’une certaine façon, est encore vivant maintenant. Il vit encore, de par ses enfants d’aujourd’hui, les membres du peuple Juif.

Nous en déduisons que nous tous vivons à travers nos enfants, de notre vivant comme après notre mort. Nos enfants et nos descendants, biologiques ou affectifs, sont porteurs à l’infini d’une partie de nous-même, partie de nous-même pas forcément tangible. Ce principe s’apparente à la notion de pérennité du Judaïsme par la transmission, de génération en génération.

Jacob, avant de s’éteindre, souhaite bénir ses enfants et petits enfants. Il bénit tout particulièrement Joseph par l’intermédiaire de ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob décide ainsi de placer les deux enfants de Joseph, nés avant son arrivée en Égypte, au rang d’enfants d’Israël, comme ses autres enfants :

Béréchit 48:5. « Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vienne auprès de toi en Égypte, deviennent miens. Tout autant que Ruben et Siméon, Éphraïm et Manassé sont miens. »

Béréchit 48:20. Il les bénit alors et dit: « Israël te nommera dans ses bénédictions, en disant: que Dieu te fasse devenir comme Éphraïm et Manassé! » Il plaça ainsi Éphraïm avant Manassé.

Depuis des siècles nous continuons à nous appeler « les enfants d’Israël » ( Béné Israël – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל), ou encore « les enfants de Jacob ». Notre vie est ainsi un prolongement de la vie de Jacob.

La transmission du Judaïsme est en relation étroite avec la bénédiction des enfants par leurs parents. Le vendredi soir, quand nous pratiquons la bénédiction des garçons nous apposons nos mains sur leurs têtes, et nous prononçons ces paroles : « que l’Éternel te mette au même niveau que Éphraïm et Manassé ». Ce qui signifie que nous mettons directement nos fils en relation avec Jacob, sans nous préoccuper de la longueur du temps passé. En ce qui concerne nos filles, nous les bénissons de la même façon, en disant : « que l’Éternel te mette au même niveau que Sarah, Rébecca, Léa et Rachel. »

La braHa (bénédiction) des enfants, renouvelée en permanence, est à l’image d’une source intarissable de sagesse recueillie puis transmise sans cesse. Cette notion de temps sans limite nous fait penser au verset 7:9 du Deutéronome : « Tu sais bien que l’Éternel, ton Dieu, est le vrai Dieu, fidèle au pacte d’alliance et bienveillant envers ceux qui l’aiment et qui accomplissent ses commandements, jusqu’à la millième génération. »

La paracha VayéHi cite également la mort de Joseph.

Béréchit 50:24 à 50:26. Joseph dit à ses frères: « Je vais mourir. Sachez que l’Éternel se tournera vers vous. Il vous fera quitter ce pays pour celui qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob »…Alors Joseph fit jurer les fils d’Israël pour leur dire: « Oui, l’Éternel se tournera vers vous, alors vous devrez faire remonter d’ici mes ossements. » Joseph mourut âgé de cent dix ans. Il fut embaumé puis fut déposé dans un cercueil en Égypte.

Joseph fait une requête à transmettre de génération en génération. Il  demande aux futurs Béné Israël d’emporter ses ossements avec eux quand ils quitteront l’Égypte pour gagner la terre de Canaan. Joseph pressent que l’avenir s’ouvrira aux enfants d’Israël, après une longue période de tourment.

Le transfert des ossements de Joseph, comme ceux de Jacob, a pour but de préserver le lien physique entre les générations fondatrices du monothéisme hébreu, et les générations qui tentent de vivre paisiblement dans leur terre promise, le pays de Canaan, qui deviendra après le retour de 2000 ans d’exil, l’État d’Israël.

La transmission se poursuit. Ainsi que l’énonçait Rabbi ItsHak avec provocation, Jacob, notre ancêtre, n’est pas mort. A nous de continuer son enseignement, de d’être digne d’ « Israël ».

Paracha Vézot habéraHa : répétition ou renouveau ?

Que serait une vie uniforme et sans changement ? Que représente le changement dans notre existence ?

Nos caractéristiques physiques et intellectuelles d’êtres vivants changent, bien-sûr, avec l’âge. Le travail, l’habitat, la famille, les relations affectives et beaucoup d’autres facteurs induisent également des inflexions de notre parcours de vie.

Certains changements sont subis et d’autres voulus, certains apportent un renouveau conséquent et d’autres non. La constance et la répétition ont aussi leur part dans notre cheminement.

Penchons-nous sur le cas des enfants d’Israël à la fin de la Torah. Ils sont sur le point d’affronter un double changement qui va bouleverser leur existence : la disparition de Moïse et l’entrée en terre de Canaan. La paracha Vézot habéraHa met en lumière des points clés de cet événement.

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La paracha Vézot habéraHa du sefer Devarim (Deutéronome) 33:1 à 34:12

La paracha Vézot habéraHa est la dernière paracha de la Torah. (Elle est lue spécifiquement le jour de SimHat Torah.) « Vézot habéraHa » signifie « Et c’est la bénédiction ». Ainsi, la paracha débute par la bénédiction du peuple d’Israël par Moïse avant sa fin toute proche.

Devarim 33:1. « Or, voici la bénédiction dont Moïse, l’homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël avant de mourir. »

Cette paracha marque un changement immense : Moïse va partir pour toujours. Ce changement, c’est la disparition d’un père spirituel aimé, la disparition d’un guide irremplaçable depuis la sortie d’Égypte jusqu’à l’arrivée aux frontières de la terre promise et depuis le don de la Torah. A ce moment, ceux qui vont entrer en terre de Canaan sont tous nés au cours des 40 ans de parcours dans le désert et n’ont connu qu’un seul guide, Moïse.

La séparation définitive entre le peuple d’Israël et Moïse est un véritable défi de renouveau. Dans le désert les enfants d’Israël étaient pris en charge par Moïse, ils recevaient la manne comme nourriture, leurs autres besoins matériels étaient toujours satisfaits, et comme la tradition le dit, « leurs vêtements et leurs chaussures ne s’usaient jamais ». Ils vont se retrouver seuls face à leur sort et en devenir responsables. Ils vont ressentir l’angoisse accompagnant tout changement de ce type.

