Paracha VayéHi : comment dépasser la mort ?

Tout a un début puis une fin, et tout se renouvelle. Le livre de la Genèse (Béréchit, בְּרֵאשִׁית, au commencement) s’achève avec la paracha VayéHi. Débute ensuite le livre de l’Éxode (Chémot, שְׁמוֹת, les noms) dans la continuité de la Torah.

Comme nous l’avons vu, la Genèse comporte trois parties : la création de l’univers, incluant l’humanité, avec ce qui en résulte, puis l’histoire des Patriarches et des Matriarches et enfin, le récit de la vie de Joseph. Par ailleurs, la Genèse nous révèle l’origine des Israélites en tant qu’individus et familles, alors que l’Éxode décrit plutôt la création d’un peuple, le peuple d’Israël.

A la fin de la Genèse, les hébreux (les Israélites de l’époque) se trouvent, dans leur majorité, en Égypte, rassemblés autour de Joseph et de Jacob; Jacob dont la vie s’achève.

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La paracha VayéHi du sefer Béréchit (Genèse) 47:28 à 50:26 et le dépassement de la mort de Jacob

Le sefer Béréchit s’achève avec la paracha VayéHi qui débute par : « Et Jacob vécut… » (וַיְחִי יַעֲקֹב). Cette Paracha nous parle de la vie et de la mort. La mort est liée à la vie. Elle n’est pas véritablement une disparition, au sens propre du terme. Elle est donc dépassée.

Citons un midrach du Talmud Taanit (5b) : deux Rabbins discutent de façon conviviale, en prenant ensemble leur repas. Rabbi NaHman demande à Rabbi Yitzak de lui raconter une histoire intéressante. Rabbi Yitzak répond :  » Je ne vais rien te raconter maintenant, parce que Rabbi NaHman a dit qu’il n’est pas prudent de parler en mangeant, car en parlant on risque de s’étouffer. » Rabbi NaHman acquiesce. À la fin du repas Rabbi Yitzak reprend la conversation et, en guise d’histoire, cite une parole de Rabbi YoHanan :  » Jacob, notre père, n’est pas mort ». Rabbi NaHman répond :  » Qu’est-ce-cela signifie ? Te moques-tu de moi ? Jacob est bien mort ! Il a eu son éloge funèbre, puis a été embaumé et inhumé. » Rabbi Yitzak dit alors :  » Je ne nie pas cela. Je parle d’un verset du livre de Jérémie qui dit : n’aie pas peur, mon fils Jacob, car aujourd’hui je te délivre et aujourd’hui tes enfants reviennent. »

Commentons cette phrase du livre de Jérémie. Jacob est Israël. Il est délivré et revit du fait de la délivrance et du retour de ses enfants, les enfants d’Israël. Cela signifie que Jacob, d’une certaine façon, est encore vivant maintenant. Il vit encore, de par ses enfants d’aujourd’hui, les membres du peuple Juif.

Nous en déduisons que nous tous vivons à travers nos enfants, de notre vivant comme après notre mort. Nos enfants et nos descendants, biologiques ou affectifs, sont porteurs à l’infini d’une partie de nous-même, partie de nous-même pas forcément tangible. Ce principe s’apparente à la notion de pérennité du Judaïsme par la transmission, de génération en génération.

Jacob, avant de s’éteindre, souhaite bénir ses enfants et petits enfants. Il bénit tout particulièrement Joseph par l’intermédiaire de ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob décide ainsi de placer les deux enfants de Joseph, nés avant son arrivée en Égypte, au rang d’enfants d’Israël, comme ses autres enfants :

Béréchit 48:5. « Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vienne auprès de toi en Égypte, deviennent miens. Tout autant que Ruben et Siméon, Éphraïm et Manassé sont miens. »

Béréchit 48:20. Il les bénit alors et dit: « Israël te nommera dans ses bénédictions, en disant: que Dieu te fasse devenir comme Éphraïm et Manassé! » Il plaça ainsi Éphraïm avant Manassé.

Depuis des siècles nous continuons à nous appeler « les enfants d’Israël » ( Béné Israël – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל), ou encore « les enfants de Jacob ». Notre vie est ainsi un prolongement de la vie de Jacob.

La transmission du Judaïsme est en relation étroite avec la bénédiction des enfants par leurs parents. Le vendredi soir, quand nous pratiquons la bénédiction des garçons nous apposons nos mains sur leurs têtes, et nous prononçons ces paroles : « que l’Éternel te mette au même niveau que Éphraïm et Manassé ». Ce qui signifie que nous mettons directement nos fils en relation avec Jacob, sans nous préoccuper de la longueur du temps passé. En ce qui concerne nos filles, nous les bénissons de la même façon, en disant : « que l’Éternel te mette au même niveau que Sarah, Rébecca, Léa et Rachel. »

La braHa (bénédiction) des enfants, renouvelée en permanence, est à l’image d’une source intarissable de sagesse recueillie puis transmise sans cesse. Cette notion de temps sans limite nous fait penser au verset 7:9 du Deutéronome : « Tu sais bien que l’Éternel, ton Dieu, est le vrai Dieu, fidèle au pacte d’alliance et bienveillant envers ceux qui l’aiment et qui accomplissent ses commandements, jusqu’à la millième génération. »

La paracha VayéHi cite également la mort de Joseph.

Béréchit 50:24 à 50:26. Joseph dit à ses frères: « Je vais mourir. Sachez que l’Éternel se tournera vers vous. Il vous fera quitter ce pays pour celui qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob »…Alors Joseph fit jurer les fils d’Israël pour leur dire: « Oui, l’Éternel se tournera vers vous, alors vous devrez faire remonter d’ici mes ossements. » Joseph mourut âgé de cent dix ans. Il fut embaumé puis fut déposé dans un cercueil en Égypte.

Joseph fait une requête à transmettre de génération en génération. Il  demande aux futurs Béné Israël d’emporter ses ossements avec eux quand ils quitteront l’Égypte pour gagner la terre de Canaan. Joseph pressent que l’avenir s’ouvrira aux enfants d’Israël, après une longue période de tourment.

Le transfert des ossements de Joseph, comme ceux de Jacob, a pour but de préserver le lien physique entre les générations fondatrices du monothéisme hébreu, et les générations qui tentent de vivre paisiblement dans leur terre promise, le pays de Canaan, qui deviendra après le retour de 2000 ans d’exil, l’État d’Israël.

La transmission se poursuit. Ainsi que l’énonçait Rabbi ItsHak avec provocation, Jacob, notre ancêtre, n’est pas mort. A nous de continuer son enseignement, de d’être digne d’ « Israël ».

Paracha Vayigach : Une nouvelle fraternité et une bonne nouvelle année!

Nous pourrions disserter longuement sur les failles de la puissance. Contentons-nous d’évoquer les failles de Joseph, fils de Jacob.

Comme relaté dans la paracha précédente, Joseph est élevé au rang de « vice-roi » d’Égypte, alors que sa famille le croit disparu à jamais. Il est devenu un homme puissant; mais il reste porteur de blessures morales d’enfance dont il est pleinement conscient.

Il semble certain que Joseph ne sera en paix avec lui-même, qu’au jour de la cicatrisation de ses plaies d’enfance. Recréer la fraternité est l’objectif majeur qu’il s’est donné, pour y parvenir.

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La paracha Vayigach du sefer Béréchit (Genèse) 44:18 à 47:27 et la fraternité recréée

Joseph a pu se relever de toutes les épreuves que la vie lui a imposé, et pour cette raison il a été capable de devenir le bras droit de Pharaon. L’épreuve qui l’a marqué le plus est d’avoir été vendu comme esclave par ses propres frères. La fraternité s’est brisée à ce moment là. La renaissance de cette fraternité détruite est devenue une obsession pour Joseph, qui voudrait, plus que tout, revoir sa famille réunie autour de lui.

Un verset de la paracha Vayéchev est significatif :

Béréchit 37:16. Alors, il dit: « Ce sont mes frères que je cherche »…

La famine, en terre de Canaan, oblige les frères de Joseph, excepté Benjamin, à descendre en Égypte pour se ravitailler. À cette occasion, ils se présentent devant Joseph qui les reconnaît sans se faire reconnaître d’eux. Joseph exerce alors sur eux une pression douloureuse, dont l’objectif est de les mettre à l’épreuve de la fraternité.