La peur du changement est si forte, qu’à propos d’un verset de la paracha VayéleH, la tradition dit ceci : Moïse a dû, lui-même, partir à la recherche des membres de son peuple pour leur faire une importante déclaration. Les enfants d’Israël se tenaient alors volontairement éloignés de lui. Ils savaient que Moïse devait leur donner les 613 commandements de la Torah et ils n’en avaient reçu que 611. Afin de faire obstacle à sa mort, ils restaient loin de lui pour l’empêcher de leur remettre les 2 commandements manquants, comme il était obligé de le faire. Et pour remplir son devoir, Moïse a dû aller à leur rencontre.

Dans notre paracha, les enfants d’Israël sont contraints de faire leurs adieux à Moïse. C’est la fin d’une époque. Cependant, la continuité est assurée, car l’entrée en terre de Canaan est la réponse à une promesse faite par Dieu à Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa au cours d’une autre époque.

Un élément de renouveau survient cependant :

Devarim 34:10. « Mais il n’a plus paru, en Israël, un prophète tel que Moïse, avec qui l’Éternel communiquait face à face ».

Mais ne sautons pas le verset précédent qui reste dans la continuité :

Devarim 34:9. « Or, Josué, fils de Noun, était plein de l’esprit de sagesse, parce que Moïse lui avait imposé les mains; et les enfants d’Israël lui obéirent et agirent comme l’Éternel l’avait prescrit à Moïse. »

Le renouveau dans la continuité

Le renouveau et la répétition dans la continuité peuvent-être quasiment simultanés. Ainsi, lors de la fête de SimHat Torah, Béréchit s’enchaîne immédiatement après Vézot habéraHa. Ici le renouveau se fait dans la continuité. Tous les ans, nous accomplissons un saut dans l’histoire en revenant à la création du monde, au début de la Torah. Entre-temps nous avons acquis de nouvelles connaissances, de nouveaux éléments de sagesse et vécu de nouvelles expériences. Et là, le renouveau se trouve dans l’interprétation toujours actualisée des textes de la Torah.

Avant de conclure lisons le dernier verset de la paracha, donc de la Torah :

Devarim 34:12. « …ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles, que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël ».

« Tout Israël » est encore une fois évoqué. A noter le lien entre le « lamed » final d’Israël (יִשְׂרָאֵל) et le « beit » du début de Béréchit (בְּרֵאשִׁית). Ces 2 lettres associées forment le mot « Lev » (לב) qui signifie « cœur ».

Donc, du fond de notre cœur, identifions et choisissons nous-mêmes ce qui est rupture et ce qui est continuité au seuil de la nouvelle année. Mettons en œuvre notre liberté de voir le monde à notre gré. Nous ne sommes pas toujours pleinement conscients de l’étendue de nos possibilités, ne restons pas prisonniers de nos limitations. Répétition ou renouveau dans notre vie ? La liberté est un capital que nous voulons investir en connaissance de cause.

 

 

Paracha Haazinou : recommencement ou continuité ?

Le cycle de lecture de la Torah, paracha après paracha, s’accomplit depuis près de 2600 ans. Cette tradition a débuté peu après la destruction du Temple de Salomon par les armées du roi Nabuchodonosor.

La paracha Haazinou est l’avant dernière paracha de la Torah.

La lecture cyclique de la Torah va donc bientôt s’achever. Moïse, être humain éphémère, se prépare à quitter pour toujours les enfants d’Israël. La question de la continuité de l’alliance éternelle entre Dieu et les hommes, au delà de Moïse, est le sujet majeur de la paracha Haazinou.

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La paracha Haazinou du sefer Devarim (Deutéronome) 32:1 à 32:52

Question : comment assurer la continuité de l’alliance ? Autre question à greffer sur celle-ci : comment assurer la continuité du monde ?

Dans notre paracha, Moïse ne s’adresse pas aux enfants d’Israël, mais au cosmos dans sa globalité. Il s’exprime sur l’alliance éternelle au moyen d’une admirable poésie.

Devarim 32:1. « Écoutez, les cieux, je vais parler; et que la terre entende les paroles de ma bouche. »

Devarim 32:2 à 32:43. « Que mon instruction s’épande comme la pluie, que mes paroles distillent comme la rosée, comme de douces ondées sur les plantes, et comme de fortes averses sur la végétation!…….Nations, félicitez son peuple, car Dieu venge le sang de ses serviteurs; il exerce sa vindicte sur ses ennemis, réhabilite et sa terre et son peuple! »

Par la bouche de Moïse, c’est Dieu qui interpelle le ciel et la terre pour déclarer la continuité de l’alliance. Les termes employés sont tels que la continuité de l’alliance apparaît comme une condition posée à l’existence du ciel et de la terre.

La poésie déclamée par Moïse appelle à la continuité éternelle de l’alliance en évoquant des éléments dépassant l’être humain. De la sorte notre être est considéré dans sa relation au monde, nous sommes des individus, ET nous appartenons à un peuple, ET nous faisons partie d’un univers qui nous dépasse.

« Ecoutez » ( הַאֲזִינוּ haazinou). Le mot « écoutez » (haazinou) est proche en hébreu du terme « oreille » (ozen). L’oreille est un organe nous servant à capter les sons, à être en connexion avec le monde extérieur. L’oreille, par sa partie interne gère notre équilibre, nous permet de nous positionner dans l’espace et d’avoir le sens de notre état matériel. Le terme hébreu « izoun », apparenté à « ozen », fait référence à l’équilibre sur un plan général, physique comme intérieur.

A l’approche de Yom Kipour, nous sommes sensible à ce champs lexical. Le mot hébreu « mozaim », qui signifie « balance », en fait également partie. La balance est un outil servant à peser des objets concrets. Par extension, mettre en balance signifie soupeser, comparer des situations ou des faits immatériels. Citons sur ce sujet un excellent midrach. Selon ce midrach, nous devons considérer que l’ensemble de nos actes est disposé en permanence sur les plateaux d’une balance, les bonnes actions d’un côté, les erreurs de l’autre. Nous devons considérer que les plateaux de la balance sont à l’équilibre, de telle sorte que toute action bonne ou mauvaise est susceptible d’en inverser l’équilibre. Alors pensons bien, en cette période de recommencement, que tous nos actes seront pris en compte.

Parlons maintenant de la conscience. « Conscience » se dit en hébreu « matspoun ». Terme proche de « matspen » qui signifie « boussole ». Imaginons notre conscience comme une boussole intérieure qui nous oriente dans nos actes, qui nous oriente vis-à-vis des autres et, pourquoi pas, dans l’infini de l’espace.

Revenons sur le verset 32:1 de la paracha. Il y est fait appel aux cieux et à la terre. Relisons maintenant le verset 1:1 de Béréchit (la Genèse) :

Béréchit 1:1. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».

Comment ne pas percevoir le lien établi entre la fin du cycle de la Torah et son recommencement ?

Recommencement ou continuité ?

D’où vient la continuité de l’alliance ? Sans doute, du fait qu’elle est destinée à un peuple inscrit dans la durée; un peuple dont la tradition est intégrée au cycle naturel du temps. Sans doute aussi, du fait que la tradition juive s’adapte, dans sa pratique, à son époque mais reste immuable dans ses fondements.

Ainsi, à chaque chabbat nous prenons conscience d’un recommencement périodique inscrit dans la continuité : la continuité de l’alliance, de l’humanité et du monde.

Par ailleurs, la tradition juive nous enseigne que la continuité du monde est liée à la sagesse humaine et, en ce qui nous concerne, à notre sagesse personnelle de membres du peuple juif.

Nous devons donc, en tant qu’êtres humains (en également en tant que juifs), être conscients du fait que nous sommes chargés d’une part de responsabilité de la sauvegarde de l’humanité. De plus, nous devons être conscients d’une réalité élémentaire : la sauvegarde de l’humanité est intimement liée à celle de son substrat et environnement, le monde. Donc nous devons accepter aussi, une part de responsabilité de la continuité du monde qui nous porte et nous entoure. 

Paracha VayéleH : comment rassembler un peuple divisé ?

On parle, à juste titre, du peuple juif comme d’un peuple relativement uni et ayant le sens de la communauté. Il faut souligner que la communauté juive n’est fragmentée qu’en apparence. Elle fait fait preuve de diversité dans la pratique religieuse, mais sans division absolue, sans fracture. Il n’existe qu’une seule religion juive, le judaïsme.

La question de l’unité du peuple d’Israël, autrement dit du peuple juif, se pose depuis l’origine. Moïse s’est posé cette question sans doute le premier. L’unité d’un peuple passe par le partage des valeurs, l’équité et l’amour du prochain. L’amour du prochain est un principe majeur du peuple juif. L’éparpillement de ses membres n’a jamais été un obstacle à ce principe.

Notre paracha se situe presque à la fin du Deutéronome. Moïse prépare les enfants d’Israël à son départ définitif. Un désir le tourmente, celui de résoudre les divisions de son peuple et d’obtenir une unité immuable, non seulement pour l’entrée en terre de Canaan, mais pour un futur sans limite.

La paracha  VayéleH est l’objet de cette importante question.

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La paracha VayéleH du sefer Devarim (Deutéronome) 31:1 à 31:30, et l’unité du peuple d’Israël

La paracha VayéleH contient un commandement important, le commandement de Hakel. (« Hakel » se traduit par « rassemble ». Hakel est de la même racine que « kéhilla », signifiant « communauté ». Une Synagogue est une kéhilla, un lieu ou l’on se rassemble.)

Moïse expose le commandement de Hakel aux prêtres, aux lévites et aux sages d’Israël.

Devarim 31:10 à 31:13. « Et Moïse leur ordonna ce qui suit: à la fin de chaque septième année, à l’époque de l’année de rémission, lors de la fête des cabanes, alors que tout Israël vient comparaître devant l’Éternel, ton Dieu, dans l’endroit qu’il aura choisi, tu feras lecture de cette loi devant tout Israël, qui écoutera attentivement. Tu y rassembleras tout le peuple, les hommes et les femmes et les enfants, ainsi que l’étranger qui est dans tes murs, afin qu’ils entendent et s’instruisent, et révèrent l’Éternel, votre Dieu, et s’appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette loi; et que leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendent aussi, et qu’ils apprennent à révérer l’Éternel, votre Dieu, tant que vous vivrez sur le sol pour la possession duquel vous allez passer le Jourdain. »

Le commandement de Hakel a 2 exigences : le rassemblement spirituel et le rassemblement physique des enfants d’Israël. Il demande le rassemblement de tout le peuple d’Israël, dans le Temple de Jérusalem, à la fin de l’année de la chmitah (rémission, tous les 7 ans), pendant la fête de Soukot (fête des cabanes). L’objectif est que le peuple écoute la lecture de longs passages du Deutéronome.

La fête de Soukot est la fête pendant laquelle il est fait abstraction des inégalités sociales. La fin de l’année de la chmitah est le temps ou chacun est débarrassé de son fardeau de dettes, le temps du recommencement et de la cohésion du peuple.

Moïse emploi les termes « kol Israël » (כָל יִשְׂרָאֵל), tout Israël. Le peuple d’Israël est concerné dans sa totalité, les hommes (הָאֲנָשִׁים), et les femmes (וְהַנָּשִׁים), et les enfants (וְהַטַּף) et l’étranger ( והגר ).

La paracha VayéleH est lue entre Roch Hachana et Yom Kipour, pendant les 10 jours de Téchouva (repentance), les 10 jours de recommencement. A ce moment, nous sommes tous rassemblés pour nous recueillir, nous repentir, étudier, comprendre et parcourir spirituellement le chemin du peuple juif. Nous nous trouvons, à ce moment là, dans une situation répondant au commandement de Hakel.

Revenons à la Téchouva. Elle est la démarche de recommencement par la reconnaissance des fautes et la prise d’engagements. La Téchouva demande aussi que nous nous tournions les uns vers les autres, afin que les relations affectives soient régénérées. (En analyse transactionnelle on appelle cela « décoller les timbres ». Ce concept découle du principe qu’un grand nombre de toutes petites choses perturbent souvent les relations entre individus. Ces toutes petites choses sont à identifier et à neutraliser par la rencontre et le dialogue.)

Avant Yom Kipour nous nous tournons les uns vers les autres pour donner un nouveau départ à nos relations. Au moment d’honorer cette fête nous nous rassemblons physiquement et spirituellement à la Synagogue. C’est sans doute là que se trouve la correspondance avec le commandement de Hakel.

Le message à tirer pour l’unité du peuple juif

Pour consolider l’unité du peuple juif il serait bon que nous commémorions souvent le commandement de Hakel; que se soit au moment de Yom Kipour ou en toute autre occasion.