Joseph imagine un scénario qui lui permettra de tester ses frères; ses frères, qui par une abjecte jalousie ont tenté de le faire disparaître. Joseph veut vérifier que ses frères, au fil des années, ont changé et sont devenus dignes d’être aimés, dignes de la fraternité qu’il souhaite reconstruire.

Dans ce test, c’est la sensibilité fraternelle des frères de Joseph qui devra faire ses preuves. Le plus jeune, et le plus vulnérable d’entre eux, en sera le personnage-clé. Ce jeune frère est Benjamin, le dernier-né de Rachel, son frère de père et de mère, celui pour qui il éprouve une grande tendresse.

Nous devons citer plusieurs versets de la paracha Mikets pour exposer le scénario :

Béréchit 42:8 à 42:9. Joseph reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent pas…Joseph se souvint alors des rêves qu’il avait eus à leur sujet. Il leur dit: « Vous êtes des espions! C’est pour découvrir les points faibles du pays que vous êtes venus! »

Béréchit 42:19 à 42:29. Si vous êtes de bonne foi, qu’un seul d’entre vous [Siméon] soit détenu dans votre prison, tandis que vous irez apporter à vos familles de quoi calmer leur faim…Puis amenez moi votre plus jeune frère [Benjamin]. Alors vos paroles seront jugées dignes de foi et vous ne mourrez pas. » Ils acquiescèrent……Ils chargèrent leurs céréales sur leurs ânes et partirent……Arrivés chez Jacob leur père, au pays de Canaan, ils lui contèrent toute leur aventure…

Dans un premier temps, Ruben tente sans succès de convaincre Jacob de leur confier Benjamin. Juda prend le relais et trouve les bons arguments pour faire céder son père.

Béréchit 43:11 à 43:13. Jacob, leur père, leur dit: « Puisqu’il en est ainsi, faites ceci: mettez dans vos bagages les meilleures produits du pays et apportez les en hommage à cet homme [Joseph]…… Munissez vous d’une double somme d’argent et l’argent qui a été mis à l’entrée de vos sacs, restituez le de vos mains……Prenez votre frère [Benjamin]. Levez-vous et retournez vers cet homme. »

Joseph garde Siméon en otage avant de libérer les autres frères accusés d’espionnage. Les frères se rappellent alors à quel point ils ont maltraité Joseph dans le passé. Ils se retrouvent dans une situation comparable et sont pris de remords. Après avoir obtenu l’accord de Jacob, ils redescendent en Égypte avec Benjamin.

Joseph, heureux d’avoir revu son petit frère Benjamin, monte un stratagème pour le garder avec lui : l’arrestation de Benjamin pour un vol qu’il n’a pas commis.

Béréchit 44:12. L’intendant fouilla, commençant par le plus âgé, finissant par le plus jeune. La coupe fut trouvée dans le sac de Benjamin.

Nous sommes maintenant dans la paracha Vayigach.

Juda intervient alors pour convaincre Joseph de libérer Benjamin. Il lui explique que Jacob mourra de chagrin si Benjamin disparaît.

Béréchit 44:30 à 44:34. Et maintenant, en retournant chez ton serviteur, mon père, si nous ne sommes pas accompagnés du jeune homme, sa vie étant attachée à la sienne,…ne voyant point paraître le jeune homme, il mourra. Tes serviteurs auront fait descendre les cheveux blancs de ton serviteur, notre père, de chagrin au Shéol…Car ton serviteur a répondu de cet enfant à son père, en disant: ‘Si je ne te le ramène, je serai coupable à jamais envers mon père’…Donc, de grâce, que ton serviteur, à la place du jeune homme, reste esclave de mon seigneur et que le jeune homme reparte avec ses frères…Car comment retournerais-je près de mon père sans ramener son enfant? Pourrais-je voir la douleur qui accablera mon père? »

Après avoir entendu cela, Joseph est sûr que ses frères ont réellement changé, avec le temps, mais aussi sous sa pression et celle de Jacob. Il craque et en pleurs leur révèle sa véritable identité, tout en demandant des nouvelles de Jacob.

Béréchit 45:1 à 45:4. Joseph ne put se dominer……Il éleva la voix en pleurant……et il dit à ses frères: « Je suis Joseph; mon père vit-il encore? » Mais ses frères ne purent lui répondre, car ils étaient frappés de stupeur…Joseph dit alors à ses frères: « Approchez-vous de moi, je vous prie. » Et ils s’approchèrent. Il reprit: « Je suis Joseph, votre frère que vous avez vendu pour l’Égypte. »

La fraternité et l’amour de la famille ont étés les plus forts.

Les frères de Joseph ne sont plus les mêmes. Ce changement, dans le sens du bien, face à des situations analogues, peut être considéré comme une démarche de Téchouva (תשובה). Selon Maïmonide, ce type d’évolution personnelle correspond à l’essence même de la Téchouva.

La famille de Jacob, finalement réunie en Égypte

Ensuite, Joseph demande à ses frères de vite retourner en terre de Canaan et de revenir au plus tôt en Égypte, avec leur père, Jacob, et tout le reste de la famille.

Béréchit 45:9 à 45:10. « Remontez vite vers mon père et dites lui ce qui va suivre. Voici ce qu’a dit ton fils Joseph: Dieu m’a fait le seigneur de toute l’Égypte. Viens auprès de moi, ne tarde pas…Tu habiteras la terre de Gessen [en Égypte] et tu seras tout près de moi, toi, tes enfants, tes petits-enfants, ton petit bétail, ton gros bétail et tout ce qui t’appartient. »

La fraternité a finalement pu renaître, ce n’est pas simplement le « passage du temps » qui a soigné les plaies, mais un travail relationnel et personnel considérable. Le Joseph et les frères qui se retrouvent ne sont pas ceux du passé. Une nouvelle réalité familiale est née.

Bonne année 2017 à toutes et à tous!

Paracha Mikets : comment façonner la réalité ?

Semer des graines d’où germeront les événements futurs, est une façon d’essayer de façonner la réalité. Il nous vient à l’esprit un autre type de tentative, d’ordre scientifique, pour y parvenir.

Des recherches portent actuellement sur une question complexe : nos pensées, focalisées de façon intense sur un objectif très précis, ont un impact sur des événements en relation avec cet objectif. Lynne McTaggart (1951 -), journaliste scientifique américaine, a publié récemment un ouvrage sur ce sujet. Il est intitulé « La science de l’intention. » Cet ouvrage a pour but, données scientifiques à l’appui, de répondre par l’affirmative à cette hypothèse.

En lisant la paracha Mikets, nous sommes en admiration. Un prisonnier hébreu, Joseph, a réussi à façonner la réalité. Il a acquis le pouvoir de maîtriser l’économie de toute une nation, l’Égypte. Comment Joseph a-t-il pu y parvenir ?

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La paracha Mikets du sefer Béréchit (Genèse) 41:1 à 44:17 et la gloire de Joseph

Au tout début de la paracha, Joseph est en prison en Égypte, depuis deux ans; mais il a semé les graines d’événements à venir.

En prison, Joseph a rencontré le Grand Échanson de Pharaon. Joseph a même interprété le rêve du grand échanson, et plaidé sa cause auprès de lui, puisqu’il est emprisonnée sur la base d’une erreur judiciaire. Il lui a demandé de ne pas l’oublier au moment de sa libération. Dans un premier temps, il semblerait que le Grand Échanson ait effacé Joseph de sa mémoire, et Joseph continue à croupir en prison.

Cependant, se produit un événement qui va tout changer.

Béréchit 41:1. Il advint, au bout de deux années, que Pharaon eut un rêve. Il se trouvait debout au bord du Nil.

Après deux années de stagnation, Joseph va être libéré. Rapidement, il parviendra au summum du pouvoir, ce qui lui permettra de gérer la réalité qu’il a anticipée et en partie façonnée. C’est à nouveau un rêve qui change le cours des choses, il s’agit cette fois du rêve de Pharaon. Comme déjà évoqué avec le Traité BraHot, le rêve suivra son interprétation.

Joseph, qui a interprété avec justesse les rêves du Grand Échanson et du Maître Panetier, est appelé auprès de Pharaon pour interpréter son rêve. Le Grand Échanson, qui a fini par se souvenir de lui, le considère comme le seul interprète crédible et suggère à Pharaon de le consulter.

Béréchit 41:9 à 41:14. Alors, le Grand Échanson parla avec Pharaon en ces termes: « Je rappelle, en cette occasion, mes fautes…Un jour, Pharaon était irrité contre ses serviteurs et il nous fit enfermer dans la prison du chef des gardes, moi et le Maître Panetier…Nous eûmes un rêve la même nuit, lui et moi, avant d’avoir l’interprétation de nos rêve…Était avec nous un jeune Hébreu, esclave du chef des gardes. Nous lui racontâmes nos rêves et il les interpréta…Et il advint ce qu’il avait interprété. Moi, je fus rétabli dans mon poste et le Maître Panetier fut pendu »…Alors, Pharaon envoya chercher Joseph qu’on fit sur le champ sortir du cachot. Joseph se rasa, changea de vêtements puis parut devant Pharaon.

Par son interprétation du rêve de Pharaon, Joseph dépeint 14 années d’avenir de l’Égypte. Il prédit à Pharaon 7 années d’abondance pour l’Égypte, suivies par 7 années de misère et de famine.

Béréchit 41:25 à 41:28. Joseph dit à Pharaon: « Le rêve de Pharaon ne fait qu’un: ce que Dieu prépare, il l’annonce à Pharaon…Les sept belles vaches, sont sept années et les sept beaux épis, sept années aussi. C’est un même songe…Et les sept vaches maigres et laides qui sont sorties ensuite, sont sept années, de même que les sept épis vides, desséchés par le vent d’est. Ce seront sept années de famine…C’est ce que j’ai dit à Pharaon. Ce que Dieu a prévu de faire a été révélé à Pharaon. »

Joseph fait ensuite la proposition suivante à Pharaon : qu’il soit fait en sorte, pendant les 7 années d’abondance, que soit prélevé et stocké le cinquième des ressources alimentaires du pays. Ce stock de ressources devra être redistribué, dans tout le pays, pendant les 7 années de famine.

Joseph aurait-il, non seulement la capacité d’anticiper l’avenir, mais aussi la capacité de le modéliser ? Il propose des solutions concrètes à la résolution de problèmes qui se poseront dans le futur. Joseph ne serait-il pas en train de façonner la réalité ?

La proposition de Joseph à Pharaon nous fait penser à la « prophétie d’auto-réalisation ».

Cette notion d’auto-réalisation est importante. Donnons-en un exemple : En « prophétisant » la pénurie de carburant, on peut induire un sentiment d’inquiétude auprès des automobilistes. Ces derniers, alertés et inquiets vont vite faire le plein de leurs de réservoirs. D’habitude, lorsque les automobilistes sont confiants, il font le plein lorsque le réservoir est presque vide. Compte tenu de leur inquiétude, ils font le plein beaucoup plus tôt. La quantité d’essence demandée est alors bien supérieure à celle qui est habituellement nécessaire. De ce fait, la pénurie de carburant s’accroît fortement et s’auto-entretien au gré des approvisionneurs. La prophétie initiale s’est donc réalisée, bien qu’elle n’ait pas été particulièrement justifiée par la situation réelle.)

L’auto-réalisation, ne s’applique pas seulement aux questions économiques. Claude Steiner (1935 -), psychothérapeute adepte de l’Analyse Transactionelle, nous le rappelle avec le conte des Chaudoudoux (à voir sur le lien suivant, cliquez ici ). Le thème de ce conte est le partage généreux de ressources émotionnelles et les conséquences liées à l’idée de pénurie de ces ressources.

Revenons à Joseph. La proposition qu’il a faite à Pharaon va dans le sens de sa prise en main de l’économie Égyptienne. Pharaon, convaincu du bien-fondé de cette proposition, décide de prendre Joseph à ses côtés pour gouverner l’Égypte :

Béréchit 41:39 à 41:42…Puis Pharaon dit à Joseph: « Puisque Dieu t’a révélé tout cela, nul ne peut être aussi sage et avisé que toi…C’est toi qui sera le chef de ma maison; tout mon peuple sera gouverné par ta parole et je n’aurai sur toi que la prééminence du trône »… Pharaon dit encore à Joseph: « Vois! je te mets à la tête de tout le pays d’Égypte »…Et Pharaon ôta sa bague de sa main et la passa à celle de Joseph. Il le fit habiller de vêtements en fin lin et mit un collier d’or à son cou.  

(Le rapprochement est à faire avec la Méguila d’Esther, quand Mardochée reçoit les pleins pouvoirs de la part du souverain de l’empire Perse, Assuérus.)

Joseph aux prises avec ses blessures d’enfance

C’est la gloire pour Joseph, cependant ses blessures d’enfance n’ont pas cicatrisé. L’objectif de sa fulgurante ascension en Égypte est, consciemment ou inconsciemment, de réunir toute sa famille, en particulier ses frères, auprès de lui. Mais ce n’est plus comme avant, en terre de Canaan, quand il n’avait que 17 ans. Maintenant, c’est en position de force, en position de « vice-roi » d’une nation puissante, capable de nourrir son peuple et tous les pays alentour, qu’il les recevra.

Justement, la famine règne en terre de Canaan et, à la demande de Jacob, les frères de Joseph, excepté Benjamin, descendent en Égypte pour se procurer de la nourriture. Joseph les reçoit sans se faire reconnaître d’eux. Lui, il les reconnaît très bien. Il exerce une terrible pression sur eux pour les dominer et mettre à l’épreuve leur sens de la fraternité. Il va jusqu’à les maltraiter verbalement, retenir Siméon et exiger que Benjamin, l’autre fils de Rachel, sa propre mère, lui soit livré en échange de sa clémence.

Mais à ce stade rien n’est réglé. Joseph n’est pas maître du dénouement. Les frères de Joseph vont-ils revenir avec Benjamin ?

Il en sera ainsi. La réalité façonnée par Joseph est conforme à ses vœux. Cependant, Joseph n’a pas encore révélé sa véritable identité. Le rassemblement des 12 fils d’Israël aura-t-il vraiment lieu ? La prochaine paracha nous donnera la réponse.

Paracha VayichlaH : quelle est la recette de la paix ?

Il y a plus de vingt ans, sur les conseils pressants de sa mère Rébecca, Jacob quittait Béer-shéva pour rejoindre la ville de Haran où résidait son oncle Laban.

Jacob a pris pour épouses Léa et Rachel, les filles de Laban. Il est père de nombreux enfants dont les mères sont Léa et Rachel, ainsi que leurs servantes, Zilpa et Bilha.

La situation devient conflictuelle, alors Jacob décide de retourner dans sa famille d’origine, en terre de Canaan. Se pose la grave question de la rencontre avec son frère Ésaü, qui a songé à le tuer peu avant son départ. Les retrouvailles seront-elles violentes ou pacifiques? Malgré tout, Jacob prend le chemin du retour avec femmes et enfants.

La paracha VayichlaH nous décrit les moments forts de la rencontre entre Jacob et Ésaü et nous montre de quelle façon Jacob est devenu Israël.

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La paracha VayichlaH du sefer Béréchit (Genèse) 32:4 à 36:43 et la confrontation à haut risque

Difficile de vivre avec un poids sur la conscience. En particulier, quand on est convaincu de devoir régler de douloureux problèmes du passé.

Jacob est face à cette question quand il décide de revenir en terre de Canaan, prêt à affronter les risques liés à cet acte. Jacob est angoissé à l’idée de se retrouver face à Ésaü. Le moment tant redouté  va bientôt arriver.

La tactique de Jacob est de procéder par étapes successives, dans le but de garder la maîtrise des événements. La première étape est l’envoi de messagers (« malaHim ») en reconnaissance, là où se trouve Ésaü.