Nous devons bien comprendre, également, que les différents courants de pensée du judaïsme ne concernent que certains aspects de la tradition et non pas l’essentiel de ses valeurs. Valeurs dont nous ne devons pas trop nous éloigner. Gardons toujours en mémoire certaines d’entre elles : la connaissance, le respect des différences, le dialogue et l’amour du prochain. Restons ainsi rassemblés dans nos différences.

Paracha Nitsavim : l’alliance pour tous, au présent !

L’alliance entre Dieu et les hommes est le socle de la tradition juive.

Une alliance n’est pas seulement un accord ou un pacte; c’est aussi une union, un ensemble qui génère une entité. L’alliance entre l’Eternel et les enfants d’Israël a généré une entité spirituelle, la religion juive. Les enfants d’Israël sont devenus le peuple juif. Liés entre eux par une alliance informelle, ses membres ont la charge de son épanouissement présent et futur.

Par ailleurs, au sein du peuple juif, le principe d’alliance se retrouve au niveau des individus destinés à fonder des couples solides et des familles  très unies.

Ceci s’applique aux autres peuples de façon plus ou moins comparable, et à n’en pas douter, l’alliance, sous diverses formes, est un principe primordial de l’humanité toute entière.

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La paracha Nitsavim du sefer Devarim (Deutéronome) 29:9 à 30:20 , et l’alliance avec l’Eternel

Le terme « alliance », nous fait penser d’instinct à l’alliance entre Dieu et Moïse au sommet du mont Sinaï. Nous imaginons le mont Sinaï secoué de tremblements, les éclairs, le tonnerre, les enfants d’Israël figés à l’écoute des 10 paroles (commandements). C’est en général comme ceci que nous nous représentons l’instant fondateur de l’alliance.

En fait, l’alliance avec l’Eternel a débuté bien avant. Tout a commencé par l’alliance avec Adam et Ève, suivie par l’alliance avec Noé (considérées, toutes deux, comme des alliances universelles). Se sont déroulées plus tard, l’alliance avec Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa, puis l’alliance avec Moïse. Celle-ci occupe une position centrale. Elle se rapporte, dans un premier temps, à la sortie d’Égypte et au parcours à suivre jusqu’à la terre de Canaan, puis dans un second temps, aux 10   paroles reçus sur le mont Sinaï.

Dans le texte de la paracha Nitsavim, l’alliance entre Dieu et les enfants d’Israël, sur le point d’entrer en terre de Canaan, est exprimée d’une autre façon par Moïse. Elle est exprimée délibérément au présent :

Devarim 29:9 à 29:12. « Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Éternel, votre Dieu: vos chefs de tribus, vos anciens, vos préposés, tous les hommes d’Israël, vos enfants, vos femmes et l’étranger qui est dans ton camp, du fendeur de bois jusqu’au porteur d’eau; afin d’entrer dans l’alliance de l’Éternel, ton Dieu, et dans son pacte solennel, par lesquels il traite avec toi en ce jour; voulant t’établir aujourd’hui comme son peuple, et lui-même se montrer comme ton Dieu, ainsi qu’il te l’a déclaré, et ainsi qu’il l’avait juré à tes pères Abraham, Isaac et Jacob. »

Moïse s’adresse à tous ceux qui, à ses yeux, composent le peuple d’Israël. Il s’exprime avec insistance au présent. (Les termes, « aujourd’hui », « en ce jour » sont à relever.) En agissant ainsi, Moïse manifeste sa volonté de renforcer la cohésion de tout son peuple, au présent et au futur.

Sont concernés par l’alliance, reproclamée avec solennité, ceux qui sont autour de Moïse, leurs descendants, et ceux qui rejoindront plus tard le peuple d’Israël.

Devarim 29:13 à 29:14. « Et ce n’est pas avec vous seuls que j’institue cette alliance et ce pacte; mais avec ceux qui sont aujourd’hui placés avec nous, en présence de l’Éternel, notre Dieu, et avec ceux qui ne sont pas ici, à côté de nous, en ce jour. »

A noter que l’on se réfère en général au passé en sociologie des religions : « nous devons faire comme nos ancêtres ; la révélation vient du fond des âges et est éternelle; elle ne peut être mise en doute. » L’événement majeur de notre paracha, la proclamation de l’alliance, se passe au présent. Elle s’adresse à des personnes existantes. Par extrapolation, nous en déduisons que la construction et le destin du peuple juif sont directement, et à tout moment, entre les mains de l’ensemble de ses membres.

Cela semble inquiétant de confier le sort du peuple juif à tous les juifs, à n’importe quel juif. Cependant, il n’est pas rassurant non plus de confier cette tâche à une poignée de leaders, quelques fois lointains, qui auraient autorité sur ce qui nous touche au plus profond.

La Torah prend position pour la première hypothèse :

Devarim 30:11 à 30:14. « Car cette loi que je t’impose en ce jour, n’est ni trop difficile pour toi, ni trop lointaine. Elle n’est pas dans le ciel, pour que tu dises: « Qui montera pour nous au ciel et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? Elle n’est pas non plus au delà de l’océan, pour que tu dises: « Qui traversera pour nous l’océan et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? Non, cette parole est tout près de toi: tu l’as dans la bouche et dans le cœur, pour pouvoir l’observer! »

L’avenir du judaïsme

Madame le rabbin Floriane Chinsky est titulaire d’un DEA en sociologie du droit dont le sujet est le mode d’attribution de l’identité juive par les rabbins. Elle est également titulaire d’un Doctorat en sociologie du droit dont le sujet de thèse concerne les  représentations sociales de la flexibilité de la loi juive. Le DEA étudie les rabbins, qui sont importants dans la création du devenir du peuple juif, le doctorat se concentre sur les individus, dont l’importance est peut être plus grande encore puisque c’est chaque juif et juive qui choisit ou non de recevoir l’enseignement d’un rabbin, et qui choisit quel rabbin deviendra son  »  maître   » (au sens de professeur).

Le message transmis par la paracha est le suivant : l’avenir du judaïsme est tracé par chaque membre du peuple juif dans son environnement familial et social, en relation avec les institutions religieuses dont le rôle est l’enseignement, l’étude et la réflexion collective.