Béréchit 32:4. Jacob envoya des messagers [malaHim] en avant, vers Ésaü son frère, au pays de Séir, dans la campagne d’Édom.

Les « malaHim » (מַלְאָכִים), les messagers de Jacob, sont des hommes envoyés en éclaireurs ? Le mot désigne parfois également des messagers divins, des « anges ». Telle est d’ailleurs l’opinion de Rachi. L’ambiguïté du terme « malaHim » est intéressante car d’une certaine façons, les messagers humains que nous sommes transmettent également des enseignements moraux et spirituels.

Les « malaHim » rapportent à Jacob qu’Ésaü a pris les devants. Il est en route, à la rencontre de Jacob, fortement accompagné.

Béréchit 32:7. Les messagers revinrent près de Jacob, en disant: « Nous sommes arrivés vers ton frère Ésaü. Lui aussi vient à ta rencontre, et avec lui, quatre cents hommes. »

À cette information, Jacob est saisi de frayeur et prend une initiative qui est détaillée dans les versets suivants :

Béréchit 32:8 à 32:9. Alors, Jacob eut grand-peur et fut plein d’anxiété. Il divisa en deux camps ses gens, le petit bétail, les bovins et les chameaux…Se disant: « Si Ésaü attaque l’un des camps et le met en pièces, le camp restant deviendra une ressource. »

Cette division de la famille, des personnes qui l’accompagne, et des biens, peut être interprétée comme une limitation des risques. Mais elle revêt une apparence fébrile, non réfléchie et trop fataliste. Jacob est-il vraiment certain qu’Ésaü et ses hommes le mettront en pièces, lui et ses proches ?

(Ce partage en deux nous fait penser au terme « yaHats », de la Hagada de PessaH, qui désigne le moment de la brisure de la matza en deux morceaux, lors du Seder.)

Seconde étape : Jacob fait appel à ses forces morales. Il se tourne vers l’Éternel et prie en évoquant l’Alliance :

Béréchit 32:10. Puis Jacob dit « O Dieu de mon père Abraham et Dieu d’Isaac mon père! Éternel, toi qui m’as dit: ‘Retourne à ton pays et dans ta parenté et je te comblerai.’ »

Troisième étape :  les cadeaux de Jacob à Ésaü – suivons le cours des versets de la Torah.

Béréchit 32:14. Il établit là son gîte pour cette nuit et il choisit, dans ce qui se trouvait en sa possession, un don pour Ésaü son frère.

Jacob vient d’avoir l’idée d’approcher son frère par la paix en lui offrant des présents (du gros et du petit bétail). Ces présents apaiseront-ils suffisamment Ésaü ? La façon de les offrir a peut-être plus d’importance que la valeur matérielle. Jacob en a conscience. Il décide de faire parvenir immédiatement ses cadeaux à Ésaü d’une façon subtilement élaborée :

Béréchit 32:17 à 32:21. Puis il remit à chacun de ses serviteurs une part du troupeau et il leur dit: « marchez en avant et laissez un intervalle entre votre part du troupeau et la suivante. »…Il donna au premier l’ordre suivant: « lorsqu’Ésaü, mon frère, te rencontrera et te demandera: ‘à qui es-tu? où vas tu? et à qui est le bétail qui te précède?’…Tu répondras: ‘à Jacob ton serviteur, et ceci est un don envoyé par lui à mon seigneur Ésaü; et Jacob lui même nous suit.’ »…Il ordonna de même au second, de même au troisième, de même à tous ceux qui conduisaient les troupeaux, en disant: « c’est ainsi que vous parlerez à Ésaü quand vous le rencontrerez…Et vous direz: ‘voici que lui-même, ton serviteur Jacob, nous suit car il s’est dit: « je veux l’apaiser par le présent qui me devance, ensuite je verrai son visage, peut être sera-t-il bienveillant pour moi. »

La tactique de Jacob est d’envoyer les présents par vagues successives, de façon à impressionner favorablement Ésaü et le rendre de plus en plus confiant en sa volonté de paix. En même temps, Jacob prend des dispositions pour s’isoler :

Béréchit 32:22 à 32:24. Le présent défila devant lui et lui, demeura cette nuit là dans le camp…Plus tard, dans la nuit, il se leva et prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants et traversa le gué du Yaboc…Puis il les aida à traverser cette rivière et fit aussi traverser ce qui était à lui.

Quatrième étape : Jacob se retrouve seul, et un événement étrange se produit.

Béréchit 32:25 à 32:29. Jacob resta seul et un homme se mit à lutter avec lui jusqu’à l’aube…Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il lui pressa la cavité de la cuisse, et la cuisse de Jacob se démit…Il dit: « laisse moi partir, car l’aube est venue. » Jacob répondit: « je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m’aies béni »…Il lui dit alors: « quel est ton nom? » Il répondit: « Jacob »…Alors il dit: « Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu as vaincu. »

Ce passage énigmatique de la Torah nous interpelle. Contre qui Jacob a-t-il lutté, un ange, une représentation de son frère Ésaü, certains aspects de sa propre personnalité ou Dieu sous une apparence humaine ? La logique voudrait que l’on privilégie l’hypothèse d’un ange, messager de Dieu.

Jacob devient Israël, « celui qui a combattu avec Dieu et qui a vaincu. » Le terme « Israël » est aussi à rapprocher du terme « Yachar-el » signifiant « qui est droit avec Dieu ».

Les étapes franchies par Jacob sont-elles les étapes de la paix intérieure ?

Au-delà des étapes qu’il a dû franchir, Jacob s’est retrouvé transformé et en paix avec lui-même. L’étape fondamentale est certainement celle du travail intérieur que Jacob a été contraint d’opérer.

Revenons sur la lutte entre Jacob et « un homme ». La relation d’Alliance avec Dieu n’inclut-elle-pas une part de lutte avec nous-même et avec notre environnement ? Lutte au-delà de laquelle nous trouvons en général la paix. Par ailleurs, la lutte entre Jacob et « un homme » n’a-t-elle pas aussi inspiré nos relations avec autrui, quand la plupart des confrontations se concluent par un rapprochement, un accord pacifique ?

Ceci est à étendre à la prise en charge de nos difficultés personnelles du passé, celles qui ont encore prise sur nous, pour mieux les analyser, les résorber et ne plus les craindre.

Paracha Hayé Sarah : combien de temps allons-nous sacrifier nos enfants ?

Pendant encore combien de temps allons-nous sacrifier nos enfants ? Tout au long de l’histoire, de jeunes personnes, au plus fort de leurs capacités physiques et morales, sont parties combattre et se sacrifier pour leurs aînés, leurs clans ou leurs nations.

Le sacrifice d’Isaac est d’un tout autre type, mais il nous conduit quand même à nous poser cette question sur un plan général.

Isaac n’est pas mort, mais sa mère Sarah est littéralement morte d’angoisse à l’idée de le perdre. Pourquoi « Dieu » aurait-il permis une telle chose?

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La paracha Hayé Sarah du sefer Béréchit (Genèse) 23:1 à 25:18 et les vies de Sarah

Béréchit 23:1 à 23:2. Et la vie de Sarah fut de cent vingt-sept années; telle fut la durée des années de la vie de Sarah…Sarah mourut à Kiriath-Arba, c’est à dire à Hébron, dans le pays de Canaan. Abraham y vint pour se lamenter sur Sarah et la pleurer.

Le midrach raconte que Sarah est morte suite au départ d’Abraham et d’Isaac. Sarah mourut avant Abraham. Elle fut admirable et irréprochable pendant toute une vie au parcours éprouvant : le départ de Haran pour une terre inconnue, l’enlèvement par Pharaon puis par AbiméleH, et pire encore, le départ d’Isaac.