Absolument tous les membres du peuple juif sont responsables de l’avenir du judaïsme, « du fendeur de bois jusqu’au porteur d’eau », comme le dit la paracha. La perpétuation du judaïsme n’est rien d’autre que le renouvellement constant de l’alliance entre Dieu et les enfants d’Israël, pour ne pas dire les hommes. Chacun et chacune compte à part égale et est responsable de se faire entendre! 

 

Paracha Ki Tavo : la générosité, un facteur de succès ?

Quelles sont les clés du succès ? Question majeure que se posent de nombreux entrepreneurs, consultants, psychologues…Pour certains, ce sont d’abord la volonté, la confiance en soi et la persévérance, pour d’autres, c’est plutôt la compétence associée au goût du risque.

L’ouverture aux autres, la générosité et la reconnaissance ne sont pas souvent citées comme facteurs de succès. Encore moins la spiritualité et l’espérance, en ce qu’elles peuvent nous guider dans nos actions, nous rassurer et nous dynamiser.

La paracha Ki Tavo nous pousse à nous concentrer sur ce sujet.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Ki Tavo du sefer Devarim (le Deutéronome) 26:1 à 29:8

Devarim 26:1. « Quand tu seras enfin arrivé dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage… »

L’objectif sera très bientôt atteint. Sans aucun doute, la terre promise, si longtemps espérée, sera conquise. C’est ce que Moïse annonce aux enfants d’Israël. Après des générations de patriarcat et de matriarcat difficiles et conflictuels, après des années d’esclavage, après 40 ans de pérégrinations dans le désert, les enfants d’Israël vont enfin pouvoir s’installer en terre de Canaan.

Moïse présente ce succès d’une façon tout à fait singulière. Il le présente sous la forme d’une injonction non applicable dans l’immédiat. On remarque qu’il s’exprime comme s’il était sûr de l’avenir; ce qui est bien davantage persuasif que de dire : vous allez réussir ! Moïse cherche-t-il à préparer son peuple au succès ? Cette façon de procéder nous conduit à nous interroger sur l’état d’esprit des enfants d’Israël à ce moment là, et aussi à nous interroger sur nous-mêmes en pareilles circonstances.

Quand nous sentons le succès tout proche, quand l’espoir de la réussite est presque comblé, nous nous trouvons dans un état d’esprit hors du commun. Nous sommes anxieux et nous nous posons des questions un peu saugrenues. Ne rêvons-nous pas ? Qui pourrait nous convaincre ? Serons-nous à la hauteur de ce succès tant attendu ? Sommes-nous prêts à affronter ce succès, à l’investir émotionnellement, à en assumer toutes les conséquences ?

Moïse annonce donc l’événement en édictant une injonction, une loi, aux enfants d’Israël :

Devarim 26:1 à 26:2. « Quand tu seras arrivé enfin dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage, quand tu en auras pris possession et y seras établi, tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre, récoltés par toi dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, t’aura donné, tu les mettras dans une corbeille, et tu te rendras à l’endroit que l’Éternel, ton Dieu, aura choisi pour y faire régner son nom. »

Le succès arrivé, les enfants d’Israël devront, avant toute autre démarche, exprimer leur générosité et leur reconnaissance envers Dieu en apportant les prémices de leur récolte au Temple. Ces prémices seront données en partage à ceux qui resteront dépourvus, les Lévites, l’étranger, l’orphelin, la veuve et les plus démunis.

L’injonction de l’Éternel à la générosité et à la reconnaissance, par l’intermédiaire de Moïse, est une démarche remarquable. En contraignant à l’avance les enfants d’Israël au partage, l’Éternel les prépare a la réussite et comble leur espoir de façon indirecte. Il les stimule ainsi dans leurs actes. La générosité et la reconnaissance deviennent des facteurs de succès. Les enfants d’Israël sont dès à présent  responsables de ce qu’ils vont obtenir et comprennent qu’ils devront en assumer les conséquences. En retour, ils savent qu’ils pourront jouir pleinement de leur succès.

L’injonction de reconnaissance, implique le souvenir du passé aux enfants d’Israël. Elle les soumet à l’humilité.

Devarim 26:5 à 26:6. « Et tu diras à haute voix devant l’Éternel, ton Dieu: mon père était un araméen errant. Et il descendit en Egypte, y vécut en étranger, d’abord en très petit nombre, puis il devint là une nation considérable, puissante et nombreuse. Alors les Égyptiens nous maltraitèrent, nous opprimèrent et nous imposèrent un dur esclavage. »

Ces versets de la paracha sont repris par la haggada de PessaH.

Notre paracha délivre un protocole à suivre et des recommandations :

Dès que nous atteignons la réussite, nous devons nous présenter devant le Cohen (le Cohen de notre temps, bien-sûr) remercier l’Éternel en le remerciant, lui manifester notre générosité et l’assurer que nous partagerons le fruit de notre succès avec les plus démunis.

Alors seulement, nous pourrons dire, comme l’ont fait les enfants d’Israël après s’être acquittés de leurs devoirs :

Devarim 26:14 à 26:15. « …docile à la voix de l’Éternel, mon Dieu, je me suis entièrement conformé à tes prescriptions… Regarde du haut des cieux, ta sainte demeure, et bénis ton peuple Israël et la terre que tu nous as donnée, comme tu l’as juré à nos pères… »

Recommandation à retenir : avant de demander, nous devons d’abord donner.

La spiritualité nous a guidés sur le chemin de la réussite. La générosité et la reconnaissance, véritables facteurs de succès, nous ont permis de prendre conscience du chemin parcouru et de toute la valeur de notre réussite.

Par ailleurs, quand nous aurons à encourager nos proches, ou à nous encourager nous-mêmes, il sera nécessaire de conforter leur espoir de réussite, ou le nôtre. L’espoir, lui aussi, est un facteur de succès majeur !

Paracha Ki Tétsé : éduquer ou punir ?

Mettre au monde des enfants impose une grande responsabilité. En avons-nous vraiment conscience ? Tous les parents, dignes d’être parents, souhaitent éduquer leurs enfants le mieux possible.

Pour quelle bonne raison voulons-nous bien éduquer nos enfants ? Pour être fiers d’eux ? Pour nous éviter des tracas aujourd’hui et plus tard ? Pour satisfaire notre besoin d’autorité ? Ou tout simplement, par amour pour eux ?

Faut-il punir parfois ses enfants ? Qui peut se vanter de ne jamais l’avoir fait ? La punition, pour certains, fait partie de l’éducation; mais a-t-il été démontré que punir soit efficace ? Et qu’entend-on par punition ?

En quelques versets, qui semblent radicaux, la paracha Ki Tétsé de la Torah traite le sujet de l’éducation des enfants à problèmes.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Ki Tétsé du sefer Devarim (Deutéronome) 21:10 à 25:19, et le sort réservé aux enfants rebelles

Devarim 21:18 à 21:21. « Si un homme a un fils obstiné et rebelle, sourd à la voix de son père comme à celle de sa mère, et qui, malgré leurs corrections, persiste à leur désobéir, son père et sa mère se saisiront de lui, le traduiront devant les anciens de sa ville, au tribunal de son lieu. Et ils diront aux anciens de la ville: notre fils que voici est obstiné et rebelle, n’obéit pas à notre voix, c’est un glouton et un ivrogne. Alors, tous les hommes de la ville le feront mourir à coups de pierres. Ainsi, tu auras éliminé de chez toi ce qui est mauvais, et tout Israël l’apprendra et sera alors saisi de peur. »

Commenter ces versets de la Torah est indispensable. Quand on sait, notamment, que le terme « torah » dérive du terme « oraha » qui signifie « éducation ».

Le message délivré par la Torah n’est pas simple à comprendre. D’autant plus que la Torah a conté précédemment les grandes colères et les punitions sévères que Moïse a infligées à son peuple, en certaines situations; Moïse se trouvant alors dans le rôle de père spirituel des enfants d’Israël.

La paracha Ki Tétsé aborde l’éducation des enfants dans un contexte d’événements violents sur tous les plans : guerre, appropriation de prisonnières, jalousies tragiques…Parfois, dans la Torah, il semble qu’éduquer c’est d’abord punir ! Que faut-il en penser ?

Souvenons-nous que nous ne devons pas interpréter les versets de la Torah indépendamment de l’enseignement oral des Sages, et du Talmud en particulier.

L’interprétation des versets cités par le traité Sanhédrin du Talmud

Quand nous avons affaire à un enfant « rebelle », le traité Sanhédrin nous suggère, dans un premier temps, d’avertir l’enfant en présence de 3 témoins, en l’informant précisément des risques qu’il encoure, puis de le maintenir en observation pendant 3 jours.

Ensuite, si rien ne s’arrange, pour que la sanction demandée par la Torah puisse être appliquée, l’enfant doit être reconnu réellement débauché, glouton et ivrogne au sens propre. Etant donnée la gravité de ses vices et de son insoumission, il faut que nous soyons certains que tout ira en empirant dans le futur. En bref, que nous soyons certains que cet enfant est irrécupérable. Si c’est vraiment le cas, la sanction sera appliquée pour son salut : l’enfant mourra innocent avant de devoir mourir coupable.

Mais comment prédire l’avenir d’un enfant ? Ce serait nier sa liberté. Ici, nous nous rapprochons de la notion de « dangerosité » d’une personne : l’estimation de ses crimes futurs. Michel Foucault a dénoncé les risques de cette façon de penser, qui éveille également notre méfiance. Heureusement, le Talmud ne s’arrête pas là.

Le Talmud va plus loin. L’enfant est puni pour son odieux comportement, sous réserve qu’il ait reçu une éducation totalement cohérente de la part de ses 2 parents : dans leur éducation, les 2 parents sont apparus à l’enfant totalement égaux. Les 2 parents ont éduqué l’enfant avec « la même voix », « la même apparence » et en étant de « la même taille ».

Nous sentons une touche d’humour dans ces paroles du Talmud. Comment ces conditions d’idéale égalité pourraient-elles être satisfaites ?

Le Talmud pose une double condition supplémentaire. D’une part, l’accusé doit être un véritable « enfant » (ben, בֵּן en hébreu) comme le dit la Torah. Donc une très jeune personne. D’autre part, pour être considéré comme responsable de ses actes, l’accusé doit être « adulte ». Il doit donc être suffisamment âgé. Il est possible de punir l’enfant seulement s’il est à la fois jeune et vieux. C’est bien sûr impossible. Avec humour, ici aussi, le Talmud prend note de cela. Il indique qu’il existe peut-être une période de 3 jours entre enfance et maturité, qui seule permettrait l’application de cette loi. Avant il est trop tôt, après il est trop tard !

Toutes ces conditions rendent très difficile, voire impossible, l’application du commandement de la Torah. Le Talmud conclut en affirmant que « l’enfant rebelle » n’a jamais existé, et qu’il n’existera jamais. Nous voilà rassurés quant à la condamnation d’un enfant à la lapidation !

La leçon à tirer, de cette paracha, pour l’éducation de nos enfants et pour nous-mêmes

Commençons par nous pencher sur la remarque du Talmud : il n’y a jamais eu d’enfant rebelle, et il n’y en aura jamais.

Alors, pourquoi soulever ce problème ?

Une réponse se trouve dans une autre phrase du Talmud concernant le texte de la Torah que nous venons d’évoquer : « commente le et reçois-en un salaire ».

Quel salaire pouvons-nous tirer de l’étude de ce passage de la Torah ? Tentons de le faire : la meilleure éducation que nous pouvons fournir à nos enfants ne sera jamais sans faille. Nous devons faire au mieux et demander à nos enfants de faire, eux aussi, au mieux de leurs possibilités. Avoir un enfant rebelle, récalcitrant, au sens actuel de notre langage de parent, n’est pas forcément une catastrophe (parfois, nous avons vraiment envie de le…..lapider, mais c’est interdit). Toutefois, nous devons faire le maximum pour éviter cela car un enfant peut réellement finir par « mal tourner ». Ce risque ne doit pas être ignoré.

Le plus important est, sans doute, de réussir à maîtriser les pulsions préjudiciables de l’enfant par l’éducation que nous lui apportons. Pensons aussi que nous devons, nous-même, apprendre à dominer nos excès, notre violence, nos propres pulsions et à acquérir un minimum de sagesse. La qualité de l’éducation que nous souhaitons donner à nos enfants en dépend. La Torah et le Talmud sont là pour nous y aider.

La tentation de punition est légitime mais, en fin de compte, c’est en sollicitant l’intelligence de l’enfant que nous l’aiderons à prendre conscience de ses actes et de ses responsabilités.