Le départ d’Isaac avec son père, sur ordre de « Dieu » est un épisode délicat et très discuté. Il s’agit d’un très beau passage (encore plus en hébreu) qui souligne la proximité entre le père et le fils, et leurs questionnements concernant la nature de leur voyage. Selon la tradition juive, ce voyage fut une épreuve, sans aucune intention de réellement sacrifier Isaac. La nature de cette épreuve est discutée: « Dieu » voulait-il vérifier qu’Abraham était bien prêt à tout lui sacrifier? Ou au contraire, « Dieu » voulait-il vérifier qu’Abraham était justement prêt à renoncer aux sacrifices humains fréquents à cette époque? Toujours est-il que cette épreuve subie conjointement par Abraham et Isaac a été vécue par Sarah dans la solitude. Son inquiétude fut telle que Sarah ne pût résister à l’angoisse qui la submergeât et qu’elle mourût.

Revenons à la destinée de Sarah. « Hayé Sarah » (חַיֵּי שָׂרָה), « la vie de Sarah », ou plutôt « les vies de Sarah », comme si Sarah avait eu plusieurs vies. Le mot « chana » (שָׁנָה), « année », est repris plusieurs fois, car dans la tradition juive le caractère sacré de la vie correspond au sacré de chacun de nos instants de vie, de chacune de nos années de vie.

La vie de Sarah fut parfaite. Sarah vécut 127 ans. « Les 3 vies » de Sarah furent de 100 ans, 20 ans et 7 ans. Cette façon de voir les choses signifie que Sarah fut admirable et irréprochable à 7 ans, à 20 ans, comme à 100 ans malgré ce qu’elle endurât. Sarah fut très belle aussi; ce qui provoqua quelques déboires lors de ses voyages avec Abraham, aussi belle à 100 ans qu’à 20 ans et à 7 ans.

Toujours d’après Rachi, l’expression « chné Hayé Sarah » (שְׁנֵי חַיֵּי שָׂרָה), « les années de la vie de Sarah » est à souligner, car absolument toutes les années de la vie de Sarah sont à prendre en considération. Chacune de ces années fut imprégnée de sa bonté, de sa sagesse, de son aura.

Sarah fut la première des matriarches et patriarches à être inhumée à Hébron anciennement appelée Kiriath-Arba,  » la colline des quatre ». Effectivement, 4 couples fondateurs y sont enterrés : Adam et Ève (d’après la tradition), Abraham et Sarah, Isaac et Rébecca, Jacob et Léa.

L’année dernière, tout près d’Hébron, le Rabbin Arik Ascherman de l’association « Les Rabbins pour les droits de l’homme » a été attaqué au couteau alors qu’il défendait le droit des arabes palestiniens à la culture des oliviers. Hébron est actuellement un foyer de haine (comparable à la mésaventure de Caïn et Abel) où la coexistence est devenue extrêmement difficile.

La ville d’Hébron est âgée d’environ 4000 ans (période du bronze ancien). Hébron a été détruite une première fois il y a 3500 ans lors d’une invasion égyptienne, puis a été reconstruite, puis redétruite, puis reconstruite. Les Juifs en ont été chassés ou ont été tués. Des pogroms ont eu lieu en 1517, 1834, 1929…contre les Juifs qui sont quand même revenus. Malheureusement, en 1994 c’est un Juif, Baruch Goldstein, qui a tué 29 arabes palestiniens dans le Tombeau des Patriarches.

Aujourd’hui, Hébron est très loin d’être le lieu de paix dédié à Sarah. Cependant, il est important de mentionner qu’un Sage chrétien du 5° siècle disait qu’Hébron était, à cette époque, un lieu de fêtes estivales annuelles où se retrouvaient dans la joie, chrétiens, juifs et païens (l’Islam n’existait pas encore). Hébron garde son potentiel d’union, et le retrouvera peut-être un jour.

Rappelons-nous un passage de la Genèse qui cite l’Éternel [parlant à Abraham, le mari de Sarah] : « …et par toi seront bénies toutes les familles de la Terre ». Rappelons-nous aussi, que selon le Midrach, Sarah a allaité tous les petits enfants présents au banquet donné en l’honneur d’Isaac, en signe de partage. À travers ces faits, mettons en avant les initiatives de paix de la population de l’état d’Israël. Des associations s’activent en ce sens : « Les Rabbins pour les droits de l’homme », « Les enfants pour la paix », etc… Mettre en avant les initiatives pacifistes, c’est leur donner plus de poids.

Évoquer Sarah nous fait songer à un monde sans violence

Le nom de l’association « Les enfants pour la paix » est très significatif. La meilleure façon d’épargner, de soutenir les enfants, de les inciter à rester en paix, qu’ils soient israéliens, palestiniens, de n’importe qu’elle religion ou nationalité, est de les faire se rencontrer et de leur confier la responsabilité de leur avenir. Ainsi, par eux-mêmes, ils deviendront tolérants, s’apprécieront, et seront heureux de construire ensemble un monde sans violence.

L’expression Hayé Sarah, « les vies de Sarah » au pluriel, symbolise notre capacité d’évolution vers un monde de paix en nous investissant, comme elle, dans cette direction, chaque minute, chaque journée, chaque année de notre vie.

Le Tombeau des Patriarches, où se trouve Sarah, peut encore être visité. Il matérialise le devoir de mémoire nécessaire à une projection vers un futur de paix. Un futur de paix où le sacrifice de nos enfants n’aura plus aucun sens.

Paracha LèH LéHa : les voyages forment la Genèse !

Quelques mots à propos d’Abraham, le patriarche, qui se nommait alors Abram.

Il y a environ 3900 ans (datation soumise à discussion), Térah (תרח), descendant de Sem et père d’Abram (qui ne se nomme pas encore Abraham), regroupa sa famille et ses proches, dans la ville d’Ur en Chaldée (Mésopotamie). Puis l’ensemble du groupe prit la route pour des raisons non précisées, et s’établit à Haran, ville araméenne, où Térah mourut. Alors, Dieu se manifesta et demanda à Abram de conduire le groupe d’hébreux au pays qu’il lui avait choisi, la terre de Canaan.  Contrairement à l’idée reçue, Térah était donc l’initiateur du voyage familiale, interrompu en chemin.

La lecture de la paracha LèH LéHa qui conte cet épisode, nous conduit à évoquer les multiples voyages des hébreux ainsi que ceux, plus récents, du peuple juif; et à nous interroger aussi, sur l’expression « Juif errant ».

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La paracha LèH LéHa du sefer Béréchit (Genèse) 12:1 à 17:27 et la mission confiée à Abram

Parfois nous avons besoin d’une impulsion, d’un élan pour nous décider à bouger, prendre des risques, nous investir dans un projet, affronter l’inconnu. Le nom de notre paracha, LèH LéHa, qui signifie « Va par toi-même » correspond au nom  que l’on pourrait donner en hébreu à cette impulsion.

Effectivement, l’Éternel s’adresse à Abram pour l’informer de sa mission et lui donner l’élan nécessaire à son accomplissement.

Béréchit 12:1. « Alors l’Éternel dit à Abram: « Va-t’en par toi-même de ton pays, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père, vers la terre que je t’indiquerai . »

Dans ce type de situation, être soutenu a beaucoup d’importance. Ici, Abram a le privilège d’avoir la confiance et le soutien de Dieu pour se lancer.

Béréchit 12:2. « Je ferai de toi un grand peuple, et je te bénirai, et j’agrandirai ton nom, et tu seras une marque de bénédiction. »

Selon Rachi, le verset précédent est très parlant. Quiconque s’investit dans une mission difficile ou s’en va affronter l’inconnu prend des risques : ne pouvoir créer une famille avec une nombreuse progéniture, avoir des nécessités matérielles ou financières, se retrouver dans l’anonymat. À nous de bien connaître ces risques en de telles circonstances.

L’entreprise audacieuse d’Abram et Saraï, qui sont devenus Abraham et Sarah, est un événement à mettre en parallèle avec les risques pris par le peuple Juif tout au long de son histoire.

Le thème de la paracha est l’occasion de commenter l’expression « Juif errant ». Certains ont en eux une image déformée du peuple juif. Ils se le représentent comme un être égaré sur terre, ne sachant où aller, sans racine, se sentant partout en exil. C’est très loin de la vérité. En fait, cette expression fait référence à Caïn dans la Bible. Après qu’il eut tué son frère Abel, Dieu lui avait dit : «  Et bien, tu es maudit à cause de cette terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère… Lorsque tu cultiveras le sol, il cessera de t’offrir sa fécondité et tu seras errant et fugitif sur la Terre. »

Ainsi, ceux qui font l’amalgame, tentent d’associer les juifs à Caïn le meurtrier et non à Abraham le « passeur ». Cette vision est héritée d’une pensée heureusement remise en cause par le concile Vatican II. Certains d’entre nous ont encore le souvenir de cette époque.

De nombreux personnages bibliques ont suivi la voie ouverte par Abraham, fondateur du monothéisme. Ils sont surtout mentionnés dans les pages de la Genèse (Béréchit) et de l’Exode (Chemot). Parmi ceux qui ont suivi ce type de parcours, citons Rebecca, Jacob, Joseph et bien-sûr Moïse avec l’ensemble des enfants d’Israël. Nous pouvons mentionner également l’exil de Babylone et la dispersion des Juifs au cours de l’occupation Romaine.

L’apport des voyages aux enfants d’Israël

Le terme d’errance a une connotation morale, comme si les juifs avaient « perdu la boussole ». Certes les juifs ont été déportés et déplacés ou chassés de nombreuses fois, et ils ont également parfois choisi de voyager. Mais associer ces déplacements à un manque de qualités humaines n’est pas juste. A travers ces voyages, le peuple Juif est volontairement allé au contact des autres peuples. Il s’est enrichi culturellement, technologiquement et spirituellement de tous ses déplacements, de tous ses rapprochements avec les autres populations. Ces rapprochements  n’ont en rien altéré l’identité juive. Au contraire, ils l’ont enrichie au plus profond d’elle-même. L’identité juive en est devenue plus forte, plus sage, plus tolérante.

Pour faire le lien avec Abraham, citons un autre verset de la paracha le concernant :

Béréchit 12:3. « Je bénirai ceux qui te béniront, et ceux qui t’outrageront, je les maudirai; et par toi seront bénies toutes les familles de la Terre. »

En 1999, Danièle Hervieu-Léger, sociologue des religions, a écrit un livre intitulé « Le pèlerin et le converti ». Cet auteur a beaucoup travaillé sur les problèmes de transmission, de conversion et de formation des identités religieuses. Elle suggère que nous entreprenions un voyage au fond de notre propre identité et que nous allions vers l’autre afin d’accéder à un enrichissement spirituel mutuel. Une autre forme de voyage.

Apprenons à tirer parti de tout type de voyage. Songeons souvent à celui d’Abram et Saraï.

Paracha Vézot habéraHa : répétition ou renouveau ?

Que serait une vie uniforme et sans changement ? Que représente le changement dans notre existence ?

Nos caractéristiques physiques et intellectuelles d’êtres vivants changent, bien-sûr, avec l’âge. Le travail, l’habitat, la famille, les relations affectives et beaucoup d’autres facteurs induisent également des inflexions de notre parcours de vie.

Certains changements sont subis et d’autres voulus, certains apportent un renouveau conséquent et d’autres non. La constance et la répétition ont aussi leur part dans notre cheminement.

Penchons-nous sur le cas des enfants d’Israël à la fin de la Torah. Ils sont sur le point d’affronter un double changement qui va bouleverser leur existence : la disparition de Moïse et l’entrée en terre de Canaan. La paracha Vézot habéraHa met en lumière des points clés de cet événement.

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La paracha Vézot habéraHa du sefer Devarim (Deutéronome) 33:1 à 34:12

La paracha Vézot habéraHa est la dernière paracha de la Torah. (Elle est lue spécifiquement le jour de SimHat Torah.) « Vézot habéraHa » signifie « Et c’est la bénédiction ». Ainsi, la paracha débute par la bénédiction du peuple d’Israël par Moïse avant sa fin toute proche.

Devarim 33:1. « Or, voici la bénédiction dont Moïse, l’homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël avant de mourir. »

Cette paracha marque un changement immense : Moïse va partir pour toujours. Ce changement, c’est la disparition d’un père spirituel aimé, la disparition d’un guide irremplaçable depuis la sortie d’Égypte jusqu’à l’arrivée aux frontières de la terre promise et depuis le don de la Torah. A ce moment, ceux qui vont entrer en terre de Canaan sont tous nés au cours des 40 ans de parcours dans le désert et n’ont connu qu’un seul guide, Moïse.

La séparation définitive entre le peuple d’Israël et Moïse est un véritable défi de renouveau. Dans le désert les enfants d’Israël étaient pris en charge par Moïse, ils recevaient la manne comme nourriture, leurs autres besoins matériels étaient toujours satisfaits, et comme la tradition le dit, « leurs vêtements et leurs chaussures ne s’usaient jamais ». Ils vont se retrouver seuls face à leur sort et en devenir responsables. Ils vont ressentir l’angoisse accompagnant tout changement de ce type.

La peur du changement est si forte, qu’à propos d’un verset de la paracha VayéleH, la tradition dit ceci : Moïse a dû, lui-même, partir à la recherche des membres de son peuple pour leur faire une importante déclaration. Les enfants d’Israël se tenaient alors volontairement éloignés de lui. Ils savaient que Moïse devait leur donner les 613 commandements de la Torah et ils n’en avaient reçu que 611. Afin de faire obstacle à sa mort, ils restaient loin de lui pour l’empêcher de leur remettre les 2 commandements manquants, comme il était obligé de le faire. Et pour remplir son devoir, Moïse a dû aller à leur rencontre.

Dans notre paracha, les enfants d’Israël sont contraints de faire leurs adieux à Moïse. C’est la fin d’une époque. Cependant, la continuité est assurée, car l’entrée en terre de Canaan est la réponse à une promesse faite par Dieu à Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa au cours d’une autre époque.

Un élément de renouveau survient cependant :

Devarim 34:10. « Mais il n’a plus paru, en Israël, un prophète tel que Moïse, avec qui l’Éternel communiquait face à face ».

Mais ne sautons pas le verset précédent qui reste dans la continuité :

Devarim 34:9. « Or, Josué, fils de Noun, était plein de l’esprit de sagesse, parce que Moïse lui avait imposé les mains; et les enfants d’Israël lui obéirent et agirent comme l’Éternel l’avait prescrit à Moïse. »

Le renouveau dans la continuité

Le renouveau et la répétition dans la continuité peuvent-être quasiment simultanés. Ainsi, lors de la fête de SimHat Torah, Béréchit s’enchaîne immédiatement après Vézot habéraHa. Ici le renouveau se fait dans la continuité. Tous les ans, nous accomplissons un saut dans l’histoire en revenant à la création du monde, au début de la Torah. Entre-temps nous avons acquis de nouvelles connaissances, de nouveaux éléments de sagesse et vécu de nouvelles expériences. Et là, le renouveau se trouve dans l’interprétation toujours actualisée des textes de la Torah.

Avant de conclure lisons le dernier verset de la paracha, donc de la Torah :

Devarim 34:12. « …ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles, que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël ».

« Tout Israël » est encore une fois évoqué. A noter le lien entre le « lamed » final d’Israël (יִשְׂרָאֵל) et le « beit » du début de Béréchit (בְּרֵאשִׁית). Ces 2 lettres associées forment le mot « Lev » (לב) qui signifie « cœur ».

Donc, du fond de notre cœur, identifions et choisissons nous-mêmes ce qui est rupture et ce qui est continuité au seuil de la nouvelle année. Mettons en œuvre notre liberté de voir le monde à notre gré. Nous ne sommes pas toujours pleinement conscients de l’étendue de nos possibilités, ne restons pas prisonniers de nos limitations. Répétition ou renouveau dans notre vie ? La liberté est un capital que nous voulons investir en connaissance de cause.

 

 

Paracha VayéleH : comment rassembler un peuple divisé ?

On parle, à juste titre, du peuple juif comme d’un peuple relativement uni et ayant le sens de la communauté. Il faut souligner que la communauté juive n’est fragmentée qu’en apparence. Elle fait fait preuve de diversité dans la pratique religieuse, mais sans division absolue, sans fracture. Il n’existe qu’une seule religion juive, le judaïsme.