Paracha Choftim : où trouver la justice ?

Quelle vision objective avons-nous de la justice, en particulier de celle qui a prise sur notre quotidien, la justice sociale ? Difficile de répondre simplement. Cependant, nous sommes très sensibles à ce que nous appelons l’injustice.

Alors que nous entrons aujourd’hui dans le mois de Eloul, nous nous préparons pour Roch Hachana, qui sera le 1e tichri, dans exactement 1 mois. Roch hachana est justement appelé Yom hadin, jour du jugement et pose également la question de la justice.

Pourquoi ressentons-nous un tel besoin de justice ? Comment définir une justice absolue ? Que penser de la justice rendue ? Où trouver une justice qui nous sécurise par la confiance que nous avons en elle ?

La paracha Choftim nous montre Moïse appréhendant le principe de justice, avant l’entrée des enfants d’Israël en terre de Canaan.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La justice dans la Torah avec la paracha Choftim du sefer Devarim ( Deutéronome 16:18 à 21:9)

« Choftim » signifie « les juges ». « Choftim » a la même racine que « michpat » qui veut dire à la fois « un jugement » et « une phrase ».

La paracha commence par les versets suivants :

Devarim 16:18 à 16:20. « Tu institueras des juges et des magistrats dans toutes les villes que l’Éternel, ton Dieu, te donnera, selon chacune de tes tribus; et ils devront juger le peuple selon la justice. Ne fais pas fléchir le droit, n’aie pas égard à la personne, et n’accepte jamais de présent corrupteur, car la corruption aveugle les yeux des sages et fausse la parole des justes. C’est la justice, la justice seule que tu dois rechercher… »

Inspiré par Dieu, Moïse s’adresse au peuple d’Israël. Il lui demande d’instaurer, sitôt arrivé en terre de Canaan, un système judiciaire fiable. Il présente cela comme une nécessité fondamentale. La justice devra être impartiale et inflexible. Le risque de la corruption, qui est toujours présent, est abordé pour y trouver remède.

Pourquoi ce désir d’organisation d’une justice future, alors que le plus important, la conquête de la terre de Canaan, n’a pas encore été réalisé ? Ceci peut nous surprendre. Pour répondre, pensons à l’alliance du peuple d’Israël avec Dieu. Nous sommes, dans notre paracha, dans la continuité des commandements de l’Éternel.

Autre question à se poser : que représente ce besoin de justice sur le plan moral et philosophique ? N’est-il pas ce besoin humain d’harmonie dans un peuple, tel que le souhaitait Jean-Jacques Rousseau avec le « Contrat Social »? Allons plus loin : la paracha parle de juges et de magistrats. Elle nous fait déjà passer de la justice divine à la justice rendue.

Rendre la justice est à la charge des juges, des prêtres et des Lévites qui doivent travailler de façon collaborative :

Devarim 17:8 à 17:10. « Si tu es impuissant à te prononcer sur un cas judiciaire…tu iras trouver les prêtres, les Lévites et le juge siégeant à cette époque. Tu les consulteras, et ils t’éclaireront sur le jugement à prononcer. Et tu agiras selon leur déclaration… »

La Torah crée un rempart contre l’injustice en prévoyant des villes refuge:

Devarim 19:2 à 19:5. « Tu réserveras trois villes…et cela pour que tout meurtrier s’y puisse réfugier. Or, voici dans quel cas le meurtrier en s’y réfugiant aura la vie sauve: s’il a frappé son prochain sans intention, n’ayant pas été son ennemi antérieurement… il pourra alors fuir dans une de ces villes et sauver sa vie. »

Les meurtriers involontaires et non coupables, aux yeux de l’Éternel, pourront trouver refuge sur certains territoires pour échapper à une vengeance injuste.

Justice absolue et justice rendue dans la bible hébraïque 

La justice absolue est la justice divine telle qu’elle nous est énoncée dans la Torah par les paroles de Dieu. Comme nous l’avons déjà indiqué, la justice est rendue en association par les juges, les prêtres et les Lévites.

La Torah fait la distinction entre justice absolue (divine) et justice rendue. Elle a institué la fonction de juge siégeant en son temps, plongé dans le cadre et les aléas du quotidien, tout en restant rattaché aux valeurs fondamentales de justice.

La tradition juive propose deux conceptions de la justice:  La justice absolue, le « din », et la justice bienveillante appelée « raHamim », devant conduire l’être humain à la paix. Les Pirkei Avot rejoignent cette distinction dans leur chap.1, en disant par la bouche de Rabbi Chimon Ben Gamliel : le monde repose sur 3 vertus, la vérité, la justice et la paix.

Une phrase des Psaumes (18:38), en ce sens, est à relever :  » Recherche la paix et poursuis-la ».

La Torah précise que les juges consultés sont « de leur époque ». Ils sont les intermédiaires entre le divin (justice absolue), et l’être humain dans la réalité de son temps (justice rendue).

Notre confiance en la justice d’hier et d’aujourd’hui

Sur ce thème, l’expression de la tradition juive se résume en 2 citations : d’après le Talmud Roch Hachana, il faut se confier à des juges d’aujourd’hui, même si leurs décisions diffèrent parfois de celles du passé. Il faut se refuser de penser que les juges d’antan étaient meilleurs que ceux du temps présent. Et selon Rachi : « il n’y a que le juge qui est dans son temps. »

Le juge du temps n’est pas toujours fiable, mais il est de toute façon le seul à pouvoir traiter des cas de façon efficace. Il nous appartient donc de mettre tout en œuvre pour avoir de bons juges et un bon système judiciaire.

Où trouver une vraie justice, une justice en laquelle nous ayons totalement confiance ? La question se pose dans tous les pays du monde et à toutes les époques. Dans l’exercice de la démocratie, par notre vote et par l’expression de nos opinions, nous devons soutenir le renforcement permanent de la compétence et de l’indépendance des juges.

De même, la construction du judaïsme d’aujourd’hui et de demain exige que nous nous adressions aux rabbins de notre temps, en faisant de notre mieux pour renforcer leur compétence et leur indépendance.

En vous souhaitant de belles réflexions ainsi que « Hodech tov », un bon mois de Eloul.

Paracha Réé : idéalisme ou réalisme ?