La question de l’unité du peuple d’Israël, autrement dit du peuple juif, se pose depuis l’origine. Moïse s’est posé cette question sans doute le premier. L’unité d’un peuple passe par le partage des valeurs, l’équité et l’amour du prochain. L’amour du prochain est un principe majeur du peuple juif. L’éparpillement de ses membres n’a jamais été un obstacle à ce principe.

Notre paracha se situe presque à la fin du Deutéronome. Moïse prépare les enfants d’Israël à son départ définitif. Un désir le tourmente, celui de résoudre les divisions de son peuple et d’obtenir une unité immuable, non seulement pour l’entrée en terre de Canaan, mais pour un futur sans limite.

La paracha  VayéleH est l’objet de cette importante question.

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La paracha VayéleH du sefer Devarim (Deutéronome) 31:1 à 31:30, et l’unité du peuple d’Israël

La paracha VayéleH contient un commandement important, le commandement de Hakel. (« Hakel » se traduit par « rassemble ». Hakel est de la même racine que « kéhilla », signifiant « communauté ». Une Synagogue est une kéhilla, un lieu ou l’on se rassemble.)

Moïse expose le commandement de Hakel aux prêtres, aux lévites et aux sages d’Israël.

Devarim 31:10 à 31:13. « Et Moïse leur ordonna ce qui suit: à la fin de chaque septième année, à l’époque de l’année de rémission, lors de la fête des cabanes, alors que tout Israël vient comparaître devant l’Éternel, ton Dieu, dans l’endroit qu’il aura choisi, tu feras lecture de cette loi devant tout Israël, qui écoutera attentivement. Tu y rassembleras tout le peuple, les hommes et les femmes et les enfants, ainsi que l’étranger qui est dans tes murs, afin qu’ils entendent et s’instruisent, et révèrent l’Éternel, votre Dieu, et s’appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette loi; et que leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendent aussi, et qu’ils apprennent à révérer l’Éternel, votre Dieu, tant que vous vivrez sur le sol pour la possession duquel vous allez passer le Jourdain. »

Le commandement de Hakel a 2 exigences : le rassemblement spirituel et le rassemblement physique des enfants d’Israël. Il demande le rassemblement de tout le peuple d’Israël, dans le Temple de Jérusalem, à la fin de l’année de la chmitah (rémission, tous les 7 ans), pendant la fête de Soukot (fête des cabanes). L’objectif est que le peuple écoute la lecture de longs passages du Deutéronome.

La fête de Soukot est la fête pendant laquelle il est fait abstraction des inégalités sociales. La fin de l’année de la chmitah est le temps ou chacun est débarrassé de son fardeau de dettes, le temps du recommencement et de la cohésion du peuple.

Moïse emploi les termes « kol Israël » (כָל יִשְׂרָאֵל), tout Israël. Le peuple d’Israël est concerné dans sa totalité, les hommes (הָאֲנָשִׁים), et les femmes (וְהַנָּשִׁים), et les enfants (וְהַטַּף) et l’étranger ( והגר ).

La paracha VayéleH est lue entre Roch Hachana et Yom Kipour, pendant les 10 jours de Téchouva (repentance), les 10 jours de recommencement. A ce moment, nous sommes tous rassemblés pour nous recueillir, nous repentir, étudier, comprendre et parcourir spirituellement le chemin du peuple juif. Nous nous trouvons, à ce moment là, dans une situation répondant au commandement de Hakel.

Revenons à la Téchouva. Elle est la démarche de recommencement par la reconnaissance des fautes et la prise d’engagements. La Téchouva demande aussi que nous nous tournions les uns vers les autres, afin que les relations affectives soient régénérées. (En analyse transactionnelle on appelle cela « décoller les timbres ». Ce concept découle du principe qu’un grand nombre de toutes petites choses perturbent souvent les relations entre individus. Ces toutes petites choses sont à identifier et à neutraliser par la rencontre et le dialogue.)

Avant Yom Kipour nous nous tournons les uns vers les autres pour donner un nouveau départ à nos relations. Au moment d’honorer cette fête nous nous rassemblons physiquement et spirituellement à la Synagogue. C’est sans doute là que se trouve la correspondance avec le commandement de Hakel.

Le message à tirer pour l’unité du peuple juif

Pour consolider l’unité du peuple juif il serait bon que nous commémorions souvent le commandement de Hakel; que se soit au moment de Yom Kipour ou en toute autre occasion.

Nous devons bien comprendre, également, que les différents courants de pensée du judaïsme ne concernent que certains aspects de la tradition et non pas l’essentiel de ses valeurs. Valeurs dont nous ne devons pas trop nous éloigner. Gardons toujours en mémoire certaines d’entre elles : la connaissance, le respect des différences, le dialogue et l’amour du prochain. Restons ainsi rassemblés dans nos différences.

Paracha Nitsavim : l’alliance pour tous, au présent !

L’alliance entre Dieu et les hommes est le socle de la tradition juive.

Une alliance n’est pas seulement un accord ou un pacte; c’est aussi une union, un ensemble qui génère une entité. L’alliance entre l’Eternel et les enfants d’Israël a généré une entité spirituelle, la religion juive. Les enfants d’Israël sont devenus le peuple juif. Liés entre eux par une alliance informelle, ses membres ont la charge de son épanouissement présent et futur.

Par ailleurs, au sein du peuple juif, le principe d’alliance se retrouve au niveau des individus destinés à fonder des couples solides et des familles  très unies.

Ceci s’applique aux autres peuples de façon plus ou moins comparable, et à n’en pas douter, l’alliance, sous diverses formes, est un principe primordial de l’humanité toute entière.

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La paracha Nitsavim du sefer Devarim (Deutéronome) 29:9 à 30:20 , et l’alliance avec l’Eternel

Le terme « alliance », nous fait penser d’instinct à l’alliance entre Dieu et Moïse au sommet du mont Sinaï. Nous imaginons le mont Sinaï secoué de tremblements, les éclairs, le tonnerre, les enfants d’Israël figés à l’écoute des 10 paroles (commandements). C’est en général comme ceci que nous nous représentons l’instant fondateur de l’alliance.

En fait, l’alliance avec l’Eternel a débuté bien avant. Tout a commencé par l’alliance avec Adam et Ève, suivie par l’alliance avec Noé (considérées, toutes deux, comme des alliances universelles). Se sont déroulées plus tard, l’alliance avec Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa, puis l’alliance avec Moïse. Celle-ci occupe une position centrale. Elle se rapporte, dans un premier temps, à la sortie d’Égypte et au parcours à suivre jusqu’à la terre de Canaan, puis dans un second temps, aux 10   paroles reçus sur le mont Sinaï.

Dans le texte de la paracha Nitsavim, l’alliance entre Dieu et les enfants d’Israël, sur le point d’entrer en terre de Canaan, est exprimée d’une autre façon par Moïse. Elle est exprimée délibérément au présent :

Devarim 29:9 à 29:12. « Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Éternel, votre Dieu: vos chefs de tribus, vos anciens, vos préposés, tous les hommes d’Israël, vos enfants, vos femmes et l’étranger qui est dans ton camp, du fendeur de bois jusqu’au porteur d’eau; afin d’entrer dans l’alliance de l’Éternel, ton Dieu, et dans son pacte solennel, par lesquels il traite avec toi en ce jour; voulant t’établir aujourd’hui comme son peuple, et lui-même se montrer comme ton Dieu, ainsi qu’il te l’a déclaré, et ainsi qu’il l’avait juré à tes pères Abraham, Isaac et Jacob. »

Moïse s’adresse à tous ceux qui, à ses yeux, composent le peuple d’Israël. Il s’exprime avec insistance au présent. (Les termes, « aujourd’hui », « en ce jour » sont à relever.) En agissant ainsi, Moïse manifeste sa volonté de renforcer la cohésion de tout son peuple, au présent et au futur.

Sont concernés par l’alliance, reproclamée avec solennité, ceux qui sont autour de Moïse, leurs descendants, et ceux qui rejoindront plus tard le peuple d’Israël.

Devarim 29:13 à 29:14. « Et ce n’est pas avec vous seuls que j’institue cette alliance et ce pacte; mais avec ceux qui sont aujourd’hui placés avec nous, en présence de l’Éternel, notre Dieu, et avec ceux qui ne sont pas ici, à côté de nous, en ce jour. »

A noter que l’on se réfère en général au passé en sociologie des religions : « nous devons faire comme nos ancêtres ; la révélation vient du fond des âges et est éternelle; elle ne peut être mise en doute. » L’événement majeur de notre paracha, la proclamation de l’alliance, se passe au présent. Elle s’adresse à des personnes existantes. Par extrapolation, nous en déduisons que la construction et le destin du peuple juif sont directement, et à tout moment, entre les mains de l’ensemble de ses membres.

Cela semble inquiétant de confier le sort du peuple juif à tous les juifs, à n’importe quel juif. Cependant, il n’est pas rassurant non plus de confier cette tâche à une poignée de leaders, quelques fois lointains, qui auraient autorité sur ce qui nous touche au plus profond.

La Torah prend position pour la première hypothèse :

Devarim 30:11 à 30:14. « Car cette loi que je t’impose en ce jour, n’est ni trop difficile pour toi, ni trop lointaine. Elle n’est pas dans le ciel, pour que tu dises: « Qui montera pour nous au ciel et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? Elle n’est pas non plus au delà de l’océan, pour que tu dises: « Qui traversera pour nous l’océan et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? Non, cette parole est tout près de toi: tu l’as dans la bouche et dans le cœur, pour pouvoir l’observer! »

L’avenir du judaïsme

Madame le rabbin Floriane Chinsky est titulaire d’un DEA en sociologie du droit dont le sujet est le mode d’attribution de l’identité juive par les rabbins. Elle est également titulaire d’un Doctorat en sociologie du droit dont le sujet de thèse concerne les  représentations sociales de la flexibilité de la loi juive. Le DEA étudie les rabbins, qui sont importants dans la création du devenir du peuple juif, le doctorat se concentre sur les individus, dont l’importance est peut être plus grande encore puisque c’est chaque juif et juive qui choisit ou non de recevoir l’enseignement d’un rabbin, et qui choisit quel rabbin deviendra son  »  maître   » (au sens de professeur).

Le message transmis par la paracha est le suivant : l’avenir du judaïsme est tracé par chaque membre du peuple juif dans son environnement familial et social, en relation avec les institutions religieuses dont le rôle est l’enseignement, l’étude et la réflexion collective.

Absolument tous les membres du peuple juif sont responsables de l’avenir du judaïsme, « du fendeur de bois jusqu’au porteur d’eau », comme le dit la paracha. La perpétuation du judaïsme n’est rien d’autre que le renouvellement constant de l’alliance entre Dieu et les enfants d’Israël, pour ne pas dire les hommes. Chacun et chacune compte à part égale et est responsable de se faire entendre! 

 

Paracha Ki Tavo : la générosité, un facteur de succès ?

Quelles sont les clés du succès ? Question majeure que se posent de nombreux entrepreneurs, consultants, psychologues…Pour certains, ce sont d’abord la volonté, la confiance en soi et la persévérance, pour d’autres, c’est plutôt la compétence associée au goût du risque.

L’ouverture aux autres, la générosité et la reconnaissance ne sont pas souvent citées comme facteurs de succès. Encore moins la spiritualité et l’espérance, en ce qu’elles peuvent nous guider dans nos actions, nous rassurer et nous dynamiser.

La paracha Ki Tavo nous pousse à nous concentrer sur ce sujet.

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La paracha Ki Tavo du sefer Devarim (le Deutéronome) 26:1 à 29:8

Devarim 26:1. « Quand tu seras enfin arrivé dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage… »

L’objectif sera très bientôt atteint. Sans aucun doute, la terre promise, si longtemps espérée, sera conquise. C’est ce que Moïse annonce aux enfants d’Israël. Après des générations de patriarcat et de matriarcat difficiles et conflictuels, après des années d’esclavage, après 40 ans de pérégrinations dans le désert, les enfants d’Israël vont enfin pouvoir s’installer en terre de Canaan.

Moïse présente ce succès d’une façon tout à fait singulière. Il le présente sous la forme d’une injonction non applicable dans l’immédiat. On remarque qu’il s’exprime comme s’il était sûr de l’avenir; ce qui est bien davantage persuasif que de dire : vous allez réussir ! Moïse cherche-t-il à préparer son peuple au succès ? Cette façon de procéder nous conduit à nous interroger sur l’état d’esprit des enfants d’Israël à ce moment là, et aussi à nous interroger sur nous-mêmes en pareilles circonstances.

Quand nous sentons le succès tout proche, quand l’espoir de la réussite est presque comblé, nous nous trouvons dans un état d’esprit hors du commun. Nous sommes anxieux et nous nous posons des questions un peu saugrenues. Ne rêvons-nous pas ? Qui pourrait nous convaincre ? Serons-nous à la hauteur de ce succès tant attendu ? Sommes-nous prêts à affronter ce succès, à l’investir émotionnellement, à en assumer toutes les conséquences ?

Moïse annonce donc l’événement en édictant une injonction, une loi, aux enfants d’Israël :

Devarim 26:1 à 26:2. « Quand tu seras arrivé enfin dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage, quand tu en auras pris possession et y seras établi, tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre, récoltés par toi dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, t’aura donné, tu les mettras dans une corbeille, et tu te rendras à l’endroit que l’Éternel, ton Dieu, aura choisi pour y faire régner son nom. »

Le succès arrivé, les enfants d’Israël devront, avant toute autre démarche, exprimer leur générosité et leur reconnaissance envers Dieu en apportant les prémices de leur récolte au Temple. Ces prémices seront données en partage à ceux qui resteront dépourvus, les Lévites, l’étranger, l’orphelin, la veuve et les plus démunis.

L’injonction de l’Éternel à la générosité et à la reconnaissance, par l’intermédiaire de Moïse, est une démarche remarquable. En contraignant à l’avance les enfants d’Israël au partage, l’Éternel les prépare a la réussite et comble leur espoir de façon indirecte. Il les stimule ainsi dans leurs actes. La générosité et la reconnaissance deviennent des facteurs de succès. Les enfants d’Israël sont dès à présent  responsables de ce qu’ils vont obtenir et comprennent qu’ils devront en assumer les conséquences. En retour, ils savent qu’ils pourront jouir pleinement de leur succès.

L’injonction de reconnaissance, implique le souvenir du passé aux enfants d’Israël. Elle les soumet à l’humilité.

Devarim 26:5 à 26:6. « Et tu diras à haute voix devant l’Éternel, ton Dieu: mon père était un araméen errant. Et il descendit en Egypte, y vécut en étranger, d’abord en très petit nombre, puis il devint là une nation considérable, puissante et nombreuse. Alors les Égyptiens nous maltraitèrent, nous opprimèrent et nous imposèrent un dur esclavage. »

Ces versets de la paracha sont repris par la haggada de PessaH.

Notre paracha délivre un protocole à suivre et des recommandations :

Dès que nous atteignons la réussite, nous devons nous présenter devant le Cohen (le Cohen de notre temps, bien-sûr) remercier l’Éternel en le remerciant, lui manifester notre générosité et l’assurer que nous partagerons le fruit de notre succès avec les plus démunis.

Alors seulement, nous pourrons dire, comme l’ont fait les enfants d’Israël après s’être acquittés de leurs devoirs :

Devarim 26:14 à 26:15. « …docile à la voix de l’Éternel, mon Dieu, je me suis entièrement conformé à tes prescriptions… Regarde du haut des cieux, ta sainte demeure, et bénis ton peuple Israël et la terre que tu nous as donnée, comme tu l’as juré à nos pères… »

Recommandation à retenir : avant de demander, nous devons d’abord donner.

La spiritualité nous a guidés sur le chemin de la réussite. La générosité et la reconnaissance, véritables facteurs de succès, nous ont permis de prendre conscience du chemin parcouru et de toute la valeur de notre réussite.

Par ailleurs, quand nous aurons à encourager nos proches, ou à nous encourager nous-mêmes, il sera nécessaire de conforter leur espoir de réussite, ou le nôtre. L’espoir, lui aussi, est un facteur de succès majeur !