Nous projetons des actes, nous les préparons, nous décidons, nous les réalisons le cas échéant, puis nous examinons leurs conséquences et nous assurons que l’objectif visé a été correctement atteint.

Par ailleurs, dans divers domaines, nous nous fixons de grands principes que nous respectons le mieux possible : éducation, mode de vie, travail, moralité…En ce qui concerne ces principes de vie, nous nous posons les mêmes questions.

Nos actes réfléchis et nos grands principes tendent, par hypothèse, vers l’idéal. Quelle est leur part de réalisme en matière de conception et d’application ?

Toutes ces questions, la Torah se les pose assez directement dans la paracha Réé.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Réé du sefer Devarim (11:26 à 16:17)… 

  • en ce qui concerne les grands principes sujets à bénédiction et malédiction :

Réé (רְאֵה) signifie « vois », « regarde », « observe ».

Devarim 11:26 à 11:28. « Voyez! Je mets devant vous, en ce jour, la bénédiction et la malédiction. La bénédiction, quand vous obéirez aux commandements de l’Éternel votre Dieu, que je vous impose aujourd’hui, et la malédiction, si vous n’obéissez pas aux commandements de l’Éternel votre Dieu, si vous quittez la voie que je vous trace aujourd’hui, pour suivre des dieux étrangers, que vous ne connaissez point. »

La Torah nous demande non seulement d’obéir, mais aussi de « voir », de juger, de telle sorte que ses prescriptions soient accomplies de façon intelligente.

Tel est le sens de la bénédiction en hébreu.

La bénédiction, la braHa, est une conception dynamique, inépuisable et liée à la vie : « bénédiction si l’on accomplit, si l’on fait… » Rappelons-nous que « braHa » est à rapprocher de « breHa » qui veut dire « étendue d’eau » à priori inépuisable. La dynamique de la bénédiction entraîne ici au respect d’un principe fondamental de la Torah : l’obéissance aux paroles de Dieu doit être réfléchie pour éviter les effets pervers, la loi sur les dettes en est un exemple.

  • en ce qui concerne la loi sur les dettes :

Devarim 15:1 à 15:5. « Tous les 7 ans, tu pratiqueras la loi de rémission. Voici le sens de cette rémission: tout créancier doit faire remise de sa créance, de ce qu’il aura prêté à son prochain. Il n’exercera pas de contrainte contre son prochain et son frère…L’étranger, il peut le contraindre… A la vérité, il ne doit pas y avoir d’indigent chez toi car l’Éternel veut te bénir dans ce pays…mais c’est quand tu obéiras à la voix de l’Éternel ton Dieu, en observant avec soin toute cette loi que je t’impose en ce jour. »

Suivant une périodicité de 7 ans, durant l’année de la chmitah (rémission), les dettes entre enfants d’Israël sont annulées. De la sorte, personne ne reste soumis à des créanciers au delà de l’année de la chmitah. Les personnes concernées sont libérées de leurs dettes et peuvent continuer leur activité sans fardeau. Cette loi de la Torah a pour but de favoriser le développement économique du peuple d’Israël.

Néanmoins, la finalité de cette loi n’est pas toujours bien comprise. Quand approche l’année de la chmitah, certains refusent de prêter. On ne peut pas faire abstraction de cette réalité. La Torah a la prend justement en compte comme le soulignent les versets suivants :

Devarim 15:9 à 15:10. « Garde-toi de nourrir une pensée perverse en ton cœur en te disant « que la septième année, l’année de rémission approche, » et sans pitié pour ton frère nécessiteux, de lui refuser ton secours. Alors il se plaindrait de toi à l’Éternel, et tu te rendrais coupable d’un péché. Non! Il faut lui donner, et lui donner sans que ton cœur le regrette, car pour prix de cette conduite, l’Éternel ton Dieu, te bénira dans ton labeur et dans toutes les entreprises de ta main. »

La Torah a donc prévu les abus de sa loi généreuse sur le remboursement des dettes. Quiconque refuse, à tout moment, d’accorder une aide financière à un proche nécessiteux se rend coupable de manque de générosité; alors que les personnes qui acceptent de le faire s’inscrivent dans une dynamique de partage et de construction.

Hillel l’Ancien (premier siècle av.JC) est allé plus loin. Selon la michna Cheviit, il a fait de ces versets de la Torah une takana (décision à force de loi) qui empêche l’application de la règle de rémission des dettes tous les 7 ans. Cette takana est lourde de sens. Hillel l’Ancien a fait en sorte que le réalisme l’emporte ici sur l’idéalisme de la Torah. Ainsi, la bénédiction accordée à ceux qui prêtent aux démunis a prévalu sur la malédiction de ceux qui refusent. Ce fut une façon réaliste de pousser à la générosité.

La largesse d’esprit de la Bible hébraïque et la leçon à en tirer

Mentionnons trois extraits particulièrement significatifs :

Paracha Rée : la Torah anticipe d’elle-même le risque d’abus de sa loi idéale portant sur le remboursement des dettes. La torah orale propose des solutions à travers Hillel, pour permettre à la générosité actuelle de s’exprimer à travers le fait de prêter, même de façon limitée, en attendant que nous faisions de nouveaux progrès et que nous devenions capables d’une remise des dettes complète.

Vayikra ( Lévitique 18:5) : « Voici les commandements que l’homme fera et il vivra par eux. » L’être humain ne doit pas appliquer aveuglément les paroles de Dieu; il doit faire preuve de réalisme en certaines circonstances et s’assurer que les commandements sont appliqués « pour la vie ».

Les Psaumes (119:126): « Il est temps d’agir pour l’Éternel car on a renversé la Torah ». Cette phrase sert également d’appui aux sages pour mettre en œuvres des mesures étranges qui semblent parfois contraires à ce que dit la Torah, mais qui sont nécessaires à sa préservation.

Les grands principes de vie nous sont indispensables. Ils sont le guide de notre vie. Comme ce sont des idéaux, le risque de transgression doit y être intégré. Cependant, quand leur part de réalisme est trop insuffisante et qu’ils vont à l’encontre de leur destinée, ils deviennent néfastes. Il est nécessaire alors de les remettre en cause avec sagesse, non pas pour les supprimer mais pour les corriger et leur redonner leur raison d’être.

Pour conclure : il ne faut pas penser « Idéalisme ou Réalisme », il faut penser « Idéalisme et Réalisme. »